
Enfin le divorce ! Ce mercredi 29 janvier 2025, le divorce est enfin acté entre l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dans une annonce fracassante le 28 janvier 2024, les trois pays de l’AES : Mali, Burkina Faso et Niger ont affirmé leur volonté de quitter l’organisation sous régionale. Mais il a fallu un an pour que ce retrait soit effectif conformément aux textes de la CEDEAO. Au cours de ces douze derniers mois, on l’a assisté à une série d’actions de part et d’autre. On pourrait ainsi qualifier la relation entre l’AES et la CEDEAO de Je t’aime, moi non plus !
Sans revenir sur les faits qui ont conduit à la rupture entre l’AES et la CEDEAO, sur lesquels nous nous sommes exprimés dans des écrits par le passé, nous nous focalisons sur les conséquences de cette rupture en mettant en exergue les perspectives sur les plans politique et économique.
● Sur le plan politique
Force est de constater que la création de l’AES en septembre 2023 a permis de rééquilibrer les rapports de force avec la CEDEAO. En effet, avant la création de cette entité, la CEDEAO avait une posture très hostile envers les pays en transition. Les sanctions contre le Mali et le Niger et surtout la menace d’intervention militaire dans ce pays en sont des parfaites illustrations. Depuis la création de l’AES, il faut dire que le ton a changé. Les discours au ton belliqueux ont laissé place au langage diplomatique. Les dirigeants de l’AES, s’appuyant sur une volonté souverainiste, ont su avoir l’adhésion d’une bonne partie de l’opinion publique ouest africaine.
Cette posture souverainiste contraste avec celle de la CEDEAO jugée à tort ou à raison d’être un syndicat des chefs d’Etat. Il y a donc là une véritable différence sur le plan politique et surtout idéologique. D’un côté, les dirigeants de la CEDEAO, du moins dans les textes, estiment que la « démocratie » doit être la seule mode de gouvernance et que toute prise de pouvoir hors cadre constitutionnel est illégale. De l’autre côté, les dirigeants de l’AES pensent que la défense de la « souveraineté » doit être la boussole dans la conduite des affaires publiques. A terme, cette situation pourrait conduire à une redéfinition de nos grilles d’évaluation en matière de gouvernance. Néanmoins, il faudrait observer la situation politique dans l’espace AES. La défense de la « souveraineté » sera-t-elle une manière de se maintenir au pouvoir ? L’autre question sur laquelle les deux entités seront jugées est la suivante : le développement précède-t-il la démocratie ? Ce qui nous conduit au volet économique.
● Sur le plan économique
Sur le plan économique, il faut dire que l’incertitude demeure. Si la confédération de l’AES a annoncé dans un communiqué début décembre qu’il n’y aura pas de visas avec la CEDEAO, cette dernière reste pour l’instant silencieuse sur ses intentions. En effet, les conséquences économiques ne peuvent être évaluées que lorsque la CEDEAO affichera sa position. Il y a donc lieu de s’interroger sur ce silence diplomatique. Est-ce le signe que le sujet ne fait pas consensus parmi les pays membres ? Le prochain sommet ordinaire de l’organisation sous régionale est prévu en juillet prochain lors duquel la décision des chefs d’Etat pourrait être connue. Mais il n’est pas exclu qu’un sommet extraordinaire soit convoqué d’ici là. En tout état de cause, en prenant la décision d’assurer la libre circulation des personnes et des biens, l’AES espère la réciprocité. De notre point de vue, c’est l’hypothèse la plus probable. Cela pour deux raisons. Primo, il n’est pas assuré que les dirigeants de la CDEAO puissent décider à l’unanimité d’imposer le visa aux ressortissants de l’AES et d’augmenter les tarifs douaniers sur les marchandises. Il suffit de constater la posture du Togo et celle toute récente du Ghana pour s’en convaincre. Secundo, une telle décision aura inévitablement des répercussions sur l’économie dans différents pays de la CEDEAO eu égard aux volumes d’échanges entre ces deux entités. C’est ainsi que certains reprochent à l’AES de vouloir une CEDEAO à la carte, en se débarrassant des contraintes politiques tout en maintenant les avantages économiques.
En somme, nous pouvons dire que cette rupture entre l’AES et la CEDEAO est avant tout idéologique.
Brehima SIDIBE
Doctorant à CY Cergy Paris Université.

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