● Mauritanie ~ Contribution | Ce que nous attendons d’un ministre de l’Économie, en Mauritanie | Par M. Souleymane Sidibé

On aurait sans doute gagné, en Mauritanie, à avoir un ministre de l’Économie véritablement utile au pays : un homme ou une femme qui allie rigueur technique, sens de la responsabilité, vision économique souveraine… Bref, quelqu’un capable de transformer une économie encore largement extractive en moteur de transformation, de justice et de développement inclusif.

Celui qui nous sert de ministre semble-t-il être dans une logique de m’as-tu-vu politique ? Hélas, il est coutume de voir souvent des responsables politiques cacher leurs limites derrière le verbiage ou des idéologies usées, pour plaire à une frange de la population en décalage total avec les réalités contemporaines. Ce que nous méritons : des propositions solides, pas des postures.

Le ministère de l’Économie ne devrait pas être une vitrine idéologique. Il devrait y avoir des compétences techniques reconnues. Celui-là qui choisit la posture au lieu de la consistance devrait s’inspirer de ses prédécesseurs. Le pays a besoin d’un fin stratège, économiquement parlant.

S’il choisit de s’adresser à nous exclusivement en arabe, qu’il nous parle donc du PIB réel, de l’inflation, du taux de pauvreté, du chômage, des inégalités régionales. Qu’il nous explique, chiffres à l’appui, où va notre économie, quels mécanismes sont à notre disposition pour en sortir, et comment les citoyens peuvent en bénéficier. En arabe, avec les indicateurs socioéconomiques et financiers. Qu’il nous parle de l’impact des marchés marchés gré à gré (over-the-counter)…

Qu’en est-il de nos secteurs productifs ? De la pêche, du gaz, de l’agriculture ? Comment travaille-t-il avec les autres ministères pour bâtir des structures solides ? Comment pense-t-il la redistribution, l’équité budgétaire, l’accès aux marchés pour les plus marginalisés ? Que fait-il pour briser le centralisme nouakchottois ? Que propose-t-il en matière de justice fiscale ? Que propose-t-il à ses pairs ?

Nous attendons alors :

• La publication trimestrielle d’un bulletin économique grand public, en arabe (les francophones vont se démerder alors !), incluant les données-clés de l’économie nationale ;
• La mise en place d’un tableau de bord numérique en accès libre, recensant les principaux indicateurs socioéconomiques ;
• L’organisation d’assises régionales de l’économie avec les acteurs économiques locaux (PME, jeunes, agriculteurs, pêcheurs, femmes cheffes d’entreprise) ;
• Une stratégie nationale de soutien aux PME et à la filière agroalimentaire locale, avec des lignes budgétaires identifiables dans la loi de finances ;
• Un plan de décentralisation économique, visant à sortir du modèle hyper-centralisé de Nouakchott/ Nouadibou ;
• Un rapport annuel indépendant sur les politiques économiques, présenté au Parlement, en arabe, sinon dans la langue de sa formation (le français !) avec recommandations à la clé.

La fracture économique en Mauritanie est aussi sociale et communautaire : entre Noirs et non-Noirs, entre urbains et ruraux, entre fonctionnaires et non-fonctionnaires. Un ministre utile ne peut l’ignorer. Il doit avoir un plan de transformation économique clair et réaliste, penser diversification, en plus du soutien  aux PME locales, penser les filières agroalimentaires, les retombées du numérique, l’industrialisation.

Et surtout,  sortir du mimétisme : ne pas suivre aveuglément les injonctions des bailleurs, mais proposer des perspectives souveraines, ancrées dans les besoins du pays.

En observant les plans économiques de la sous-région, le constat est amer. Mais espérons que le ministre soit assez moderne dans sa gestion et sache nous parler de FinTech, de la digitalisation de ses services au lieu d’une correspondance sans traçabilité, de transparence budgétaire, de permette un Doing Business, d’Open Budget Index, et surtout : savoir communiquer des outils au peuple, la relation avec la monnaie, la Banque Centrale, entre son ministère et les autres. Et qu’il puisse nous inviter à la réflexion et comprendre les rapports de force géopolitiques, économiques et stratégiques avec la Chine, les États-Unis, la France, la Turquie, le FMI, l’UE, etc., et en tirer profit. Bien évidemment, sans que nous n’ayons à les subir.

Plus que jamais, la Mauritanie (notre grand « petit pays ! ») a besoin d’un leadership économique fort, qui fait une analyse SWOT (Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces) de la situation actuelle. Une femme ou un homme qui porte un leadership qui ose parler de transition écologique, de capital humain, de valeurs républicaines. Pas d’un gestionnaire de façade. Pas d’un idéologue de repli.

Voilà ce que nous attendons. Voilà ce que mérite ce pays.

Souleymane Sidibé

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