● Le matheux, le dictionnaire et la terrible soustraction… | Par Mouhamadou Sy

Nous étions en hiver 2009-2010, j’étais nouvellement arrivé en France.
Je m’étais fait un passe-temps d’errer dans les quelques magasins favoris du grand centre commercial, utilisant leurs rayons en guise de plongeoir dans le monde perdu des souvenirs. Je passais d’un rayon à un autre, tâtais les objets sans avoir le moins du monde l’intention de les embarquer dans un caddie – à supposer que j’en eusses les moyens!

D’un magasin à l’autre, mes pensées, tel un chapelet à perles insensées, déroulaient, pas toujours en toute conscience, des sujets aussi variés que ce qui clochait avec la démo de la prof de chimie, ou ce que feraient de nous les extraterrestres s’ils arrivaient à envahir notre planète, ou encore la raison qui fait que les chips sont hyperboliques… Avant que le vent de mauvais augure de mon esprit me rappelle subitement que le froid m’attendait dehors et que je ferais mieux de penser à regagner mes pénates si je ne voulais pas geler comme le fit la démo de ma prof au cours de la matinée !
Mais ce jour-là, le rituel n’en était pas encore arrivé à sa fin. Il fallait, quoique cela puisse être serré, passer par la Fnac. Ce lieu, par l’odeur de ses livres, m’a toujours prodigué des pensées de qualité, même les plus futiles d’entre elles. Elle m’enivrait, et je m’adonnais alors à un envol au gré du parfum du jour. Je m’y dirigeai donc.
Dans Fnac, mon chemin est tout tracé ; je passe devant la machinerie électronique les yeux rivés au sol, je traverse sans saluer les cd, films et consorts. Et enfin me voilà dans les bras accueillants de ces lumineuses étagères… Je tourne, fouille, feuillette, range en boucle. Mais ce soir d’hiver, une chose particulière a attiré mon regard et absorbé mon attention. Je m’approchai délicatement comme pour ne pas la faire fuir… Oui, c’était bien les mots que j’ai cru lire de loin. Je me livrai donc à épier l’intérieur de ses pages… C’était bien l’idée que j’en avais intuitée : l’idée selon laquelle j’allais adorer ce qu’elle renfermait. Allez, vite… à la quatrième de couverture! Le prix ? 39,90 euros. Quoi ?! Il n’était nul besoin de me faire un topo sur mes finances que je connaissais par cœur, que j’avais d’ailleurs toujours sur moi comme un code de lancement nucléaire. Comment se séparer de son capital financier censé être le recours devant tous ces besoins qui assaillent de partout notre précaire condition ?
Pour mon cas, ça tombe bien, il n’était pas non plus si lourd à porter. Il s’élevait en tout et pour tout à 40 euros !

Que faire donc ? Acheter le bouquin et ne se retrouver plus qu’avec 10 centimes, soit exactement le prix de rien du tout, même pas d’une chips plane ? Ou bien ne pas acheter le bouquin et passer la nuit à feuilleter les pages blanches de mes pensées amères sur lesquelles aucune spéculation ne dessinera la moindre curiosité géométrique qui puisse me consoler, mais quand même garder une meilleure ‘sécurité’ financière ?  Le choix était vite fait : je devais feuilleter cette nuit-là les pages de ce joyau fait d’êtres mathématiques, des plus étonnants aux plus envoûtants.

Je n’avais pas senti le froid sur le chemin de retour à la résidence et encore moins le temps que traversait la lune dans cette nuit à longueur digne d’un plein hiver. Mes dix centimes n’étaient pas les seuls dédaignés de la pièce. À vrai dire je ne sais toujours pas si je m’étais acquitté de l’obligation sociale de saluer ceux avec qui je vivais ! Le livre m’accompagnera fidèlement jusqu’à plus de trois hivers plus tard.[…]

Nous sommes en 2013, je finissais un repas dans l’un de ces restaurants de bons mets à l’entour de la gare de Lyon. On peut déjà deviner que je ne payais pas avec mes fameux 10 centimes. C’était une sorte de tradition qu’avait instaurée Florence, ma si sympathique et généreuse mentoresse de l’époque.

Cet après-midi du printemps crépusculaire de l’an 2013, après ce repas dont j’ai oublié la constitution mais dont j’ai toujours gardé le souvenir de la bonne saveur, Florence me demanda de l’accompagner à son bureau, situé dans les environs, m’annonçant qu’il y avait une surprise ! Je ne cache pas que, sur le chemin, j’ai passé en revue toutes les possibilités. Je déteste me laisser surprendre ! Mais vais-je réussir à anticiper ce coup-ci ? On arriva, on entra dans le bâtiment. Un Monsieur âgé était debout, en train d’arranger son cartable posé sur un bureau. On se regarda brièvement comme un échange d’un début de salutation. Je sus qu’il savait qui j’étais, voire qu’il m’attendait. Florence me demanda : Alors Mouhamadou, connais-tu ce Monsieur ? Je répondis : non, mais c’est un matheux ! Ceci déclencha un rire simultané chez les trois. J’ai dû expliquer les préjugés ayant mené à mon affirmation. Et là, Florence me dit : je te présente le recteur Bouvier !

Alain Bouvier est un mathématicien et l’un des auteurs du dictionnaire qui m’avait fait chavirer plus de trois ans auparavant. J’avais raconté l’histoire à Florence qui, en fait, collaborait avec Alain ; ce qui n’avait pas été porté à ma connaissance. C’était la meilleure surprise qu’on pouvait me faire. Et, elle ne m’avait laissé aucune chance pour pouvoir l’anticiper. Autant le dictionnaire m’avait émerveillé, autant ma discussion avec Alain m’a captivé. J’ai découvert une personne passionnante et inspirante, du genre de ceux qui savent communiquer avec notre part apte à s’émerveiller. À la fin de notre entretien, il sortit un sac en plastique de son cartable et me le tendit. Il s’y trouvait la toute nouvelle édition du dictionnaire des mathématiques qu’il m’avait dédicacé.
Ce 7 juin 2013 restera une date mémorable dans ma vie tant par l’agréable surprise que par la qualité de la rencontre. Cette ruine financière pour laquelle j’avais opté dans le dilemme fnacquien ne m’aura ainsi procuré qu’enrichissement humain de toutes sortes du début à la fin !

Mouhamadou Sy

● Le Conseil Constitutionnel décide de supprimer un paragraphe de la « loi sur les symboles »

Taqadoumy – Le Conseil Constitutionnel a décidé d’annuler une partie du deuxième alinéa de l’article 3 de la « loi sur les symboles », en invoquant son « inconstitutionnalité ».

Le Conseil a pris cette décision à la suite d’un recours déposé par la défense de l’activiste politique Ahmed Abdallahi Samba.

Dans sa décision, le Conseil a souligné que la section en question « viole le principe d’égalité inscrit dans le Préambule de la Constitution, et viole le texte de l’art 10 de la Constitution car il conduit à la restriction de la liberté d’expression ».

La décision a été prise après une délibération du Conseil Constitutionnel mercredi, sur la base d’un recours déposé par la défense de Ould Samba.

Il est à rappeler que celui-ci a été envoyé en prison et inculpé par le Ministère Public, conformément aux dispositions de ladite loi.

Selon la décision, le paragraphe se lit comme suit : « Une atteinte délibérée à la vie personnelle du Président de la République est considérée comme une atteinte délibérée à sa vie personnelle ».

Le texte suivant a été supprimé : « ou de tout agent public dont les actes et les décisions de gestion dépassent ses actes et décisions vers sa personne et sa vie personnelle, ou la divulgation d’un secret personnel sans l’autorisation expresse de l’intéressé, et toute production, publication ou diffusion de diffamation, d’injure, d’insulte ou d’attribution de faits mensongers à une personne. »

• Lien média https://cridem.org/C_Info.php?article=778868