
Depuis sa “pénétration” sur le continent africain, dans les années 2009, 2013 et 2015, WhatsApp a révolutionné la communication en la rendant quasi gratuite et accessible à tous.
L’oralité étant l’un des aspects les plus importants de la culture africaine, WhatsApp aurait dû y trouver naturellement sa place. Mais malheureusement, il a été utilisé à mauvais escient, créant amertumes et instabilités sociales.
La société soninké du Guidimakha, connue pour sa forte diaspora vivant en Europe, en Amérique et en Afrique, a accueilli cette technologie avec enthousiasme.
WhatsApp était un moyen de rétablir le lien entre les émigrés éloignés du terroir et les familles restées au pays. Il apparaissait comme une thérapie qui soulageait les angoisses liées à la séparation, à la solitude et à l’absence.
Au début, l’usage de WhatsApp était modéré, d’autant que le réseau n’était pas disponible partout : la démocratisation de la communication restait limitée. Les appels téléphoniques dominaient encore.
Cependant, il serait injuste de passer sous silence qu’il existe, malgré tout, quelques groupes WhatsApp soninké porteurs de messages utiles et courageux. Certains ont servi de plateformes de réflexion, de débats constructifs et d’éveil collectif.
Ils ont abordé des sujets que l’on n’osait pas évoquer : la lutte contre la féodalité, contre l’esclavage par ascendance, pour une citoyenneté pleine et entière, ou encore la remise en cause de certaines clauses du pacte communautaire hérité. Ces espaces vertueux ont accompagné des prises de conscience, éclairé les esprits et porté des combats légitimes.
Mais depuis que WhatsApp est devenu populaire et accessible à tous — avec la possibilité de créer des groupes, d’envoyer sons, vidéos et images — la société soninké du Guidimakha est en proie à des crises sociales multiformes, menaçant son existence et son identité.
Le responsable, c’est bien le mauvais usage de la technologie, la banalisation de la parole et la multiplication d’intervenants qui ignorent les conséquences d’une communication incontrôlée. Chacun s’improvise tribun ou porte-voix.
La parole s’est libérée, mais elle nous a emprisonnés dans le déshonneur : plus de tabou, plus de respect, plus de secret, plus de retenue, plus de pudeur.
La dignité nous a quittés. Nous passons notre temps à nous insulter, à nous provoquer à travers des groupes WhatsApp qui cristallisent nos contradictions, nos divisions et nos animosités.
Certains se sont spécialisés dans la diffamation, la calomnie et l’insulte publiques. Des grandes gueules, tels des tireurs à gage, sont payés pour dénigrer, humilier et injurier.
La rhétorique de la délation, de l’injure et de la violence verbale s’est emparée de la société soninké. Les derniers sages qui nous restent encore préfèrent se taire, craignant d’être rabaissés. Ils redoutent ces mauvaises langues, ces hyènes qui ricanent sur tous les toits et n’épargnent plus personne.
La parole est d’argent, le silence est d’or. Taisez-vous ! Arrêtez de vous insulter, de nous insulter, de nous humilier. Vous avez ouvert des fronts d’hostilité, distillé la haine et la vengeance partout.
Vous avez déstabilisé des familles, des communautés et des villages par votre usage inconscient et destructeur de la parole et de la technologie.
Au Guidimakha, on en vient à constater que l’on ne travaille plus. Désormais, les Soninké parlent : parler pour nuire, parler pour se nuire les uns les autres, pour se glorifier, pour se vanter, pour détruire, pour insulter, pour se faire insulter.
Pensez à vous déconnecter. Quittez tous ces groupes WhatsApp qui répandent, prêchent la division et la guerre, l’orgueil ou encore l’autoglorification.
Nous passons à côté de l’essentiel. Nous nous chamaillons sur des choses futiles, dépassées, souvent sans réelle importance.
Voilà une société réfractaire au changement, à la modernité mais prompte à consommer sans modération les produits de la technologie, de la science. Encore une fois, ce n’est point la technologie qui est en cause, c’est plutôt notre rapport à la technologie, notre usage de la technologie ici WhatsApp.
Seyre SIDIBÉ

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