● La prééminence des questions nationales sur la doctrine de la politique étrangère. | Par Seyré SIDIBE [OndeInfo]

Que des Palestiniens et Israéliens s’entretuent et se livrent à une bataille sans fin, l’esprit et la raison peuvent l’entendre et le saisir.
Nous disons tout simplement qu’ il s’agit de la continuité des guerres de religion.

Pour les Israéliens, il s’agit de conquérir un territoire identitaire pour mettre fin à l’errance d’un peuple : un espace vital. Et pour les Palestiniens, c’est d’abord une question de dignité; il ne faut rien céder, en opposant à l’envahisseur une résistance farouche pour ne pas se faire voler un héritage sacré.

Et cette guerre est l’une des injustices les plus vieilles du monde face à laquelle la communauté internationale péche par une partialité et un silence assourdissant à crever les yeux.

En revanche, ce qui est difficile à expliquer, à accepter et à soutenir, c’est le massacre de Mauritaniens par d’autres Mauritaniens, tous militaires de surcroît ayant servi tous sous le même drapeau national et porteurs des mêmes valeurs islamiques.

La pendaison de 28 négro-Mauritanien dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990 par leurs frères d’arme pour célébrer de façon sadique et cynique la fête nationale est digne d’un film d’horreur.

Crimes odieux, parjure irréparable. Absence d’humanité, négation de toute religion et morale.
Cette histoire douloureuse, cette page sombre, cet épisode difficile à raconter, à soutenir et à occulter restera toujours présent, pesant et bourdonnera dans les oreilles et la conscience de tout Mauritanien juste, soucieux de l’unité et la cohésion nationales.

Aucune répression, banalisation jusqu’à la diabolisation, aucune politique nauséabonde et négationniste ne réussira à faire oublier ou effacer ces crimes.
Même le temps, qui en d’autres circonstances efface les preuves et la douleur des victimes par sa force, sa capacité corrosive et évanescente ne réussira à « diluer » cette tragédie.

Seule la justice pourra panser les coeurs saillants. Cette justice attendue désespérément depuis 33 ans par les veuves et orphelins, par une partie du peuple Mauritanien interviendra, un jour comme une espèce de garrot qui arrêtera l’hémorragie et les larmes des familles explorées.

Les Palestiniens sont dans une logique de guerre avec Israël. Chez nous, les événements meurtriers des années 90 – 91 n’avaient rien de tel. C’est un État qui a planifié le massacre de ses fils sur la base de considérations politiques, fallacieuses et schizophrènes.

L’unité nationale se construit sur des valeurs communes qui fédèrent et fraternisent.
L’orphelin comme la veuve Israéliens à l’image de ceux issus des rangs des négro-mauritaniens des années de braise cherchent une seule chose : justice .

Certains comportements inhibent les efforts consentis de manière disjointe dans l’ancrage de la cohésion nationale par les différents régimes qui se sont succédé.

La compassion excessive pour un peuple meurtri au nom des idéaux de notre politique étrangère au détriment d’une partie du peuple, de nous-mêmes. C’est un manque de décence, de l’antipatriotisme qui ne nous rassemble et nous fragilise davantage.
La Mauritanie et les Mauritaniens d’abord tel doit être la doctrine de nos gouvernants.
Cette prééminence des questions nationales et de la citoyenneté doit guider notre politique étrangère pour qu’elle soit cohérente et pertinente.

Seyré SIDIBE

• Lien média https://ondeinfo.com/la-preeminence-des-questions-nationales-sur-la-doctrine-de-la-politique-etrangere/

● Allocution du député Biram Dah Abeid, président d’IRA, à la commémoration des martyrs de l’armée mauritanienne, le 27-28 novembre à Bruxelles.



27,28 : Deuil et faillite économique et morale

Hier, le 27 novembre 2023, lors d’une audience de son procès, l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz, fait usage du droit à la contradiction. A sa propre initiative, devant l’assistance, il reconnaît avoir reçu, de son successeur, en août 2019, des millions de dollars et d’euros en liquide et 50 véhicules neufs soulignant qu’il s’agit d’une partie du reliquat de la campagne électorale de la même année, au terme de laquelle Mohamed Ould Cheikh Ghazouani accédait à la magistrature suprême.
D’emblée, les déclarations du susdit comportent quelques enseignements et suscitent des observations, à la fois d’ordre empirique et moral :
1. L’opacité du financement du parti Upr, devenu Insaf est désormais établie, hors de la moindre ambiguïté.
2. Les faits allégués relèvent du crime économique et appellent une enquête, distincte de la procédure en cours. Après 45 ans de règne de la concussion et de la prévarication, l’occasion s’offre ainsi, à la justice, de redorer son blason, ô combien terni.
3. Le caractère tardif des révélations laisse transparaître une volonté manifeste de règlement de comptes, dans le cadre de la lutte de préséance entre l’ex-Chef de l’Etat et l’actuel.
4. Longuement, à la faveur d’un monologue interminable, l’ex-chef de l’Etat Mauritanien s’est livré au décompte de ses « réalisations » avec une insistance sur la réorganisation et la modernisation des forces armées, comme s’il cherchait à stimuler-entretenir la tentation d’un nouveau putsch.
5. La gouvernance militaire de la République islamique de Mauritanie correspond, loin de l’exagération et de la surenchère, à une entreprise de prédation, relevant du modèle classique de privatisation du profit et de socialisation des pertes. Les tribus et les clans restent les acteurs et bénéficiaires exclusifs du pillage.
6. A la veille de la commémoration de la fête de l’Indépendance, au demeurant endeuillée par la tuerie raciste d’Inal (27 novembre 1990), il ressort que la restauration de la concorde entre nos compatriotes requiert un débat ouvert et inclusif quant à l’urgence de refonder le vivre-ensemble, sur des bases de transparence de la gestion publique, de vérité et de réparation. Derrière les violations massives de la dignité de la personne, prospère, en réalité, une industrie du détournement et de la fraude ; les Mauritaniens en ont été constamment distraits.
7. Les Mauritaniens vont devoir donner raison à une certaine opposition et lui demander pardon, elle qui dénonce de tels agissements, depuis des décennies, sans parvenir à en produire la preuve. L’aveu de Mohamed Ould Abdel Aziz vient combler la faille, enfin. Il appartient, à l’opinion, de se livrer à l’examen rétrospectif : qui a volé, torturé, déporté, tué et s’en trouve toujours récompensé ?
8. La corruption au sein de l’appareil d’Etat constitue un pilier structurant de l’exercice du pouvoir politique en Mauritanie. La pratique atteint un niveau de banalisation tel qu’une épuration s’impose, sous peine de voir le pays se disloquer, à l’image de la Somalie de Siad Barre.
9. Compte tenu de ce qui précède, il serait extrêmement préjudiciable, à l’avenir de l’Etat de droit, que les actes délictuels de l’ancien Président et ses complices inclus ou en dehors de la procédure judiciaire actuelle, ainsi que de grands escrocs, habillés en hommes d’affaire, arnaquants l’Etat et corrompants les hauts fonctionnaires, soient couverts, un jour, par leurs soustraction à la loi, l’impunité ou autre mesure d’amnistie ou de grâce. Le moment d’en finir avec l’impunité multidimensionnelle n’a que trop tardé.

Biram Dah Abeid
Bruxelles, 28 novembre 2023.