● Mauritanie | L’Appel Pressant à la Communauté Maure pour Briser les Chaînes de l’Injustice | Par M. Mamoudou Baidy Gaye (Alia Gaye)

–Paris 1er Août 2025

Une question lancinante hante les sables et les rues de Mauritanie pourquoi l’injustice persiste-t-elle, génération après génération, et semble-t-elle s’enraciner davantage ? Ce constat amer, partagé par de nombreux Mauritaniens, ne peut plus être étouffé par le silence ou les dénégations commodes. Il est temps de regarder en face une réalité complexe et douloureuse.
Il est indéniable, comme le soulignent de nombreux observateurs, qu’une part significative de la communauté maure (Bidhân) occupe historiquement une position sociale, économique et politique dominante. Cette position, héritée de structures séculaires, confère des privilèges tangibles. Pourtant, un silence assourdissant, ou trop souvent des paroles timides, émanent des sphères d’influence traditionnelles au sein même de cette communauté les chefs de tribus, les imams écoutés, les notables influents. Où est la solidarité active, tangible, sans ambiguïté, envers les autres communautés – Haratines, Négro-Mauritaniens – qui subissent de plein fouet les injustices sociales les plus criantes : l’esclavage sous ses formes contemporaines, la discrimination foncière, l’exclusion politique, l’accès inéquitable à la justice et à l’éducation ?
L’histoire récente nous enseigne une leçon cruciale les changements positifs, aussi timides soient-ils, n’ont jamais été l’initiative exclusive des opprimés. Ils sont survenus lorsque des consciences se sont éveillées au sein même des cercles privilégiés. Lorsque des hommes et des femmes, bénéficiant de cette position « confortable », ont eu le courage de regarder l’injustice en face, de remettre en question l’ordre établi qui les avantageait, et d’agir. Ils ont choisi la justice au détriment de leurs privilèges immédiats, assumant les conséquences parfois lourdes de ce choix courageux. C’est leur voix, leur refus de la complicité passive, qui a permis les rares avancées vers une société plus équitable.
À la communauté maure, avec qui nous avons tissé le destin commun de cette terre depuis des siècles, cet appel solennel est lancé
Le temps de l’attentisme, des excuses et des demi-mesures est révolu. L’heure est à l’action décisive et courageuse.Nous partageons le même sol, le même avenir, la même destinée éternelle. L’héritage que nous laisserons aux générations futures est en jeu aujourd’hui. Voulons-nous leur léguer une Mauritanie fracturée, gangrénée par l’injustice et la méfiance, ou une nation unie, fondée sur le droit et le respect égal de la dignité de chaque citoyen ?
La responsabilité historique vous incombe, en grande partie, chers frères et sœurs de la communauté maure. Vous détenez souvent les leviers du pouvoir, de l’influence sociale et religieuse, de l’économie. Utilisez-les non pour perpétuer un système inique, mais pour le démanteler. Interpellez vos chefs tribaux pour qu’ils dénoncent les discriminations au lieu de les perpétuer. Exigez de vos imams qu’ils prêchent une véritable justice islamique, une solidarité sans frontières ethniques ou sociales, qui soit le cœur du message divin. Poussez les élites économiques et politiques à mettre en œuvre des politiques concrètes d’équité réforme foncière juste, accès égal à l’éducation et à la santé, lutte implacable contre l’esclavage et ses séquelles, justice indépendante pour tous.
Dieu, comme le rappelle à juste titre la sagesse, n’est pas avec les injustes (wa mā Allāhu biẓ-ẓālimīn). Cette vérité transcendante doit guider nos pas. La passivité face à l’injustice est complicité. Le silence est une arme de l’oppresseur.
La Mauritanie ne connaîtra la paix et la prospérité véritables que lorsque la justice sera le socle commun de toutes ses composantes. Il est temps, chers compatriotes de la communauté maure, de faire le choix courageux. Le choix de la Mauritanie juste. Le choix de l’héritage lumineux. Le choix de Dieu et de l’Histoire. Agissons, maintenant, ensemble, pour briser enfin les chaînes du passé et bâtir l’avenir commun. L’éternité nous regarde

Mamoudou Baidy Gaye dit Alia journaliste militant membre de MDJ

● LES CENT ANS DE LA NAISSANCE DE FRANTZ FANON | Par Professeur Yaya SY


Le numéro spécial du Journal Antilla réalisé en 1991, entièrement par YAYA SY Anthropologue et Professeur d’histoire à la  retraite.

● (Les inquiétudes d‘un Fanonien ordinaire)


J’observe avec un peu de réserve l’anthousiasme contagieux suscité par les commémorations du centenaire de F. Fanon autour de ses idées (« Les damnés de la Terre »). Il est certes très important de sensibiliser la jeunesse du monde à ses idées, mais il faut surtout le faire pour ses actes.
Cependant, je dois partager cette petite inquiétude, qui je l’espère, est fondée sur une observation et une lecture correctes du monde d’aujourd’hui.
1°) A mon humble avis, tout authentique Fanonien ou toute institution qui se réclame des idées de Fanon et sa « praxis », doit se préserver de l’« appropriation exclusive» de l’héritage fanonien. Fanon s’est battu pour tous les « damnés de la terre », pour tous les peuples du monde, pour tous les hommes et toutes les femmes opprimés où qu’ils soient dans l’espace et dans le temps. 
2°) Par conséquent, son pays natal la Martinique et son pays d’adoption l’Algérie, doivent être conscients du poids historique de l’héritage fanonien : ils doivent être ouverts à toutes souffrances du monde, rester sensibles et vigilants à toutes les injustices et à toutes les agressions menées à l’endroit des peuples et des individus. De ce point de vue, ce qui se passe à Gaza, au Soudan, au Congo, etc., avec leurs cortèges de morts et de violences insoutenables, doit être dénoncé et condamné avec la dernière énergie.
3°) L’Algérie jadis en lutte pour sa libération,  qui avait fait de Fanon son Ministre des Affaires Etrangères, doit actuellement, de mon point de vue, revoir sa position vis-à-vis du racisme envers les Noirs, en particulier à l’endroit  des  Africains et les peuples africains. En effet, récemment, des femmes algériennes ont  manifesté contre ce racisme ambiant afin d’épouser librement un Africain noir comme tout autre homme de leur choix.
Par ailleurs,  l’Algérie doit également se rappeler que  le Mali était une base arrière sûre du FLN et un nid accueillant pour les dirigeants de l’Algérie combattante pendant la guerre de libération ; alors qu’aujourd’hui, le Mali en lutte pour sa pleine souveraineté, est dans le viseur et le collimateur du gouvernement algérien… On ne parle même pas Africains refoulés dans le désert sans moyens de se nourrir correctement…
Enfin, les membres du cercle Fanon doivent associer pour toujours le nom de Frantz Fanon  à celui Me Marcel Manville en particulier. Ils ont vécu en duo en partageant joies et peines dans leur plus jeune âge, dans la « dissidence », dans la Seconde Guerre mondiale, puis ont épousé ensemble le combat du peuple algérien jusqu’à ce que la maladie et la mort prématurée de Fanon les séparent. Marcel Manville, Joby Fanon, Me Ménil et son épouse Geneviève ; une pensée émue pour les fondateurs du Cercle Fanon dont les noms ne doivent jamais disparaître de nos mémoires…
Enfin, n’oublions pas non plus que l’initiateur de Fanon à la lecture anticoloniale du monde fut Aimé Césaire, son Professeur au Lycée Victor Schoelcher.  Même s’il arrive souvent que le disciple s’envole librement de ses propres ailes, voire se reconstruit autrement.
Je souhaite vivement que ceux qui se réclament de l’héritage de Fanon aujourd’hui, évitent l’exclusivisme, les modes passagères et les exhibitions voyeuristes de la toile, qu’ils se rappellent les deux qualités cardinales au cœur du réacteur de la pensée fanonnienne : la congruence et le rejet de l’injustice.


Par Yaya SY,  Anthropologue et Professeur d’Histoire à la Retraite.


Le 20 Juillet 2025.

● Mauritanie ~ Sénégal – Contribution : MAAYO WONAA KEEROL ! Par M. Kaaw TOURÉ


Maayo wonaa keerol, n’en déplaise aux petits chauvins et nationalistes étroits. Je suis chez moi à Jowol Rewo et Jowol worgo. Je suis chez moi à Guiraye, Mow, Gawol, Dial, Thilogne, Gawdal, Diamel, Dondou, Keeɗeele, Aali wuuri, Nguidjilone wuro Daara Koliyaaɓe, Sadel, Woudourou,  Koundel, Matam kaggu laaɗe, Bokki Diawe, Ndouloumadji, Doumngaaji, Nganno, Haayre Law, .. où vivent, mes oncles, mes tantes, cousins et cousines.. je suis chez moi partout au Fouta Toro. Demander un visa de séjour pour aller me recueillir sur les sables de Bilbassi ou pour cultiver mes champs à Helata ? Quelle absurdité pour un Fuutanke ! Voulez-vous détruire notre moi, notre histoire, notre culture, couper notre cordon ombilical ? Nous faisons partie du peuple des Deux rives et ce peuple fait partie de l’ensemble de civilisations tekrouriennes et mandingue, aujourd’hui sénégambienne. Cette sénégambie géographique et culturelle qui part de la Mauritanie Centrale (vers Moudjeria, Tidjikja) et qui finit en Casamance et en Guinée Bissau, en passant par une partie du Mali. Cet espace est une aire culturelle dans laquelle ont évolué de nombreuses entités ethniques, toutes parentes et dont le sort a été inextricablement lié depuis des millénaires aux différentes mutations ou changements qui y sont intervenus. Le colonisateur français n’est arrivé à détruire ce pays qu’en 1890 seulement alors que cette « conscience collective identitaire » a été forgée des milliers d’années durant et continue à survivre malgré la séparation arbitraire et artificielle du même peuple par le colon.

En tant que fils de la vallée du fleuve, qui naviguait entre les deux rives depuis ma tendre enfance soit pour aller à nos champs de culture,  soit pour suivre les séances de lutte traditionnelle ou participer à des tournois du football et des journées culturelles qui regroupaient les villages des deux rives, je n’ai jamais senti cette frontière entre nos deux pays séparés administrativement  par le colonisateur.
Adolescent j´ai parcouru par pirogue ou par pieds et au dos d´âne beaucoup de villages du Fuuta natal, du Nord au Sud du fleuve pour participer avec mes amis et classes d’âge ( fedde)  à des séances de luttes traditionnelles sous le feu du bois ou au clair de la lune.
C était au beau vieux temps avant que notre vallée ne soit transformée en vallée de larmes, de résignation et de désolation.
Chez moi nous avons deux Jowol, Jowol rewo ( nord-Mauritanie) et Jowol worgo ( sud Sénégal ), c’est un même village avec les mêmes familles de part et d’autre avec une même histoire, même langue, même culture. Avant les années de braise en Mauritanie nous partagions avec Jowol worgo les mêmes mosquées,  les mêmes cimetières, écoles et champs de culture. On célébrait ensemble nos baptêmes et mariages. On priait ensemble nos morts c’est pour vous dire que le lien du sang était plus fort que tout autre décret ou appel. Le fleuve n’ a jamais été une frontière. Et comme je le rappelais tout récemment dans une interview avec un site mauritanien, nous avions, avant les années de braise en Mauritanie, une fédération des associations culturelles de notre zone au Fouta (Le Ngenaar) qui s´appelait Jaalowaali qui s´étendait de Jowol Mauritanie à Koundel Sénégal et qui regroupait plus
d´une dizaines de villages des deux rives et chaque vacance d´été un des villages de la vallée organisait une semaine culturelle et sportive à laquelle participaient toutes les associations culturelles membres de Jaalowaali. Cela donnait lieu à beaucoup
d´activités dont des soirées de théatre, des choeurs, de ballets, de la poésie, des conférences publiques, des opérations d´assainissements des villages, des plantations d´arbres, des compétitions de football, de
l´athlétisme. Ces grands évènements annuels permettaient surtout de raffermir les liens de parenté et des relations d´amitié entre des jeunes du Fouta, en même temps qu´ils entretenaient notre idéal panafricain répondant à cet adage pulaar ”Maayo wonaa keerol” autrement le fleuve n´est pas une frontière.
Je me sens toujours chez moi au Sénégal et en Mauritanie comme tout bon Foutanké, tout
Waalo- Waalo, tout Guidimaxanke, la Mauritanie a été créée sur l’ancien Tekrour, terre où se sont constituées et individualisées ces trois nationalités ou communautés linguistiques. Cette réalité est aussi valable pour nos compatriotes Beydanes du Nord. Un Ehl barikallah, un Rgeibat, un Ehl Mohamed Fadel, un Ehl bousba peut se sentir chez lui en Mauritanie, au Maroc et au Sahara occidental.
Nous avons vu les deux frères Wane (photo) occuper des fonctions ministérielles dans les deux pays. Nous avons vu notre père et oncle Mamoudou Touré occuper le poste du premier ambassadeur de la Mauritanie à Paris et finir comme ministre des finances au Sénégal.
Pour la petite histoire c’est le 10 avril 1904, par arrêté, que tous les territoires situés sur la rive droite du fleuve Sénégal sont provisoirement rattachés à la Mauritanie occidentale, un état conventionnel crée en 1900 par le colon français à la faveur de l’affaiblissement des pouvoirs traditionnels pré-coloniaux et différenciés des communautés qui cohabitaient dans cet espace.
Le 8 decembre 1933, un décret colonial délimite la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie.
Le 03 juillet 1944, par décret, les deux Hodhs qui faisaient partie du Mali, furent rattachés à la Mauritanie à la faveur d’événements religieux (le courant hamallisste) .
Après la conférence de Brazzaville, comme les États colonisés de l’Aof, la Mauritanie devait élire pour la première fois un député à l’assemblée nationale française, un sénateur et un conseiller de l’union de l’Aof. Ces élections révelaient une double signification pour les Mauritaniens. D’abord, elles symbolisaient le début d’une individualisation politique et territoriale par rapport au Sénégal. Jusqu’au 2 juin 1946, le nom de  la Mauritanie figurait jumelée au Sénégal sous l’appellation « Circonscription Mauritanie-Sénégal), ensuite elles devraient confirmer le loyalisme des chefs traditionnels aux réformes traditionnelles.
En novembre 1946, pour la première fois, les Mauritaniens sont appelés à élire leur député au parlement de la République française. C’est une autre histoire nous y reviendrons un autre jour.
 » Maayo wonaa keerol « . Je signe et persiste.
Demain il fera jour et la lutte continue.

Kaaw Touré mo Jowol

● Contribution | Les opinions : bancales ou pertinentes, elles ne se forgent pas du vide ! | Par KS

Hier soir, l’émission d’interview de Sahel TV a eu comme invité le député mauritanien M. Biram Dah Abeid. Un échange diffusé en live via la page Facebook de la chaîne https://www.facebook.com/share/v/18wj3Y7NKX/, était conduit par une compatriote journaliste. Il était débat sur les derniers événements à Dakar autour du député BDA avec les autorités sénégalaises suite à des signalements émis par Nouakchott. Et naturellement, le cas de l’homme politique mauritanien M. Samba Thiam s’invite dans les discussions. Le président du parti FPC (Forces Progressistes pour le Changement non reconnues par les autorités) a été approché par les autorités sénégalaises à propos de la même affaire aux contours flous et étranges. En quoi et pourquoi des services sénégalais osent convoquer un leader politique mauritanien depuis son pays…!? Zèle ou manipulation de grande classe orchestrée par des officines nébuleuses restant à décrypter. Nous savons que M. Samba Thiam et l’honorable député M. Biram Dah Abeid sont partisans de la coalition antisystème qui porta la candidature du dernier lors de la présidentielle 2024 en Mauritanie. Et après l’élection, leurs liens politiques continuent toujours dans l’espace organisationnel de cette Alliance. Ces 2 personnalités par leurs trajectoires militantes et politiques subissent un certain étiquetage suspicieux et inamical dans une forte opinion publique politisée parmi la composante arabo-berbère du pays. Ainsi, la réponse débitée en toute certitude à tort par la journaliste Sahel TV à la question-réplique sur l’identité du président actuel des Flam, est une résultante d’une culture générale bancalement construite et arrêtée sans une nécessité d’aucune mise à jour même pour préparer une émission de ce type. C’est certain, en Mauritanie politique y tient un ordre hégémonique qui refuse et combat une certaine expression opposante. Cet ordre qui bloque la reconnaissance des partis politiques FPC et RAG en souffrance depuis de nombreuses années. Ces partis sont respectivement de M. Thiam (FPC) et de l’aile politique de l’engagement abolitionniste du président d’IRA-Mauritanie M. Dah Abeid. Pour l’ordre hégémonique ces deux personnalités sont encartées dans l’opposition frontale qui ose nommer et indexer sans filtres ses piliers organiques nécessitant d’être revus et corrigés pour l’avènement d’un autre ordre étatique juste et égalitaire. L’ordre actuel peinant à régir un véritable État de droit parce qu’il est généré et géré par un hégémonisme tribalo affairiste, se joue d’une partie de l’opinion publique par une diabolisation de certaines figures contestataires qui demeurent inflexibles dans leur cheminement militant. Diversement, M. Thiam et M. Dah Abeid sont imaginés dans certains cercles privilégiés du système comme des casseurs des ordres établis, pour le premier qui menacerait la nation mauritanienne (Arabo-berbères et Noirs – Haratines) et pour le second vu comme un « rebelle destructeur » de la nation maure (Haratines et Arabo-berbères). Et… toute jonction idéologique et politique entre ces deux personnes fait perdre beaucoup de lucidité au sein de certains cercles de l’ordre hégémonique surtout chez les pans de faucons.

Ici les photos d’illustration de cet écrit expriment ce qu’une certaine opinion publique politisée parmi nos concitoyens arabo-berbères a mené historiquement en termes de protections mécaniques entre la figure de M. Thiam et les Flam (Les Forces de libération africaines de Mauritanie) . C’est une culture générale politique sans actualisation aucune qui suit une logique narrative fonctionnelle (consciemment malaxée à dessein) allant de 1966 (forcing de l’arabisation administrative niveau scolaire) jusqu’aux débuts des années 1990 en passant par le manifeste des Flam en 1986, la conspiration putschiste avortée d’octobre 1987 et les événements de 1989. Cet ouvrage « J’étais à Oualata – Le racisme d’Etat en Mauritanie » d’un ex officier de l’armée mauritanienne M. Boye Alassane Harouna, a été prefacé par M. Samba Thiam. Ils ont été co-détenus à Oualata à la fin des années 1980. L’auteur du livre reconnaît entre les lignes sa participation à un certain degré au putsch avorté et nombre de nos concitoyens arabo-berbères politisés se sont arrêtés à cette phase tendue et ses conséquences dans l’histoire politique de notre pays. Notre dame de journaliste pourrait en faire partie volontairement ou par carence professionnelle. Elle saurait certainement beaucoup de choses sur le passé politique lointain de M. Samba Thiam (leader flamiste et ancien prisonnier politique à Oualata) qui a côtoyé des putschistes supposés appartenant au même groupe sociolinguistique que lui qui comptaient mener un coup d’état dit communautariste contre l’ordre hégémonique. Et, étrangement elle a dû rater l’évolution de la vie politique plus ou moins récente de M. Thiam après son retour d’exil depuis plus d’une décennie. Une sourde propagande sociale, idéologique et politique d’une certaine ampleur y veille sûrement dans l’écosystème politico-médiatique arabophone….et j’ose croire à la marge chez certains francophones avec notre ancien prof d’anglais comme chef de file.

On va espérer qu’elle puisse inviter M. Thiam aussi pour un échange franc et je crois qu’elle verrait que notre compatriote et ses partisans subissent injustement une mise en quarantaine politique parce que leur parti politique est en souffrance de reconnaissance officielle par les autorités.

15 juillet 2025

Koundou SOUMARE pour le BLOG

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec M. Kaaw TOURÉ, homme politique mauritanien (FPC)

Le Grand Entretien du BLOG vous revient avec l’interview accordée par l’homme politique mauritanien M. Kaaw TOURÉ du parti FPC (Forces Progressistes pour le Changement non reconnues par les autorités mauritaniennes). Militant de longue date et ex exilé politique dès sa jeunesse, le natif de Djéol ou Jowol nous brosse un parcours d’engagé déterminé pour l’avènement d’un ordre étatique juste et égalitaire en Mauritanie. Il draine une expérience militante de plusieurs décennies aujourd’hui et à travers cet entretien du Blog, il nous y expose une substance instructive d’intérêt pour l’opinion publique. Nos vifs remerciements à lui pour la disponibilité manifestée pour notre sollicitation médiatique.


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● Question 1 : Bonjour M. Kaaw TOURÉ, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel).

KT : Je m’appelle Kaaw Touré, je suis originaire de Jowol, un village dans le Sud de la Mauritanie, plus précisement dans le département de Kaëdi. J’ai effectué mes études coraniques dans le foyer familial, et à Jowol même mes études primaires et mes études secondaires au lycée de Kaëdi jusqu’en classe de terminale quand je fus arrêté suite aux évènements du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé » de 1986, et participation à une manifestation contre le régime militaire du colonel ould Taya. Après la prison, je fus contraint à l´exil au Sénégal suite à l’exécution des martyrs du 6 décembre 1987 (militaires cités dans une prétendue tentative de putsch). C’est au lycée Limamoulaye de Dakar que j’ obtins mon baccalaureat, suivi d’un diplôme d’Ingénieur en planification économique de l’ENEA de Dakar. Je suis aussi diplômé en sciences sociales et histoire des langues à l´Université de Växjö en Suède. Je travaille comme formateur et chargé
d´insertion dans la société suédoise des immigrés, réfugiés et autres chercheurs d´emploi. J’aime lire et écrire. J´ai à mon actif un recueil de poèmes en pulaar « Sawru Gumdo » ou la canne de l´aveugle qui traite des sujets de société, de notre lutte et de nos martyrs.



● Question 2 : vous disposez d’une certaine aura auprès de l’opinion publique francophone mauritanienne voire au-delà et pourriez-vous revenir sur la genèse et le cheminement de votre engagement de militant politique (notamment les circonstances historiques de votre arrestation, de votre exil…) ?

KT : Je me suis engagé dans la lutte très jeune à l´âge de 15 ans. Je dirai que j´ai eu la chance d´être né dans un village historique, très dynamique et dans un environnement social très politisé et engagé dans le combat culturel, social et du developpement, aussi bien dans mon village natal et dans notre contrée de la vallée. J´avais des oncles et cousins très engagés comme Ibrahima Mifo Sow, actuel vice-président des FPC et qui était un des militants du MEEN et aussi président de notre association culturelle, Amadou Alpha, l’un des premiers grands poètes mauritaniens en pulaar, Amadou Samba Dembélé, Mawndou Guissé, Elhadj Sidi Ngaïdé, feu Abdoulaye Moussa BA ancien député maire de Jowol et Yaya Mabel Dia entre autres, qui m´ont beaucoup influencé positivement et guidé mes premiers pas dans la lutte. J´ai commencé très tôt dans le cadre de notre association culturelle qui était très animée et active sur les deux rives du fleuve et nous avions, en outre des activités culturelles locales, une fédération des associations culturelles de notre zone qui s´appelait Jaalowaali qui s´étendait de Jowol Mauritanie à Koundel Sénégal et qui regroupait plus d´une dizaines de villages et chaque vacance d´été un des villages de la vallée organisait une semaine culturelle et sportive à laquelle participaient toutes les associations culturelles membres de Jaalowaali. Cela donnait lieu à beaucoup d’activités dont des soirées de théatre, des choeurs, de ballets, de la poésie, des conférences publiques, des opérations d assainissements des villages, des plantations d’arbres, des compétitions de football, de l’athlétisme. Ces grands évènements annuels permettaient surtout de raffermir les liens de parenté et des relations d´amitié entre des jeunes du Fouta, en même temps qu´ils entretenaient notre idéal panafricain répondant à cet adage pulaar ”Maayo wonaa keerol” autrement le fleuve n´est pas une frontière.
Arrivé au collège et au lycée de Kaëdi, j’ai continué le même engagement avec l’encadrement des ainés comme Amadou Samba Dembélé, l’honorable Samba Thioyel Ba, Assette Hamadi Sall, Modi Cissé et Moussa Sy dit Binngel leydi et d’autres professeurs comme Ndiaye Amadou Malal, feu Aboubackri Belal BA entre autres et feu Pr Saidou Kane qui venait souvent dans la région dans le cadre de ses missions en tant qu´inspecteur de l´enseignement et de chercheur.
Je peux en résumé dire que j´ai attrappé très tôt le virus politique. Cela m´a valu la prison à l´âge de 18 ans faisant de moi, pour la petite histoire, le premier plus jeune prisonnier politique de Ould Taya en 1986. Cette expérience carcérale sous le régime militaire dur et pur du CMSN n´avait pas entamé mon engagement, ni ma détermination à combattre les injustices flagrantes et inacceptables dans notre pays, au contraire, elle m´a renforcé dans mes convictions. J´ai récidivé aussitôt après ma sortie de prison en 1987 avec d´autres jeunes camarades au lycée de Kaëdi en initiant une grève scolaire pour protester contre l´exécution de nos 3 premiers martyrs le 6 decembre 1987 à Djreïda à savoir les lieutenants Bâ Seydi, Sy Saïdou et Sarr Amadou. J´ai été à nouveau recherché et poursuivi par la police mauritanienne à la veille du déclenchement du mouvement. J´ai été contraint à la clandestinité pendant quelque temps, ensuite à l’exil forcé à partir du 15 decembre 1987. Pour la petite anecdote, la police qui n´a pas pu mettre la main sur moi a arrêté mon oncle feu Abdoul Aziz Dia. Il était mon tuteur et aussi le surveillant général du lycée de Kaèdi. C’était un homme de Dieu très respecté. Il fut détenu et pris en otage pour le seul crime d´être mon oncle. Il a fallu l´intervention de toutes les notabilités religieuses et traditionnelles de la région du Gorgol pour qu´il soit libéré après plus d´une semaine de détention arbitraire. Je voulais me rendre pour qu´il soit libéré mais il avait insisté auprès de ses visiteurs pour me prier de sortir du pays parce qu´il savait le sort peu enviable que m´avait promis l´ancien sanguinaire tortionnaire et directeur de la sureté régionale du Gorgol, le tristement célèbre commissaire baathiste Cheikh Ould El Mamy. Par la grâce de Dieu, j´ai pu échapper à la police et à la gendarmerie et sortir de Kaëdi qui était presque en état de siège non déclaré.
Je rejoins Dakar avec mon ami Dia Alassane Aly dit DIAZ. Nous y trouvons nos camarades exilés qui avaient échappé aux filets du tout puissant ministre de l’intérieur Djibril ould Abdallah, de feu Ely ould mohamed Vall et du tristement célèbre tortionnaire Deddahi. Ensemble, nous avions reconstitué le noyau dur des Flam, alerté l´opinion internationale sur la situation politique en Mauritanie mais surtout sauvé plus tard la vie de certains de nos ainés et dirigeants de l´organisation détenus à Oualata. Grâce à nos contacts et la mobilisation médiatique et des organisations des droits de l´homme, nous avons mis la pression sur le gouvernement mauritanien qui a accepté finalement la visite de nos camarades détenus par des journalistes Abdel Aziz Dahmani de Jeune Afrique et de Babacar Touré de Sud Hebdo et des organisations des droits de l´homme. Nous avions maintenu le flambeau de la résistance jusquà la libération de nos dirigeants détenus et encadré et soutenu les premiers déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali suite aux événements douloureux dits sénégalo-mauritaniens de 1989.
Depuis le 4èmecongrès ordinaire des FLAM, j’ai été propulsé comme responsable du département de la presse de notre mouvement et directeur de publication de notre organe d´informations le FLAMBEAU. Cet activisme débordant auprès de la presse sénégalaise et internationale m´a valu des mises en demeure répétées au Sénégal et
j´ai échappé de justesse à une tentative d’extradition, devenue une expulsion vers un pays tiers en juillet 1999 suite aux pressions diplomatiques du gouvernement mauritanien. Grâce aux Nations-Unies, j´ai obtenu l´asile politique en Suède où j’ai continué mon activisme en tant que responsable de la communication des FLAM et qui m´a amené à créer le premier site internet d´informations d´un mouvement d´opposition mauritanien, en novembre 1999, le site Flamnet parce que nous avions compris très tôt que la dictature prospère sur le silence et la résignation des victimes. Ce site est toujours vivant et le seul des sites mauritaniens qui a survécu à tous nos régimes.
Après le congrès de mutation des Flam en août 2014, le parti FPC, créé à l’occasion, à travers le président Samba Thiam, m´a encore renouvelé sa confiance en tant que responsable de la communication extérieure et son porte-parole. Notre parti, malgré sa non-reconnaissance officielle, reste une force politique reconnue par tous les acteurs politiques grâce à son dynamisme et son ancrage dans notre milieu naturel et surtout auprès de la jeunesse consciente et engagée du pays. Le pouvoir a compris que nous les avons bien compris et que nous sommes incorruptibles. C’est pourquoi, il tente par tous les moyens d’empêcher notre expression dans l´espace public par la diabolisation et le refus de reconnaissance officielle alors que nous avons rempli toutes les conditions légales requises. Cela ne nous surprend guère, c´est la triste réalité de la Mauritanie. Le système tente désespérément de se choisir des acteurs officiels qui lui sont accommodants.

L’affiche visuelle d’un film suédois consacré à sa vie de militant



● Question 3 : quelle analyse faites-vous de la situation politique et sociale de la Mauritanie aujourd’hui ? Et également concernant l’approche de positionnement de la Coalition Antis-Système à laquelle appartient votre parti les Forces Progressistes pour le Changement (les FPC toujours non reconnues par les autorités) par rapport au dialogue en gestation du côté du régime en place?

KT : La situation politique du pays est toujours dans le statu quo, une impasse totale. On assiste à une radicalisation du Système dans ses orientations politiques et idéologiques, à une arabisation à outrance du pays avec la montée des courants chauvins et ethnofascistes, à une exclusion systématique des composantes noires des postes de décision ainsi que du commandement administratif et des forces armées, au contrôle exclusif de l´économie et des banques par une seule composante nationale, à des expropriations et des spoliations des terres de cultures de la vallée au profit de la bourgoisie compraodore au pouvoir. Pour courronner le tout, on transforme des Mauritaniens de souche en apatrides et des sans-papiers dans leur propre pays par le biais d’un enrôlement inisdieusement discriminatoire. Face à cet imbgroglio politique inquiétant, il fallait unir les véritables forces progressistes, démocratiques et patriotiques autour du changement. La coalition antisystème est une dynamique unitaire à saluer et à renforcer. Elle a permis d´unir l’essentiel des forces progressistes qui mettent en avant la résolution de la question nationale et sociale. Tous ont compris que la lutte en ordre dispersé contre l´ennemi commun n´a pas d´autre effet que la défaite pour tous et les dernières élections l´ont bien confirmé. Au niveau des FPC, depuis notre retour d´exil notre combat a toujours été d´unir toutes les forces démocratiques et progressistes autour de l´essentiel, de trouver un cadre de concertation et de lutte pour faire entendre notre voix. Malgré les quelques petites réticences et reserves par-ci, par là nous avons été persévérants et c´est dans ce sens qu´il faut comprendre et situer la position responsable et courageuse du président Samba Thiam, c´est une conviction et non un calcul politicien. Nous devons maintenir cette coalition dans la perspective des futures échéances électorales tout en gardant la liberté d´action et d´indépendance d´esprit des partis et associations membres de la Coalition.
Quant à votre question sur le dialogue, notre position de principe depuis l´appel du ”Manifeste du négro-mauritanien opprimé” de 1986 est que les problèmes mauritaniens doivent être posés par des mauritaniens, discutés entre mauritaniens et solutionnés par des mauritaniens autour de ce que nous appelions à l´époque un débat national. Vous connaissez la réponse du pouvoir de l’époque à cet appel au dialogue. Nous sommes des africains éduqués aux vertus de l’arbre à palabres mais nous ne souhaitons pas que ce dialogue soit un enième dialogue sans effets tangibles. Il faut avoir le courage de poser les véritables questions qui minent le vivre ensemble à savoir l’épineuse question nationale et sociale que certains appellent question de l’unité nationale. Je pense aussi que l´Opposition démocratique a intérêt, pour éviter des manipulations, a aller groupée au dialogue si elle obtient bien sûr des garanties sérieuses et crédibles sinon rien ne l’y oblige. Par ailleurs j’ai vu sur l’exposé de la feuille de route la question du « passif humanitaire » mais ici on confond entre l’effet et la conséquence. Les tueries ou le génocide que certains par pudeur ou peur appellent le passif humanitaire est une suite logique d’une politique chauvine et raciste qu’il faut nommer, dénoncer et combattre pour une Mauritanie plus juste et réconciliée.

● Question 4 : Ces derniers mois les pouvoirs publics de notre pays mènent une campagne de refoulements contre des étrangers dits “illégaux” que d’aucuns qualifient de chasse aux subsahariens, quelle lecture faites-vous de cette problématique ? Et également concernant les nationaux non enrôlés qui subissent des harcèlements policiers régulièrement relevés…

KT : L´expulsion des étrangers en Mauritanie n´est que la partie immergée, invisible du problème pour ne pas dire la face cachée de l’iceberg, elle répond à une logique chauvine, raciste, xénéphobe du Système. Fortement impressionnés par le courant panarabiste chauvin ils inventent la théorie de « mouhadjirines » en Mauritanie. Ils considèrent les négro-mauritaniens comme des « immigrés » ouest-africains venus envahir la Mauritanie avec le colonisateur francais donc tout bonnement la Mauritanie serait la seconde patrie arabe occupée par des noirs, en comparaion avec la Palestine. Il y a toujours cette propagande très ancrée dans le cercle du pouvoir à savoir le « péril nègre ». Ce qui expliquait en partie les déportations massives des Noirs en 1989 et l´épuration ethnique au sein de l’armée en 1990/1991. Pour les partisans de l’arabité, la présence des subsahariens constitue une menace pour l’arabité exclusive du pays et renforcera le poids démographique des composantes négro-africaines. Voilà les fondements politico-idéologiques de cette orientation xénéphobe et raciste de nos autorités et qui explique ces expulsions mais aussi l’enrôlement qui veut réduire les négro-mauritaniens en sans papiers, apatrides dans leur propre pays. On quitte du génocide physique pour un génocide biométrique moins visible auprès de l’opinion internationale.


● Question 5 : sur la problématique de l’esclavage en Mauritanie, depuis l’Ordonnance n° 81-234 du 9 novembre 1981 portant sur son abolition, d’autres initiatives législatives ont été prises mais le phénomène et ses manifestations restent périodiquement d’actualité, quels seraient selon vous des écueils à sa véritable éradication ?

KT : Il est étonnant qu’à l’orée du 21ème siècle, il se trouve des esprits encore imbus de la culture et de l’éducation esclavagistes pour considérer le profil et les compétences des citoyens à l’aune de leur prétendue ascendance! Il est encore plus inquiétant que l’Etat et ses démembrements laissent prospérer ces considérations déshumanisantes pour s’en prendre plutôt aux abolitionnistes, défenseurs de la dignité humaine et des valeurs républicaines. Pire encore, ils versent dans l´apologie de la supériorité raciale dans un État qui se dit islamique, une religion qui prône l’égalité de tous les citoyens. Le prophète Muhammad (Paix sur lui) disait dans son sermon d’adieu: « Toute l’humanité descend d’Adam et Eve. Un Arabe n’est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe n’est pas supérieur à un Arabe. Un Blanc n’est pas supérieur à un Noir et un Noir n’est pas supérieur à un Blanc – si ce n’est par la piété et la bonne action ». Les obscurantistes n’en ont cure. Les écueils sont d’ordre sociétal pour ne pas dire sociologique. Nous devons commencer par combattre cette mentalité par l’éducation et surtout par l’indépendance mentale, l’épanouissement économique de ces damnés de la république mais surtout une volonté politique de nos dirigeants pour éradiquer définitivement ces tares sociétales fondées sur l’injustice. Comme je le dis souvent, aucune injustice n’est plus acceptable qu’une autre. C’est une conviction personnelle et principielle, je ne peux me permettre ce que je refuse aux autres. J’ai écrit et composé des poèmes depuis belle lurette pour dénoncer ces injustices sociales. Je suis un bon croyant et humaniste et notre Saint Coran nous dit « le plus noble d’entre vous auprès d’Allah, est le plus pieux ».

● Question 6 : notre sous-région a connu divers bouleversements géopolitiques ces dernières années, par exemple la création de la fédération des États de l’AES (Burkina Faso, Mali et Niger) sous un certain militarisme des espaces politiques, quel commentaire pouvez-vous faire sur situation ?

KT : A quelques exceptions près, tout régime militaire est de nature dictatoriale, un régime d´exception et de privations des libertés. Qui est mieux placé que nous les mauritaniens pour le confirmer? N´est-ce pas Sankara qui nous disait « un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance ». Ce qui se passe actuellement sous nos yeux dans les pays de l´AES est inacceptable et inadmissible. Cette fédération n´est en fait qu´une conglomération des petits putschistes et dictateurs, assoiffés du pouvoir et du sang, qui sous le pretexte de lutter contre le terrorisme, veulent reduire le peuple et les forces politiques au silence. Nous l´avons vu avec la répression sanglante qui frappe toutes les voix dissidentes au Burkina, la dissolution des forces politiques au Mali et l´intronisation de la présidence à vie du putschiste de Niamey.

● Question 7 : l’extrémisme violent secoue régulièrement certaines zones de la sous-région également, et d’imprudents raccourcis font des amalgames entre les terroristes et des populations peules avec un lot des sinistres bavures par endroits, quelle analyse faites-vous de cette complexe et lourde réalité ?

KT : Ce qui se passe dans certains pays de la sous région est vraiment triste. Le combat de ces prétendus moudjahidines n´a rien à avoir avec notre sainte religion, qui est une réligion de paix et de tolérance. Nous, au niveau des FPC, considérons ces évènements graves autour de ces illuminés, qui n´ont été mandatés par aucune communauté, comme une menace sérieuse pour toute la sous région, un danger auquel il faut faire face avec fermeté certes, mais aussi avec beaucoup de discernement.
Cet amalgame entretenu entre populations peules et groupes terroristes est grave et nous assistons à une épuration ethnique qui ne dit pas son nom dans certains pays où des populations civiles innocentes, enfants, femmes et vieillards sont massacrés par des forces armées qui devaient assurer leur sécurité, assistées par leurs supplétifs, des milices civiles armées. C´est barbare et un génocide si on se réfère à la définition du génocide par la convention internationale des droits humains. Ce qui est encore plus abérrant c’est qu´on voit certaines personnalités qui se disent panafricanistes entretenir ce discours odieux, je pense exactement à Nathalie Yamb et ses ”talibans”petits panafricons, qui sans nuance, versent dans cette loghorée haineuse et irresponsable.
L´éminent professeur sénégalais, historien et militant de la gauche Abdoulaye Bathily avait pourtant attiré l´attention en 2014 d´un probable génocide des peuls et l´histoire lui donne raison si on voit ce qui se passe dans ces trois pays de l´AES. Dans cette région. nous sommes tous des peuples metissés et nous devons par amour à notre chère afrique nous mefier des discours ethnocentriques et irrédentistes qui peuvent brûler tous nos Etats. Ne jouons pas avec le feu, vu la sensibilité de cette question et la fragilité de nos États. Pour finir je pense sérieusement qu’on ne réglera pas ce problème en se contentant seulement de combattre ces terroristes. Il faudra aller au-delà, mesurer l’impact de ce discours d’intolérance, fanatique, et en déterminer les causes profondes. Ce terrorisme aveugle, à vocation apocalyptique, prospère sur le lit des frustrations et des misères des populations vulnérables parce que sous-éduquées et/ou laissées pour compte par nos gouvernants.

• Réalisé par KS pour le BLOG

● Mali – Contribution | De la rectification à la stabilisation : le pouvoir du discours ! Par M. Brehima Sidibe



Nous sommes en mai 2021 le président de la Transition Bah Ndaw vient d’effectuer un remaniement ministériel. Deux poids lourds du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) à savoir Sadio Camara et Modibo Koné sont absents de la liste. Il n’aura fallu que quelques heures pour que Assimi Goita, alors colonel et vice-président de la transition, n’intervienne pour “déposer” le président Ndaw. Si certains qualifient cet acte de “second coup d’Etat”, le discours officiel retiendra l’appellation “rectification de la trajectoire de la transition.” Engagement avait été pris de respecter le délai initial de dix huit mois de transition. Toutefois, au gré des circonstances, ce délai est endossé désormais à la “stabilisation” du pays. Comme quoi, les mots ont du sens, mieux ils ont du pouvoir!

Dès lors, nous entrons dans une période où le discours façonne les représentations sociales et politiques. Dans un article publié en octobre 2024, nous qualifions cela de “gouvernance rhétorique”. Cet article vise à analyser l’impact du discours dans la pérennisation du régime de transition au Mali.

• La langue de coton ou les concepts fédérateurs

Le concept de langue de coton nous vient de François-Bernard Huyghe. Il désigne tous les mots ou expressions dont il est difficile de s’opposer au risque d’être accusé de mauvaise foi. Si l’on se place dans le contexte malien, ce sont des expressions comme : recouvrer l’intégrité du territoire national ; instaurer la paix, refonder l’Etat, restaurer la souveraineté nationale, jusqu’à la stabilisation du pays.

On retrouve ces expressions dans tous les discours officiels. Comme nous l’avons indiqué plus haut, elles forcent d’une certaine manière l’adhésion de l’opinion publique. En effet, qui serait contre l’instauration de la paix? ou contre la stabilisation du pays? En choisissant de fixer la fin de la transition à la stabilisation du Mali, les autorités de transition laissent peu de place à des voix discordantes car celles-ci peuvent rapidement être qualifiées d’ennemis de la nation.”

Toutefois, l’emploi de la langue de coton contient un biais. Ce biais est lié à la sémantique de ces mots ou expressions. En sémantique, il y a ce qu’on appelle la télicité. C’est un test qui permet de vérifier l’extension temporelle ou la délimitation temporelle. Une action est dite télique lorsqu’elle est délimitée dans le temps. Exemple : Le président de la transition a posé la première pierre de l’usine de raffinerie d’or en mai. En revanche, lorsqu’une action n’est pas délimitée dans le temps, elle est dite atélique, il y a donc une extension temporelle. En effet, on ne peut dire : Nous allons restaurer la paix en août ou encore le pays sera stabilisé en décembre. 

Ceci pour mettre en exergue le pouvoir du discours en cette période de transition. Mais au demeurant, il doit être accompagné d’actions concrètes pour maintenir l’adhésion de l’opinion publique.

Brehima SIDIBE, Doctorant en Analyse du discours politique. 

● Mauritanie ~ Contribution | Les préparatifs d’un dialogue dit « national » et ses angles brumeux! Par KS.

Une échéance fait écho diversement dans l’opinion publique en Mauritanie depuis quelques mois. L’annonce d’un dialogue national, oui c’est bien l’adjectif « National » qu’on évoque, donc au-delà d’un conclave politique genre d’une tontine politicienne. Une vaste ambition qui nécessite beaucoup de préalables pour son organisation et sa réussite. Nous sommes en début d’été, toujours pas de chronogramme officiellement formalisé et affiché par M. Fall Moussa (le coordinateur du dialogue) et sa team. À travers diverses publications dans les médias digitaux, nous avons pu lire et voir différentes rencontres qu’il a entamées avec plusieurs délégations politiques, sociales et sectorielles. Des manœuvres de concertation qui apparaissent comme une dynamique préalable au dialogue tant attendu mais aux contours et à la substance restant à appréhender sérieusement.

À ce jour, le champ politique national subit les frictions issues de la dernière présidentielle de juin 2024. Le camp politique autour du candidat Biram Dah Abeid (arrivé deuxième lors des 3 élections présidentielles 2014, 2019 et 2024) ne semble pas être emballé par l’initiative confiée à M. Fall par le président de la république M. Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani . Pour cause, le pouvoir est peu avenant à une véritable pacification de l’atmosphère relationnelle avec le leader abolitionniste d’IRA-Mauritanie et ses partenaires politiques. Entre répressions sporadiques, arrestations et dossiers judiciaires à l’encontre des militants Iraouis, s’il y a objectif sincère d’un Dialogue national, l’espace socio-politique incarné par le député BDA doit être une portion conséquente du puzzle des assises discursives à venir. Une actualité récente nous indique que des tensions subsistent entre le camp du pouvoir (ou un camp du pouvoir) et le leader abolitionniste. En effet, lors de son retour d’un périple international auprès des diasporas (États-Unis et Europe occidentale), à Nouakchott (le 11 juin 2024) , son accueil a été étrangement perturbé par une mobilisation spéciale des forces de sécurité dès l’aéroport. Et les observateurs s’étonnent d’ailleurs d’un tel traitement injustifié au moment où l’arène médiatico politique fait focus autour des préparatifs d’un dialogue qui s’annonce inclusif selon le narratif officiel de son coordinateur. Ainsi dire, d’interrogations ne manquent pas à ce jour concernant les préparatifs qui doivent être bonnement inclusifs à tout le spectre socio-politique, professionnel et géographique.

Concernant l’aspect géographique, à quel niveau les diasporas sont concernées..? Légitime questionnement, après une brève googlisation, j’ai ramassé entre les liens, cet élément titré « La Mauritanie engage sa diaspora dans la construction d’un dialogue national inclusif »  https://share.google/pwPyZrf6FVXquouWo. Il fait mention en substance d’une rencontre virtuelle organisée le 18 mai dernier entre M. Fall et une quarantaine de représentants de la diaspora mauritanienne (zone Amérique du Nord et Europe). Concernant la Zone Europe, l’opinion publique serait heureuse de savoir qui étaient ces représentants ayant été désignés ou cooptés incognito pour participer au nom de la communauté diasporique à ce conclave virtuel ?

Cela devrait être une exigence de clarification et d’édification à l’endroit de nos concitoyens qui vivent dans cette zone. Selon la teneur de l’élément publié, cette rencontre virtuelle est actée comme une initiative de la contribution préalable de la diaspora au dialogue national. Serait-il une manœuvre partisane ou élitiste en catimini dans l’objectif d’un faire-valoirisme mesquin et politicard..?

À quel degré d’information, l’ensemble de la communauté mauritanienne de l’Espagne à l’Allemagne en passant par la France, la Belgique et le Pays-Bas… est au fait de cette rencontre virtuelle du 18 mai 2025 ?
Ont-ils confié un mandat quelconque à un groupe d’individus pour porter leurs contributions aux préparatifs du dialogue en gestation ?

Nous avons hâte de savoir les noms et les positions représentatives de ces types de porte-plumes invisibles qui nous doivent de précisions concernant leur légitimité dans cette manœuvre bien étrange.

23 juin 2025

KS pour le BLOG

● Mauritanie ~ Politique | Biram Dah Abeid : une voix incontournable pour la justice, la démocratie et l’unité en Mauritanie . Par M. Cheikh Sidati Hamadi



• Par Cheikh Sidati Hamadi (Expert senior en droits des CDWD, Analyste , Essayiste, chercheur associé)

Introduction

Le temps des choix historiques
La Mauritanie se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Entre la tentation de reproduire les systèmes d’exclusion et l’aspiration sincère à une société plus juste, inclusive et pleinement républicaine, le pays est confronté à un choix fondamental. Un choix qui engage la conscience collective, la paix sociale et l’avenir même de la nation.
Dans ce contexte, ignorer les véritables forces de changement, celles qui incarnent à la fois les douleurs du passé et les espoirs de demain, serait une erreur aux conséquences profondes. L’histoire, en effet, a ceci de tenace : elle revient frapper à la porte des peuples jusqu’à ce qu’ils y répondent. Et aujourd’hui, nul ne porte en Mauritanie la voix de la justice, du courage et de la cohérence avec autant de force que Biram Dah Abeid, leader de la Coalition antisystème.

Un leader de la majorité silencieuse

Issu d’une communauté longtemps marginalisée, Biram Dah Abeid s’est imposé comme la voix des sans-voix : les oubliés de la République, les exclus de la représentation politique, les victimes de l’esclavage et de l’ordre ethno-social.
Son combat transcende les seules causes des Haratines ou des communautés discriminées sur la base du travail et de l’ascendance (CDWD). Il a su fédérer une alliance politique large, la Coalition antisystème, regroupant des forces en rupture avec les logiques conservatrices et clientélistes.
À ce jour, il est le seul leader antisystème à avoir été classé deuxième à trois élections présidentielles consécutives (2014, 2019, 2024), rassemblant plus de 22 % des suffrages aux deux dernières. Et ce, sans parti reconnu, sans financement public, dans un environnement marqué par de sévères restrictions. Cette performance atteste d’une légitimité populaire profonde.

Un patriote pacifique

Contrairement aux caricatures véhiculées par certains cercles rétrogrades, Biram Dah Abeid est un patriote sincère, pacifiste dans l’âme malgré les lourdes conséquences qui peuvent en résulter.
Il croit en une Mauritanie unie, démocratique, où la justice ne dépend ni du nom, ni de la tribu, ni du statut. Il ne rejette pas la République : il la réclame pour tous.
Son combat est non violent, légal et républicain. Même face à l’emprisonnement, à la confiscation de ses victoires, à la censure ou à la répression, il répond par le droit, la parole et l’action civique. Il milite pour un dialogue sincère, où chaque voix compte, y compris celles qui dérangent.

Un charisme politique et moral

Biram Dah Abeid n’est ni un homme d’appareil, ni un politicien classique. Il ne doit son autorité ni à une ascendance influente, ni à la fortune, ni à un réseau de clientélisme. Son autorité repose sur la constance, la cohérence, le courage et l’engagement sans faille d’un homme debout.
Son charisme est naturel, moral et politique, nourri par sa proximité avec les plus humbles. Il ne promet pas des privilèges : il exige des droits. C’est cette posture éthique qui lui vaut une audience transversale dans toutes les composantes de la société mauritanienne.

Un ancrage national rare

Peu de figures politiques bénéficient en Mauritanie d’une reconnaissance véritablement transcommunautaire. Biram est respecté chez les Haratines, les Négro-Africains, les Maures ; dans les villes comme dans les campagnes. Sa voix porte chez les intellectuels, les jeunes diplômés, les chômeurs, la classe ouvrière, les femmes résilientes, les agriculteurs spoliés, les fonctionnaires marginalisés, les enseignants, les imams engagés, les commerçants de l’économie informelle et les humbles.
Cette transversalité sociale et communautaire est rare. Elle fait de lui un acteur central et incontournable pour toute solution politique durable.

Une légitimité forte au sein de la diaspora

Dans la diaspora mauritanienne, Biram Dah Abeid incarne l’espoir républicain. Ses visites à Paris, Bruxelles ou New York rassemblent des centaines de compatriotes, toutes origines confondues. Intellectuels, ouvriers, professionnels : tous saluent en lui un vecteur crédible de changement.
Son langage est inclusif, son discours structuré et sa vision claire : une Mauritanie de justice, de droits et d’inclusion.

Une reconnaissance internationale exceptionnelle

Son engagement lui a valu une reconnaissance mondiale. Parmi ses distinctions figurent :

Le Prix des Nations Unies pour les droits de l’homme (2013) ;

Le Prix Front Line Defenders (2011) ;

Une reconnaissance officielle du Congrès des États-Unis, à travers des auditions et soutiens directs ;

Le classement par Time Magazine parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde (2017), une distinction rare pour un défenseur africain des droits humains.
Il est aussi intervenu dans des forums internationaux de haut niveau, dans des universités prestigieuses, et auprès de nombreuses institutions européennes.

Dialoguer sans Biram Dah Abeid, c’est monologuer

Manœuvrer pour exclure Biram Dah Abeid et la Coalition antisystème du dialogue national, c’est ignorer une réalité politique indéniable : celle d’un leader qui incarne l’espoir de milliers de Mauritaniens. C’est nier la voix de plus de 22 % de l’électorat. C’est réduire le dialogue à une mise en scène, comme les précédents, et perpétuer les exclusions passées.
Feindre l’ouverture tout en verrouillant le système, c’est parler seul. Or, on ne construit pas la paix en marginalisant ceux qui portent les revendications les plus légitimes.
Le véritable dialogue national commence par la reconnaissance de toutes les légitimités, y compris celles qui dérangent.

Conclusion

Le rendez-vous de l’Histoire approche
Un jour viendra  peut-être plus tôt qu’on ne le croit où les lignes figées de la politique mauritanienne se briseront sous la pression d’un peuple éveillé. Ce jour-là, nul ne pourra dire qu’il n’a pas vu venir l’homme qui, depuis des décennies, alerte, rassemble et incarne l’alternative.
Biram Dah Abeid n’est pas seulement une figure de l’opposition : il est déjà une figure de transition. Il personnifie ce basculement inévitable vers une République de justice, débarrassée de ses chaînes invisibles et de ses exclusions héréditaires.
L’histoire avance, souvent à pas feutrés, mais elle finit toujours par consacrer les justes. Si la Mauritanie veut éviter les convulsions d’un changement imposé par la rue ou par le chaos, elle devra tôt ou tard ouvrir les portes à ceux qui parlent au nom des humiliés.
En refusant d’écouter Biram Dah Abeid aujourd’hui, le pouvoir retarde une échéance qu’il ne pourra éviter demain. En l’intégrant pleinement, il choisit la voie de la réconciliation, de la stabilité durable et de la République refondée.
Ce choix appartient encore aux dirigeants actuels. Mais demain, il appartiendra au peuple  et l’histoire, elle, n’attendra pas.

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec le député M. Tombé Amara Camara

Notre Blog vous propose l’interview ci-dessus accordée par l’honorable député du département de Ould Yengé (Guidimagha). Il s’agit de M. Tombé Amara CAMARA élu lors des dernières législatives (mai 2023) sous les couleurs du parti Udp (encarté dans la majorité présidentielle). Il a répondu aux questions de notre questionnaire d’interview soumis le 10 mai 2025 et nous lui adressons nos chaleureux remerciements pour la disponibilité manifestée. Bonne lecture !

● Question 1 : Bonjour l’honorable député M. CAMARA Tombé, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel)

Tombé Amara CAMARA : Je m’appelle Tombé Amara Camara. Mon parcours éducatif est le reflet d’un double enracinement : celui de l’enseignement traditionnel reçu dans les Mahadras, et celui de l’enseignement moderne, que j’ai suivi tout au long de mon cheminement universitaire. J’ai entamé mes études supérieures en Mauritanie, avant de les poursuivre au Sénégal, puis dans d’autres pays africains. Soucieux de rester toujours à jour dans un monde en constante évolution, je continue aujourd’hui à me former à travers des programmes universitaires en ligne proposés par de grandes institutions internationales.

Ce parcours traduit mon profond attachement à nos valeurs culturelles et religieuses, tout en affirmant une ouverture assumée sur le monde, le savoir universel et la modernité.

Sur le plan professionnel, j’ai débuté ma carrière au Sénégal en tant que comptable dans une entreprise de BTP. De retour en Mauritanie, j’ai travaillé pendant cinq ans dans un cabinet d’expertise comptable et fiscale. Parallèlement à ces fonctions, j’ai également assuré des cours dans plusieurs universités mauritaniennes, avec la volonté de transmettre et de contribuer à la formation des jeunes générations.

Suite à mon élection en tant que député, j’ai choisi de me consacrer pleinement à l’exercice de mon mandat parlementaire, fidèle à mes engagements, à l’écoute de mes concitoyens, et animé par le sens du devoir et du service public.

● Question 2 : vous êtes député du département de Ould Yengé, pouvez-vous nous présenter globalement cette circonscription électorale ?

TAC : Le département de Ould Yengé, situé dans la région du Guidimakha, est une circonscription essentielle de notre nation. Il regroupe sept communes : Ould Yengé, Bouly, Bouanze, Lahraj, Tektake, Dafort et Aweiynatt, et compte une population estimée à près de 100 000 habitants. Par sa taille, il se positionne comme le deuxième département de la région, après celui de Khabou.

Ce territoire est riche de sa diversité culturelle et ethnique. Il abrite une population majoritairement soninké, aux côtés de communautés maures — blanches et noires — ainsi que peules. Cette mosaïque humaine témoigne de l’unité dans la diversité qui caractérise notre pays.

Cependant, force est de constater que le département de Ould Yengé, au même titre que celui de Mbout, figure malheureusement parmi les zones désignées par les autorités nationales comme faisant partie du « triangle de la pauvreté ». Cette classification, loin d’être une fatalité, doit nous interpeller et nous engager collectivement à mettre en œuvre des politiques de développement ciblées, solidaires et durables, afin de sortir cette région de la précarité et de garantir à ses habitants les conditions d’une vie digne, équitable et prospère.

● Question 3 : après 2 ans de mandat au sein du parlement, quelle expérience d’étape tirez-vous de cet exercice citoyen et politique ?

TAC : Exercer un mandat de député dans notre pays est un acte de foi républicaine. C’est accepter de représenter le peuple dans toute sa diversité, tout en assumant la complexité d’un rôle souvent méconnu. Dans notre système institutionnel, le député n’est ni un exécutant local, ni un maître d’ouvrage, mais un acteur central de la vie démocratique chargé de voter les lois, de contrôler l’action du gouvernement, et de porter la voix des citoyens au cœur de l’État.

Pourtant, sur le terrain, la réalité est toute autre. Les populations, dans leur soif légitime de progrès, attendent de nous des réalisations concrètes : routes, écoles, infrastructures, emplois. Elles confondent souvent notre mission avec celle des exécutifs locaux. Et cela est compréhensible, car l’État central, parfois défaillant, pousse les citoyens à se tourner vers leurs représentants les plus proches, en quête de solutions immédiates.

Dans ce contexte, ma responsabilité est double : répondre aux attentes de mes électeurs à travers un plaidoyer constant auprès des institutions, tout en assumant pleinement ma mission législative. Il ne suffit pas de voter des lois : il faut s’assurer qu’elles répondent aux réalités du terrain, qu’elles traduisent les besoins des populations oubliées, comme celles de mon département.

Je suis conscient que je serai jugé non seulement sur ma capacité à faire entendre la voix de mon peuple, mais aussi sur mon engagement à servir et non à me servir. C’est un choix éthique, un cap moral, et une ligne de conduite politique.

Mon combat, aujourd’hui, est aussi celui de la pédagogie républicaine : faire comprendre que le député n’est pas un gestionnaire de budgets communaux ou régionaux, mais un garant du lien entre le peuple et la loi. Il est urgent de renforcer la conscience citoyenne autour de nos institutions. Car une démocratie solide repose sur une compréhension claire des rôles de chacun.

Je resterai, jusqu’au dernier jour de mon mandat, fidèle à cette vision : un député utile, présent, engagé, au service du peuple, et fidèle à l’esprit de la République.


● Question 4 : Ces derniers mois les pouvoirs publics de notre pays mènent une campagne de refoulements contre des étrangers dits “illégaux” que d’aucuns qualifient de chasse aux subsahariens, quelle lecture faites-vous de cette problématique ? Et également concernant les nationaux non enrôlés qui subissent des harcèlements policiers dit-on…

TAC : En tant que député et membre actif du groupe parlementaire chargé de la question migratoire, j’ai participé récemment à une mission de terrain dans les centres de rétention accueillant les migrants en situation irrégulière, avant leur retour vers leurs pays d’origine. Cette visite, conduite dans un esprit de responsabilité et de respect de la dignité humaine, nous a permis d’échanger directement avec les autorités compétentes ainsi qu’avec les migrants eux-mêmes.

Je tiens à le dire avec clarté et fermeté : aucune anomalie, ni traitement injuste ou arbitraire n’a été constaté. Les procédures sont encadrées par la loi, appliquées avec discernement, et respectueuses des engagements internationaux de notre pays.

La Mauritanie est un État souverain, hospitalier, mais organisé. Elle a le droit – comme toute nation – de réguler l’entrée et le séjour sur son territoire. Les mesures de reconduite concernent exclusivement les personnes en situation irrégulière, sans distinction d’origine, de couleur ou de nationalité. Il n’y a pas – et il n’y aura jamais – de chasse ciblée contre une communauté en particulier. Parler de chasse aux Subsahariens est une contre-vérité dangereuse qui ne sert ni la vérité ni la stabilité sociale.

Sur la question de l’enrôlement, je salue les efforts de l’État qui, en 2023, a déployé plusieurs commissions d’enrôlement dans différentes régions, permettant à un grand nombre de citoyens d’obtenir leurs pièces d’identité. Néanmoins, nous avons conscience que des insuffisances ont été relevées, et que certains de nos concitoyens n’ont pas encore pu accéder à ce droit fondamental.

C’est pourquoi, au sein de notre groupe parlementaire, nous avons engagé un plaidoyer ferme et constant pour la réouverture des opérations d’enrôlement. L’accès à l’identité légale est un droit constitutionnel ; il ne saurait être compromis. Chaque citoyen doit pouvoir se faire identifier dignement et sans entrave.

Notre engagement est clair : défendre la souveraineté de l’État, préserver la cohésion sociale, garantir le respect des droits, et promouvoir un dialogue constructif autour des questions sensibles. La sécurité, la dignité et la justice ne sont pas opposées. Elles sont les fondements mêmes de la République.

● Question 5 : le phénomène migratoire est une problématique (notamment les départs massifs et périlleux via des embarcations vers l’Europe) qui touche particulièrement la communauté soninké, avez-vous quelques pistes de réflexion à l’endroit de la population concernée et des décideurs étatiques ?

TAC : La question de l’émigration clandestine, notamment celle de nos jeunes qui prennent la mer au péril de leur vie, interpelle notre conscience collective. Ce phénomène ne peut être réduit à un simple manque d’opportunités : il est devenu le reflet d’un malaise plus profond, d’une crise de repères et d’une influence culturelle déformée, véhiculée massivement par les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, nous assistons à une transformation des motivations migratoires. Là où nos aînés quittaient leur terre pour nourrir leurs familles et répondre à des besoins vitaux, nombre de nos jeunes partent désormais, non par nécessité, mais séduits par l’illusion d’une vie de luxe et d’ostentation. Cette nouvelle forme d’exil ne repose plus sur la survie, mais sur le rêve d’un confort matérialiste, souvent inaccessible et artificiel.

Cette réalité nous oblige, en tant que responsables politiques, à agir avec lucidité et détermination. Il est de notre devoir de restaurer la confiance des jeunes dans leur propre pays, de leur montrer qu’il est possible de réussir ici, chez soi, avec dignité, travail et engagement. La réussite ne se mesure pas uniquement en termes de richesse, mais dans la contribution à sa communauté, dans le savoir-vivre et dans l’utilité sociale.

L’État doit assumer pleinement son rôle en créant un environnement propice à l’emploi, à l’éducation et à l’entrepreneuriat. La société civile, les familles, les leaders communautaires et religieux doivent aussi se mobiliser pour accompagner cette prise de conscience.

Nous ne pouvons rester indifférents face à la tragédie silencieuse qui se déroule sous nos yeux. Plus de 500 jeunes ont disparu en mer ces dernières années. Ces jeunes avaient des rêves, des talents, un avenir. Ils représentaient l’espoir de toute une génération. Leur perte est une blessure profonde pour notre pays.

Il est temps de bâtir une alternative crédible à l’exil. Une alternative fondée sur la justice sociale, l’équité territoriale et la promotion de nos valeurs. Car le véritable développement ne viendra pas d’ailleurs. Il viendra de nous.

● Question 6 : La communauté soninké est traversée par une crise sociale latente liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance », quelles seraient selon vous, des pistes de réflexion nécessaires pour gérer et dépasser les frictions qui en découlent régulièrement dans nos localités ?

TAC : Sortir de la crise liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance » n’est pas seulement un impératif moral : c’est un devoir politique majeur pour toute nation qui se veut juste, unie et résolument tournée vers l’avenir. Face à une pratique d’un autre âge, profondément attentatoire à la dignité humaine et incompatible avec les valeurs républicaines, notre engagement doit être total, sans ambiguïté ni compromis. Il est temps que l’État assume pleinement ses responsabilités, en affirmant son autorité, en protégeant les citoyens victimes de discriminations sociales héritées, et en sanctionnant fermement toute forme de régression coutumière ou communautaire contraire aux droits fondamentaux.

Nous appelons à une mobilisation nationale, structurée autour d’un cap clair : consolider l’unité nationale par l’égalité réelle entre les citoyens, quel que soit leur statut ou leur origine. Cela passe par le renforcement de l’État de droit, l’éducation des consciences, le soutien aux acteurs de la paix sociale, et la mise en œuvre de politiques de développement inclusives et équitables.

Il ne s’agit plus de tolérer le statu quo. Il s’agit d’agir, avec détermination, pour mettre fin à une injustice qui mine le tissu social et freine notre marche collective vers une société moderne, démocratique et souveraine. L’histoire nous regarde. Et la République doit répondre.

Le 12 juin 2025


● Réalisé par KS pour le BLOG

● Contribution ~ Société | Un bref commentaire à propos de l’interview de notre grand frère M. Seydi Moussa Camara | Par KS

Nous avons visionné et écouté avec un grand intérêt l’échange (daté du 8 juin 2025) entre l’animateur de la chaîne YouTube Radio zam-zam et le journaliste mauritanien M. Camara Seydi Moussa. Une riche et instructive causerie en langue soninké au cours de laquelle le fondateur et éditorialiste du journal la Nouvelle Expression a exposé, clarifié, interpellé, conseillé et rappellé à l’endroit de l’opinion publique soninké d’une manière générale et en particulier aux milieux soninké du Guidimagha, sa région d’origine. Il est revenu sommairement sur son cheminement d’intellectuel-acteur sur différents chantiers socio-politiques en Mauritanie. Anti-esclavagiste et humaniste connu et reconnu pour son engagement droit-de-l’hommiste constant notamment par sa plume qui inspire et alerte dans l’arène médiatique notamment francophone dans notre pays. Dans l’interview citée, face aux questions incisives de l’animateur, il a su aborder les thématiques avec profondeur et pertinentes nuances sur la nature de son engagement politique, ses relations avec certains leaders politiques (le président Biram Dah Abeid ou le professeur Outma Soumare) et ses initiatives liées aux contextes de l’écosystème politique de nombreuses années durant. L’homme de presse originaire de Dafort se définit comme un accompagnant et compagnon des principes et valeurs portés par de leaders et réfute implicitement le statut d’un suiveur obtus de qui que ce soit. Son mot d’ordre militant invite le personnel politique du Guidimagha à plus d’engagement sérieux sur du concret et sans manipulations des populations pour répondre à leurs aspirations diverses en termes de développement multidimensionnel.

J’ai beaucoup apprécié sa dialectique servie d’une belle dose d’empathie concernant la problématique de l’esclavage dans la communauté soninké. Faisant référence à quelques anecdotes, il se distingue valeureusement de beaucoup d’autres personnes (n’étant pas issues d’une extraction sociale servile) en indexant objectivement le Mal que constitue le statut d’esclave accablant amèrement certains membres de la communauté. Son approche est très différente de celle chez certains qu’on peut entendre ici et là consistant à ne pas admettre d’emblée le mal intrinsèque de l’appellation « esclave » et ses dérivés sociétaux. Ces gens peuvent s’exprimer sur la problématique en laissant entendre qu’on devrait arrêter l’usage du langage esclavagiste parce que les personnes visées ne veulent plus et non pour le caractère nuisible et avilissant de la tare en question. Ils se disent en eux-mêmes « on va laisser l’affaire malgré nous » et à la moindre occasion dans les enclos sociaux, ils n’hésiterons pas à raviver leurs mentalités et rassurer leurs subordonnés statutaires dans un brumeux parasitisme coutumier et féodalo-esclavagiste. Ainsi à propos, l’approche discursive de M. Camara Seydi Moussa dégage une nette sincérité qu’on peut y adjoindre son appel à une nécessaire conscientisation auprès des populations sur l’arsenal juridique consacré à la lutte contre l’esclavage et son apologie.

En ce qui concerne le vocable Ganbanaaxu, il y insère en substance une notion d’entente et de faire-bien ensemble dans la communauté et pas forcément une structure « khabila » (composante d’identité sociale). Je lui concède à la marge cette définition et j’essaierai de m’expliquer en conséquence. En effet, ces dernières années l’engagement d’éveil abolitionniste en milieux soninkés à travers le monde est porté et connu sous le mouvement Ganbanaxu (être égaux en dignité et en droits). Dans nos communautés qui fonctionnent avec une charpente sociale faite d’hiérarchies hermétiques et d’un suprémacisme structurel, les éléments sociaux (familles et membres militants Ganbanaaxu) qui ont rejeté les coutumes féodalo-esclavagistes et de subordination ont subi systématiquement beaucoup de brimades et de graves atteintes à leurs droits légitimes. Par exemple dans notre propre village Dafort, nous avons connu des expropriations des terres et diverses autres représailles décidées en comité villageois dans le but de contraindre les familles antiesclavagistes à renoncer à leur émancipation sociale. Les velléités de museler et de bannir les militants Ganbanaaxu se sont transformées en une opportunité idoine pour eux afin de s’organiser socialement et se prendre en charge par une relative autogestion restant à consolider. Les anciennes entités clanico-politiques ne peuvent plus être de références d’identification statutaire pour les familles Ganbanaaxu mises en une sorte de quarantaine, elles se sont choisi logiquement un référent traditionnel. À propos, on pourrait convoquer valablement la citation de T. Sankara : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère… »

Mon grand frère Camara Seydi Moussa est bien au fait plus que moi en la matière, les entités clanico-politiques en pays soninké ne peuvent intégrer dignement les personnes anciennement esclavagisées que si elles acceptent un éternel héritage de subordonnés statutaires dans le temps et dans l’espace. Ainsi, là où on parle de subordination sociétale et coutumière liée à une ascendance servile dans nos communautés, on subit moults discriminations dans l’échelle de valorisation sociale dans le matériel et dans l’immatériel. Les symboles liés au droit d’aînesse, à la chefferie coutumière et à l’imamat, on n’y aspire qu’en rêve parce que le régime est intrinsèquement verrouillé sans codes ni clés de déverrouillage, par conséquent sans vision concrète de s’auto réformer utilement. Je mets ici une récente contribution en support de mon présent avis https://ecrit-ose.blog/2025/04/13/%e2%97%8f-reflexion-et-societe-la-relation-esclave-maitre-ne-se-reforme-pas-elle-doit-etre-separee-pour-une-commune-utilite-publique-par-ks/ .

Ganbanaaxu comme une assise sociale d’une certaine manière « khabila », on ne l’entend pas comme une entité clanico-politique fermée et sectaire, mais plutôt une communauté d’appartenance et d’ouverture au sein de laquelle certaines valeurs sont en application et alignées aux textes fondamentaux de notre pays. C’est une aspiration à une pleine émancipation sociale et citoyenne arrimée au credo suivant : Ni maîtres ni esclaves de qui que ce soit.

• L’élément de l’interview YouTube de la plateforme Zam-zam https://youtu.be/UN8iNR_Mr0Q?si=WyTMXvU5sOeES1TK

10 juin 2025

Koundou SOUMARE