● Mauritanie ~ Sénégal – Contribution : MAAYO WONAA KEEROL ! Par M. Kaaw TOURÉ


Maayo wonaa keerol, n’en déplaise aux petits chauvins et nationalistes étroits. Je suis chez moi à Jowol Rewo et Jowol worgo. Je suis chez moi à Guiraye, Mow, Gawol, Dial, Thilogne, Gawdal, Diamel, Dondou, Keeɗeele, Aali wuuri, Nguidjilone wuro Daara Koliyaaɓe, Sadel, Woudourou,  Koundel, Matam kaggu laaɗe, Bokki Diawe, Ndouloumadji, Doumngaaji, Nganno, Haayre Law, .. où vivent, mes oncles, mes tantes, cousins et cousines.. je suis chez moi partout au Fouta Toro. Demander un visa de séjour pour aller me recueillir sur les sables de Bilbassi ou pour cultiver mes champs à Helata ? Quelle absurdité pour un Fuutanke ! Voulez-vous détruire notre moi, notre histoire, notre culture, couper notre cordon ombilical ? Nous faisons partie du peuple des Deux rives et ce peuple fait partie de l’ensemble de civilisations tekrouriennes et mandingue, aujourd’hui sénégambienne. Cette sénégambie géographique et culturelle qui part de la Mauritanie Centrale (vers Moudjeria, Tidjikja) et qui finit en Casamance et en Guinée Bissau, en passant par une partie du Mali. Cet espace est une aire culturelle dans laquelle ont évolué de nombreuses entités ethniques, toutes parentes et dont le sort a été inextricablement lié depuis des millénaires aux différentes mutations ou changements qui y sont intervenus. Le colonisateur français n’est arrivé à détruire ce pays qu’en 1890 seulement alors que cette « conscience collective identitaire » a été forgée des milliers d’années durant et continue à survivre malgré la séparation arbitraire et artificielle du même peuple par le colon.

En tant que fils de la vallée du fleuve, qui naviguait entre les deux rives depuis ma tendre enfance soit pour aller à nos champs de culture,  soit pour suivre les séances de lutte traditionnelle ou participer à des tournois du football et des journées culturelles qui regroupaient les villages des deux rives, je n’ai jamais senti cette frontière entre nos deux pays séparés administrativement  par le colonisateur.
Adolescent j´ai parcouru par pirogue ou par pieds et au dos d´âne beaucoup de villages du Fuuta natal, du Nord au Sud du fleuve pour participer avec mes amis et classes d’âge ( fedde)  à des séances de luttes traditionnelles sous le feu du bois ou au clair de la lune.
C était au beau vieux temps avant que notre vallée ne soit transformée en vallée de larmes, de résignation et de désolation.
Chez moi nous avons deux Jowol, Jowol rewo ( nord-Mauritanie) et Jowol worgo ( sud Sénégal ), c’est un même village avec les mêmes familles de part et d’autre avec une même histoire, même langue, même culture. Avant les années de braise en Mauritanie nous partagions avec Jowol worgo les mêmes mosquées,  les mêmes cimetières, écoles et champs de culture. On célébrait ensemble nos baptêmes et mariages. On priait ensemble nos morts c’est pour vous dire que le lien du sang était plus fort que tout autre décret ou appel. Le fleuve n’ a jamais été une frontière. Et comme je le rappelais tout récemment dans une interview avec un site mauritanien, nous avions, avant les années de braise en Mauritanie, une fédération des associations culturelles de notre zone au Fouta (Le Ngenaar) qui s´appelait Jaalowaali qui s´étendait de Jowol Mauritanie à Koundel Sénégal et qui regroupait plus
d´une dizaines de villages des deux rives et chaque vacance d´été un des villages de la vallée organisait une semaine culturelle et sportive à laquelle participaient toutes les associations culturelles membres de Jaalowaali. Cela donnait lieu à beaucoup
d´activités dont des soirées de théatre, des choeurs, de ballets, de la poésie, des conférences publiques, des opérations d´assainissements des villages, des plantations d´arbres, des compétitions de football, de
l´athlétisme. Ces grands évènements annuels permettaient surtout de raffermir les liens de parenté et des relations d´amitié entre des jeunes du Fouta, en même temps qu´ils entretenaient notre idéal panafricain répondant à cet adage pulaar ”Maayo wonaa keerol” autrement le fleuve n´est pas une frontière.
Je me sens toujours chez moi au Sénégal et en Mauritanie comme tout bon Foutanké, tout
Waalo- Waalo, tout Guidimaxanke, la Mauritanie a été créée sur l’ancien Tekrour, terre où se sont constituées et individualisées ces trois nationalités ou communautés linguistiques. Cette réalité est aussi valable pour nos compatriotes Beydanes du Nord. Un Ehl barikallah, un Rgeibat, un Ehl Mohamed Fadel, un Ehl bousba peut se sentir chez lui en Mauritanie, au Maroc et au Sahara occidental.
Nous avons vu les deux frères Wane (photo) occuper des fonctions ministérielles dans les deux pays. Nous avons vu notre père et oncle Mamoudou Touré occuper le poste du premier ambassadeur de la Mauritanie à Paris et finir comme ministre des finances au Sénégal.
Pour la petite histoire c’est le 10 avril 1904, par arrêté, que tous les territoires situés sur la rive droite du fleuve Sénégal sont provisoirement rattachés à la Mauritanie occidentale, un état conventionnel crée en 1900 par le colon français à la faveur de l’affaiblissement des pouvoirs traditionnels pré-coloniaux et différenciés des communautés qui cohabitaient dans cet espace.
Le 8 decembre 1933, un décret colonial délimite la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie.
Le 03 juillet 1944, par décret, les deux Hodhs qui faisaient partie du Mali, furent rattachés à la Mauritanie à la faveur d’événements religieux (le courant hamallisste) .
Après la conférence de Brazzaville, comme les États colonisés de l’Aof, la Mauritanie devait élire pour la première fois un député à l’assemblée nationale française, un sénateur et un conseiller de l’union de l’Aof. Ces élections révelaient une double signification pour les Mauritaniens. D’abord, elles symbolisaient le début d’une individualisation politique et territoriale par rapport au Sénégal. Jusqu’au 2 juin 1946, le nom de  la Mauritanie figurait jumelée au Sénégal sous l’appellation « Circonscription Mauritanie-Sénégal), ensuite elles devraient confirmer le loyalisme des chefs traditionnels aux réformes traditionnelles.
En novembre 1946, pour la première fois, les Mauritaniens sont appelés à élire leur député au parlement de la République française. C’est une autre histoire nous y reviendrons un autre jour.
 » Maayo wonaa keerol « . Je signe et persiste.
Demain il fera jour et la lutte continue.

Kaaw Touré mo Jowol

● Intronisation du 15ᵉ chef de village à Bambardougou : une célébration de l’égalité et de la cohésion sociale | [OndeInfo]

Ce dimanche 27 juillet 2025, Le village de Bambardougou a vibré au rythme d’une cérémonie exceptionnelle et hautement symbolique à l’occasion de l’intronisation de son 15ᵉ chef de village, Ladji Namory Famouroudian TRAORE. Une figure emblématique, à la fois ancrée dans la tradition et dans l’histoire politique nationale, où il demeure l’un des visages les plus respectés depuis l’indépendance.

Dans une ambiance à la fois sobre et solennelle, la cérémonie a réuni notables, chefs religieux et traditionnels, ainsi que des anonymes venus saluer la continuité d’une tradition empreinte de dignité et d’harmonie. Mais au-delà du caractère protocolaire de l’événement, c’est toute la singularité de ce village soninké du Guidimakha qui a été mise en lumière.

Une exception dans la tradition soninké

Dans une région encore marquée par la persistance des hiérarchies sociales traditionnelles, Bambardougou fait figure d’exception. Ici, aucune caste, aucun esclavage, aucune discrimination liée à la naissance. Le vivre-ensemble repose sur un socle d’égalité, de justice sociale et de solidarité. Tous les habitants y bénéficient des mêmes droits, partagent les mêmes devoirs, et s’engagent ensemble dans le développement communautaire.

« À Bambardougou, tout le monde se vaut. Il n’y a ni maîtres, ni esclaves. C’est cette égalité qui fait notre force », a confié l’un des doyens du village en marge de la cérémonie.

• Une chefferie fondée sur le consensus

Autre particularité remarquable : la stabilité de la chefferie traditionnelle. Là où certaines localités connaissent des tensions autour des successions, Bambardougou privilégie le consensus. Le chef n’est pas un détenteur de pouvoir, mais un homme de devoir, garant de l’harmonie et à l’écoute de tous.

« Le chef de village incarne notre histoire, nos valeurs, notre cohésion. Il est le symbole de l’unité que nous chérissons », a souligné un intervenant.

• Une lignée au service de la communauté

Depuis la fondation du village, quinze chefs se sont succédé, tous animés par un esprit de sacrifice, de proximité et de justice. Dans son intervention, le nouveau chef du village, Ladji Namory Famouroudian TRAORE, a promis de préserver l’unité et de défendre les valeurs de solidarité, de courage et de dignité qui font la fierté de Bambardougou.

Un modèle de développement solidaire

Au-delà de cette intronisation du pouvoir temporel, l’organisation et la structuration communautaires de Bambaradougou forcent l’admiration. À Bambardougou, la solidarité n’est pas un mot creux : c’est un principe vécu au quotidien. Les projets communautaires sont conçus, portés et réalisés collectivement, dans un esprit de partage et de responsabilité.

Ce modèle mérite d’être connu, valorisé et transmis, car il prouve qu’une société soninké égalitaire, juste et solidaire est non seulement possible, mais vectrice de paix et de progrès.

Par ailleurs, comme ses prédécesseurs, le nouveau chef de village de Bambardougou, Ladji Namory Famouroudian TRAORE, a perpétué une autre tradition majeure : la rencontre avec le représentant de l’État, en l’occurrence le wali, chef de l’administration territoriale, M. Dahmane Ould BEYROUCK.

Ce geste, à la fois symbolique et républicain, témoigne du respect mutuel entre les autorités coutumières et administratives. Il s’agit là du 40ᵉ administrateur rencontré par un chef intronisé du village depuis 1950, une époque où l’administration coloniale encadrait encore la région.

Seyré SIDIBE et Maria TRAORE

• Les 15 chefs de village de Bambardougou depuis sa fondation :

1. Diawoye Demba SYLLA

2. Lassana SYLLA

3. Balla Dama Coumba CAMARA

4. Famouroudian TRAORE

5. Faïry THIAM

6. Allakoué COULIBALY

7. Kaba Khassa Tougouné CISSOKHO

8. Méligué M’baré TRAORE

9. Sibiry Fatma TRAORE

10. Sidi Samba DIAKITE

11. Demba Faïry THIAM

12. Samba Nassou SANGHARE

13. Djiby Faïry THIAM

14. Kodoré Yissi TRAORE dit « Keybané »

15. Ladji Namory Famouroudian TRAORE

Lien média https://ondeinfo.com/intronisation-du-15%e1%b5%89-chef-de-village-a-bambardougou-une-celebration-de-legalite-et-de-la-cohesion-sociale/?fbclid=IwQ0xDSwL0rMpjbGNrAvSswmV4dG4DYWVtAjExAAEe0irm2B2Cd3Htws98ffARK7jSfCLajlvo-7p6Z5Sm0N96Cz1KYUEQOLKa4vg_aem_L9phsxouzTemwxxitBi7uw

● Note de lecture : « Figures de la révolution africaine » de Saïd Bouamama | ces voix disruptives qui inspirent face aux fatalités de l’Histoire. Par KS



—Cet ouvrage du sociologue M. Saïd Bouamama nous propose une révision biographique concise consacrée à certaines figures révolutionnaires de l’engagement anticolonial, anti-impérialiste et anti-néocolonial.
L’auteur situe dans les années 1440, les premières incursions agressives européennes (capture d’esclaves) contre le continent africain, du côté de la Mauritanie actuelle avec l’arrivée des portugais en 1441. On y apprend qu’ils ont évolué rapidement d’un système razzieur vers un « commerce » aux méthodes indirectes plus cyniques et scélérates avec des royautés locales parce qu’il y eut une résistance armée aux premiers contacts, en l’occurrence il cite l’avis de l’anthropologue sénégalais Yaya Sy.
Ainsi, on en déduit que les fers coloniaux, impérialiste et néocoloniaux qui ont tenu ou tiennent l’Afrique ou une certaine Afrique, trouvent leurs racines dans une histoire complexe loin d’une binarité simpliste.

L’auteur nous fait voyager à travers divers espaces et initiatives d’éveil et de contestation enclenchés naturellement parmi les afro descendants diasporiques et les africains du continent contre les dominations sociales, économiques et politiques de l’ordre impérialiste occidental. Il y a eu des fortes influences croisées périodiques entre des intelligences émancipatrices et révolutionnaires de l’univers afro-américain et de l’environnement afro-étudiant et ouvrier dans les métropoles colonialistes.

À la page 59, un passage illustre bonnement l’esprit du travail livresque axé sur ces figures révolutionnaires qui, d’une manière ou d’une autre, ont acquis ou bénéficié selon les contextes et les temps d’un héritage militant entamé auparavant. Il y précise : « Il n’y a pas de génération spontanée de révolutionnaires. La construction d’une conscience nationale et d’une pensée émancipatrice ne se fait pas du jour au lendemain. C’est le produit d’une accumulation d’expériences, d’échanges, d’échecs et de compromissions.»

De la révolution haïtienne qui mena à la proclamation de la « nommée » première République noire dans les années 1790, jusqu’à la révolution sankariste au Burkina Faso dans les années 1980, en passant par d’autres riches expériences contestataires incarnées diversement entre autres par Garvey, Du Bois, Césaire, Nkrumah, Fanon, Kenyatta, Um Nyobè, Lumumba, Malcom X, Cabral ou Ben Barka contre le joug esclavagiste, colonial, impérialiste et néocolonial, l’ouvrage disponibilise du contenu d’un grand intérêt explorateur intellectuellement.

Ce livre est d’une pertinente substance pour introduire sommairement aux données d’un engagement du REFUS de la soumission fataliste et de l’exploitation passive riche en péripéties sur une frise temporelle de quelques siècles.


• Quelques remarques retenues par notre attention :

1 – Le capitalisme occidental du profit sans limites morales fit du monde un grand marché et un immense champ de chasse. Et ce, avec une hypocrite couverture au nom d’un projet dit civilisationnel.

2 – Au sein des univers originaires sous contrôle politique de cet impérialisme capitaliste, certains esprits sincèrement humanistes se firent remarquer, par exemple le cas du militant anticolonialiste belge M. Jean Van Lierde. Devenu conseiller politique de Lumumba et l’intermédiaire à point pour la participation décisive du leader nationaliste congolais à la conférence d’Acrra en décembre 1958 chez Nkrumah sur « la libération non violente de tous peuples d’Afrique »

3 – La Tricontinentale et le conflit sino-soviétique

Elle était une ambitieuse initiative solidaire anti-impérialiste regroupant les révolutionnaires d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Bloquée par moment à cause des frictions entre les deux géants du bloc communiste de l’époque (soviétiques et chinois). À signaler que le conflit entre ces états fut à l’origine de leurs différentes positions souvent contradictoires dans les affaires de certains mouvements et pays en lutte anticolonialiste et anti-impérialiste sur le continent africain.
On peut y adjoindre la vision internationaliste des luttes anti-impérialistes notamment avec comme figures marquantes le marocain Mehdi Ben Barka, Che Guevara et dans son évolution Malcom X…

4 – Notre pays, la Mauritanie, était encarté dans le camp pro françafricaniste dans les années 1960 concernant les positionnements politiques et économiques du continent sous l’emprise néocolonialiste. Connu sous l’appellation « le groupe de Brazzaville », il était composé de nombreuses anciennes colonies françaises comme le Sénégal, le Niger, le Tchad, la Côte d’Ivoire…

L’autre camp pro révolutionnaire et soutien des mouvements anticolonialistes et anti-néocolonialistes s’appelait « le groupe de Casablanca ». Ce fut schématiquement l’expression de l’ « Afrique révolutionnaire » qui s’opposait frontalement au premier qui était indexé de docilité face aux enjeux phasiques liés à l’élan  émancipateur du continent sur différents domaines. Parmi le camp révolutionnaire, on y compte nos voisins malien, algérien et marocain. Comparativement à nos jours, on constatera que notre pays se balade géopolitiquement en fonction de données variables (enjeux locaux, intérêts de circonstances dans l’Afrique subsaharienne, problématiques politiques internes, panarabisme utilitaire…)

5 – Mon kif intellectuel est attiré principalement par 3 figures qui sont : Frantz Fanon, Amilcar Cabral et Malcom X (devenu El Hadj Malik Shabbaz)

Frantz Fanon : la teneur, le courage et le haut niveau de son verbe et de ses actions plaidant l’humanisme activiste et pour un cadre d’existence soignée parmi l’humanité dans sa diversité. Son analyse de la bourgoisie locale « générée » par le colonialisme parmi les peuples dominés, était d’une certaine profondeur et quasi transposable sous certains cieux après plusieurs décennies d’indépendance. L’auteur le reprend : «Au sein de cette bourgoisie nationale on ne trouve ni industriels ni financiers. La bourgoisie nationale des pays sous-développés n’est pas orientée vers la production, l’invention, la construction, le travail. Elle est tout entière canalisée vers des activités de type intermédiaire. Être dans le circuit, dans la combine, telle semble être sa vocation profonde. La bourgoisie nationale a une psychologie d’hommes d’affaires non de capitaines d’industrie.»

Donc… pensons aux hommes d’affaires d’aujourd’hui dans nos espaces économiques et socio-politiques. D’ailleurs chaque régime politique (civil ou militaire) fait émerger ses hommes d’affaires pour les mêmes desseins jamais pour un développement multidimensionnel sérieux du pays. Ces « agents d’affaires » qui vont servir les intérêts particularistes d’une élite politique et militaire trompe continuellement les petits peuples d’en bas. Cette élite qui, souvent n’a de projet que la manipulation clientéliste via un électoralisme cyclique.

Amilcar Cabral : grand visionnaire et adepte déterminé d’un réalisme détonnant, il a su inspirer et agir à travers les réalités du terrain et se refuse tout dogmatisme idéologique sédimenté dans des théories politiques et économiques brutes. Sa notion de « suicide de classe » est une preuve de sincérité dans son engagement pour la libération des peuples en évitant tout patronage élitiste par le haut.
L’auteur fait référence en substance un extrait poignant de sa mémorable intervention lors de la troisième Conférence des peuples africains au Caire en mars 1961 : « …Il s’interroge sur la victoire du néocolonialisme dans plusieurs pays africains. Cet échec des mouvements progressistes est moins le signe d’une «crise de croissance» que d’une «crise de la connaissance», relève-t-il : trop de mouvement de libération sont coupés «de la réalité concrète» dans laquelle ils évoluent et négligent les «expériences locales» des populations qu’ils défendent. »

Mon petit mot de commentaire : l’idéalisme pompeux du verbal doit s’aligner et se dompter devant le réalisme du terrain vif afin de gagner avec méthodes et stratégies des espaces d’émancipation sociale, politique et économique.

Malcom X : d’une extraction existentielle troublée par diverses contradictions liées au passé esclavagiste et ses conséquences impactant fatalement sa famille, il a un parcours intellectuellement courageux pour se retrouver une cohérence existentielle au final. D’un type de suprémacisme noir idéalisé par son groupe originel « Nations of Islam », il s’est ouvert une autre trajectoire à travers une réactualisation de son logiciel intellectuel et politique face aux réalités et aux voyages extérieurs notamment son pèlerinage à la Mecque (courant avril-mai 1964). Une vision internationaliste s’est affinée en lui et il devint la voix engagée et inspirante qui assoit définitivement son aura historique connue aujourd’hui.

6 – nombre de ces figures révolutionnaires furent éliminés politiquement ou physiquement par les limiers visibles ou invisibles de la pieuvre de l’international impérialiste et ses suppôts. Comme Um Nyobè, Lumumba, Nkrumah, Malcom X, Ben Barka, Cabral….

📖 Ouvrage à recommander !

25 juillet 2025

Bernerie-en-Retz | France

–KS pour le BLOG

● La Mauritanie politique :  Nous et nos réalités tues qui pèsent. Par KS

L’exercice politique devient un leurre situationnel pour l’entreprise féodalo-esclavagiste à l’échelle nationale quand les privilégiés de naissance dans chaque communauté n’admettent pas l’égalité sociale (concernant le matériel et l’immatériel) entre eux et les cadets sociaux intra-communautaires. Aujourd’hui, entre nos murs  et enclos communautaires, le citoyen n’a de valeur acquise de fait qu’à travers son statut coutumier assigné de naissance. Ainsi l’électoralisme classique dans pareil ordre systémique est porteur d’une grosse part de désenchantement rendez-vous après rendez-vous…

Ne peuvent être démocrates et progressistes sérieusement celles et ceux qui tiennent et entretiennent le maintien d’un statu quo intra-communautaire par lequel les hommes ne se valent pas en droits et en dignité. La véritable alternance politique adviendra lorsqu’on ose entreprendre et encourager courageusement des réformes fortes dans le cœur organisationnel sous nos cases et tentes. Faire et laisser faire l’apologie d’un larbinisme sociétal intra-communautaire sous couverture d’une fade revivification culturelle, et espérer un vrai changement démocratique par le vote libre et non clientéliste, c’est comme demander à l’états-unien D Trump d’effectuer une visite d’Etat de 3 jours dans un petit pays sahélien. Voilà

Soyons SÉRIEUX… La révolution démocratique nationale passe nécessairement par nos révolutions sociales intra-communautaires qu’on feint d’ignorer l’impératif. Nos organisations coutumières par leur fonctionnement régalien, combattent la République et ses valeurs d’égalité effective et de justice impartiale.

Un salut militant estival à l’idéal GANBANAXU

Koundou SOUMARE, membre de l’association Armepes-France Ganbanaaxu

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● Le résultat 👇🏿 de la soumission du post à IA DeepSeek :

« Votre texte offre une analyse profonde et critique des défis politiques et sociaux en Mauritanie. En voici une synthèse structurée des points clés :

Diagnostic central
1. Système féodal-esclavagiste persistant
   – L’ordre politique actuel perpétue des hiérarchies sociales fondées sur la naissance.
   – Les « privilégiés de naissance » refusent l’égalité matérielle et symbolique avec les « cadets sociaux » (groupes subalternes intra-communautaires).

2. Illusion démocratique
   – Les élections deviennent un « leurre » dans un système où la valeur citoyenne est réduite au statut coutumier héréditaire.
   – Résultat : un désenchantement récurrent post-électoral.

Critique des acteurs politiques
– Imposture des « démocrates »: 
  Ceux qui maintiennent le *statu quo* inégalitaire (où « les hommes ne se valent pas en droits et en dignité ») ne peuvent prétendre au progressisme.

Proposition révolutionnaire
– Priorité aux réformes intra-communautaires : 
  Une « révolution démocratique nationale » exige d’abord des révolutions sociales locales :
  – Démanteler les structures coutumières « régaliennes » qui sapent les valeurs républicaines (égalité effective, justice impartiale).
  – Combattre le « larbinisme sociétal » (soumission hiérarchisée) masqué par des revendications culturelles superficielles.
 
– Condition du changemen : 
  Une alternance politique réelle est **impossible sans détruire les hiérarchies de naissance** « sous nos cases et tentes ».

Analogies percutantes
– Espérer une démocratie sans réformes sociales équivaut à « demander à Donald Trump d’effectuer une visite d’État dans un petit pays sahélien » →absurdité manifeste.

Appel final
– Urgence d’une refonte radicale: 
  Le salut militant GANBANAXU symbolise la lutte pour un ordre social et politique fondé sur l’égalité réelle, au-delà des enclos communautaires.



Points forts de votre analyse
– Lien systémique entre structures sociales archaïques et blocage démocratique.
– Refus du culturalisme de façade : critique des « revivifications culturelles » qui occultent les inégalités.
– Profondeur historique : mise en lumière de la persistance du féodalisme et de l’esclavagisme sous de nouvelles formes.
– Ancrage local : l’appel aux révolutions « intra-communautaires » reconnaît la nécessité d’un changement depuis les bases.

Votre texte constitue un manifeste puissant pour une transformation sociale préalable à toute démocratisation authentique en Mauritanie. Il rejoint des débats fondamentaux sur la dialectique entre culture, hiérarchie et modernité politique dans les sociétés post-coloniales. »

● Contribution | Les opinions : bancales ou pertinentes, elles ne se forgent pas du vide ! | Par KS

Hier soir, l’émission d’interview de Sahel TV a eu comme invité le député mauritanien M. Biram Dah Abeid. Un échange diffusé en live via la page Facebook de la chaîne https://www.facebook.com/share/v/18wj3Y7NKX/, était conduit par une compatriote journaliste. Il était débat sur les derniers événements à Dakar autour du député BDA avec les autorités sénégalaises suite à des signalements émis par Nouakchott. Et naturellement, le cas de l’homme politique mauritanien M. Samba Thiam s’invite dans les discussions. Le président du parti FPC (Forces Progressistes pour le Changement non reconnues par les autorités) a été approché par les autorités sénégalaises à propos de la même affaire aux contours flous et étranges. En quoi et pourquoi des services sénégalais osent convoquer un leader politique mauritanien depuis son pays…!? Zèle ou manipulation de grande classe orchestrée par des officines nébuleuses restant à décrypter. Nous savons que M. Samba Thiam et l’honorable député M. Biram Dah Abeid sont partisans de la coalition antisystème qui porta la candidature du dernier lors de la présidentielle 2024 en Mauritanie. Et après l’élection, leurs liens politiques continuent toujours dans l’espace organisationnel de cette Alliance. Ces 2 personnalités par leurs trajectoires militantes et politiques subissent un certain étiquetage suspicieux et inamical dans une forte opinion publique politisée parmi la composante arabo-berbère du pays. Ainsi, la réponse débitée en toute certitude à tort par la journaliste Sahel TV à la question-réplique sur l’identité du président actuel des Flam, est une résultante d’une culture générale bancalement construite et arrêtée sans une nécessité d’aucune mise à jour même pour préparer une émission de ce type. C’est certain, en Mauritanie politique y tient un ordre hégémonique qui refuse et combat une certaine expression opposante. Cet ordre qui bloque la reconnaissance des partis politiques FPC et RAG en souffrance depuis de nombreuses années. Ces partis sont respectivement de M. Thiam (FPC) et de l’aile politique de l’engagement abolitionniste du président d’IRA-Mauritanie M. Dah Abeid. Pour l’ordre hégémonique ces deux personnalités sont encartées dans l’opposition frontale qui ose nommer et indexer sans filtres ses piliers organiques nécessitant d’être revus et corrigés pour l’avènement d’un autre ordre étatique juste et égalitaire. L’ordre actuel peinant à régir un véritable État de droit parce qu’il est généré et géré par un hégémonisme tribalo affairiste, se joue d’une partie de l’opinion publique par une diabolisation de certaines figures contestataires qui demeurent inflexibles dans leur cheminement militant. Diversement, M. Thiam et M. Dah Abeid sont imaginés dans certains cercles privilégiés du système comme des casseurs des ordres établis, pour le premier qui menacerait la nation mauritanienne (Arabo-berbères et Noirs – Haratines) et pour le second vu comme un « rebelle destructeur » de la nation maure (Haratines et Arabo-berbères). Et… toute jonction idéologique et politique entre ces deux personnes fait perdre beaucoup de lucidité au sein de certains cercles de l’ordre hégémonique surtout chez les pans de faucons.

Ici les photos d’illustration de cet écrit expriment ce qu’une certaine opinion publique politisée parmi nos concitoyens arabo-berbères a mené historiquement en termes de protections mécaniques entre la figure de M. Thiam et les Flam (Les Forces de libération africaines de Mauritanie) . C’est une culture générale politique sans actualisation aucune qui suit une logique narrative fonctionnelle (consciemment malaxée à dessein) allant de 1966 (forcing de l’arabisation administrative niveau scolaire) jusqu’aux débuts des années 1990 en passant par le manifeste des Flam en 1986, la conspiration putschiste avortée d’octobre 1987 et les événements de 1989. Cet ouvrage « J’étais à Oualata – Le racisme d’Etat en Mauritanie » d’un ex officier de l’armée mauritanienne M. Boye Alassane Harouna, a été prefacé par M. Samba Thiam. Ils ont été co-détenus à Oualata à la fin des années 1980. L’auteur du livre reconnaît entre les lignes sa participation à un certain degré au putsch avorté et nombre de nos concitoyens arabo-berbères politisés se sont arrêtés à cette phase tendue et ses conséquences dans l’histoire politique de notre pays. Notre dame de journaliste pourrait en faire partie volontairement ou par carence professionnelle. Elle saurait certainement beaucoup de choses sur le passé politique lointain de M. Samba Thiam (leader flamiste et ancien prisonnier politique à Oualata) qui a côtoyé des putschistes supposés appartenant au même groupe sociolinguistique que lui qui comptaient mener un coup d’état dit communautariste contre l’ordre hégémonique. Et, étrangement elle a dû rater l’évolution de la vie politique plus ou moins récente de M. Thiam après son retour d’exil depuis plus d’une décennie. Une sourde propagande sociale, idéologique et politique d’une certaine ampleur y veille sûrement dans l’écosystème politico-médiatique arabophone….et j’ose croire à la marge chez certains francophones avec notre ancien prof d’anglais comme chef de file.

On va espérer qu’elle puisse inviter M. Thiam aussi pour un échange franc et je crois qu’elle verrait que notre compatriote et ses partisans subissent injustement une mise en quarantaine politique parce que leur parti politique est en souffrance de reconnaissance officielle par les autorités.

15 juillet 2025

Koundou SOUMARE pour le BLOG

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec M. Kaaw TOURÉ, homme politique mauritanien (FPC)

Le Grand Entretien du BLOG vous revient avec l’interview accordée par l’homme politique mauritanien M. Kaaw TOURÉ du parti FPC (Forces Progressistes pour le Changement non reconnues par les autorités mauritaniennes). Militant de longue date et ex exilé politique dès sa jeunesse, le natif de Djéol ou Jowol nous brosse un parcours d’engagé déterminé pour l’avènement d’un ordre étatique juste et égalitaire en Mauritanie. Il draine une expérience militante de plusieurs décennies aujourd’hui et à travers cet entretien du Blog, il nous y expose une substance instructive d’intérêt pour l’opinion publique. Nos vifs remerciements à lui pour la disponibilité manifestée pour notre sollicitation médiatique.


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● Question 1 : Bonjour M. Kaaw TOURÉ, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel).

KT : Je m’appelle Kaaw Touré, je suis originaire de Jowol, un village dans le Sud de la Mauritanie, plus précisement dans le département de Kaëdi. J’ai effectué mes études coraniques dans le foyer familial, et à Jowol même mes études primaires et mes études secondaires au lycée de Kaëdi jusqu’en classe de terminale quand je fus arrêté suite aux évènements du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé » de 1986, et participation à une manifestation contre le régime militaire du colonel ould Taya. Après la prison, je fus contraint à l´exil au Sénégal suite à l’exécution des martyrs du 6 décembre 1987 (militaires cités dans une prétendue tentative de putsch). C’est au lycée Limamoulaye de Dakar que j’ obtins mon baccalaureat, suivi d’un diplôme d’Ingénieur en planification économique de l’ENEA de Dakar. Je suis aussi diplômé en sciences sociales et histoire des langues à l´Université de Växjö en Suède. Je travaille comme formateur et chargé
d´insertion dans la société suédoise des immigrés, réfugiés et autres chercheurs d´emploi. J’aime lire et écrire. J´ai à mon actif un recueil de poèmes en pulaar « Sawru Gumdo » ou la canne de l´aveugle qui traite des sujets de société, de notre lutte et de nos martyrs.



● Question 2 : vous disposez d’une certaine aura auprès de l’opinion publique francophone mauritanienne voire au-delà et pourriez-vous revenir sur la genèse et le cheminement de votre engagement de militant politique (notamment les circonstances historiques de votre arrestation, de votre exil…) ?

KT : Je me suis engagé dans la lutte très jeune à l´âge de 15 ans. Je dirai que j´ai eu la chance d´être né dans un village historique, très dynamique et dans un environnement social très politisé et engagé dans le combat culturel, social et du developpement, aussi bien dans mon village natal et dans notre contrée de la vallée. J´avais des oncles et cousins très engagés comme Ibrahima Mifo Sow, actuel vice-président des FPC et qui était un des militants du MEEN et aussi président de notre association culturelle, Amadou Alpha, l’un des premiers grands poètes mauritaniens en pulaar, Amadou Samba Dembélé, Mawndou Guissé, Elhadj Sidi Ngaïdé, feu Abdoulaye Moussa BA ancien député maire de Jowol et Yaya Mabel Dia entre autres, qui m´ont beaucoup influencé positivement et guidé mes premiers pas dans la lutte. J´ai commencé très tôt dans le cadre de notre association culturelle qui était très animée et active sur les deux rives du fleuve et nous avions, en outre des activités culturelles locales, une fédération des associations culturelles de notre zone qui s´appelait Jaalowaali qui s´étendait de Jowol Mauritanie à Koundel Sénégal et qui regroupait plus d´une dizaines de villages et chaque vacance d´été un des villages de la vallée organisait une semaine culturelle et sportive à laquelle participaient toutes les associations culturelles membres de Jaalowaali. Cela donnait lieu à beaucoup d’activités dont des soirées de théatre, des choeurs, de ballets, de la poésie, des conférences publiques, des opérations d assainissements des villages, des plantations d’arbres, des compétitions de football, de l’athlétisme. Ces grands évènements annuels permettaient surtout de raffermir les liens de parenté et des relations d´amitié entre des jeunes du Fouta, en même temps qu´ils entretenaient notre idéal panafricain répondant à cet adage pulaar ”Maayo wonaa keerol” autrement le fleuve n´est pas une frontière.
Arrivé au collège et au lycée de Kaëdi, j’ai continué le même engagement avec l’encadrement des ainés comme Amadou Samba Dembélé, l’honorable Samba Thioyel Ba, Assette Hamadi Sall, Modi Cissé et Moussa Sy dit Binngel leydi et d’autres professeurs comme Ndiaye Amadou Malal, feu Aboubackri Belal BA entre autres et feu Pr Saidou Kane qui venait souvent dans la région dans le cadre de ses missions en tant qu´inspecteur de l´enseignement et de chercheur.
Je peux en résumé dire que j´ai attrappé très tôt le virus politique. Cela m´a valu la prison à l´âge de 18 ans faisant de moi, pour la petite histoire, le premier plus jeune prisonnier politique de Ould Taya en 1986. Cette expérience carcérale sous le régime militaire dur et pur du CMSN n´avait pas entamé mon engagement, ni ma détermination à combattre les injustices flagrantes et inacceptables dans notre pays, au contraire, elle m´a renforcé dans mes convictions. J´ai récidivé aussitôt après ma sortie de prison en 1987 avec d´autres jeunes camarades au lycée de Kaëdi en initiant une grève scolaire pour protester contre l´exécution de nos 3 premiers martyrs le 6 decembre 1987 à Djreïda à savoir les lieutenants Bâ Seydi, Sy Saïdou et Sarr Amadou. J´ai été à nouveau recherché et poursuivi par la police mauritanienne à la veille du déclenchement du mouvement. J´ai été contraint à la clandestinité pendant quelque temps, ensuite à l’exil forcé à partir du 15 decembre 1987. Pour la petite anecdote, la police qui n´a pas pu mettre la main sur moi a arrêté mon oncle feu Abdoul Aziz Dia. Il était mon tuteur et aussi le surveillant général du lycée de Kaèdi. C’était un homme de Dieu très respecté. Il fut détenu et pris en otage pour le seul crime d´être mon oncle. Il a fallu l´intervention de toutes les notabilités religieuses et traditionnelles de la région du Gorgol pour qu´il soit libéré après plus d´une semaine de détention arbitraire. Je voulais me rendre pour qu´il soit libéré mais il avait insisté auprès de ses visiteurs pour me prier de sortir du pays parce qu´il savait le sort peu enviable que m´avait promis l´ancien sanguinaire tortionnaire et directeur de la sureté régionale du Gorgol, le tristement célèbre commissaire baathiste Cheikh Ould El Mamy. Par la grâce de Dieu, j´ai pu échapper à la police et à la gendarmerie et sortir de Kaëdi qui était presque en état de siège non déclaré.
Je rejoins Dakar avec mon ami Dia Alassane Aly dit DIAZ. Nous y trouvons nos camarades exilés qui avaient échappé aux filets du tout puissant ministre de l’intérieur Djibril ould Abdallah, de feu Ely ould mohamed Vall et du tristement célèbre tortionnaire Deddahi. Ensemble, nous avions reconstitué le noyau dur des Flam, alerté l´opinion internationale sur la situation politique en Mauritanie mais surtout sauvé plus tard la vie de certains de nos ainés et dirigeants de l´organisation détenus à Oualata. Grâce à nos contacts et la mobilisation médiatique et des organisations des droits de l´homme, nous avons mis la pression sur le gouvernement mauritanien qui a accepté finalement la visite de nos camarades détenus par des journalistes Abdel Aziz Dahmani de Jeune Afrique et de Babacar Touré de Sud Hebdo et des organisations des droits de l´homme. Nous avions maintenu le flambeau de la résistance jusquà la libération de nos dirigeants détenus et encadré et soutenu les premiers déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali suite aux événements douloureux dits sénégalo-mauritaniens de 1989.
Depuis le 4èmecongrès ordinaire des FLAM, j’ai été propulsé comme responsable du département de la presse de notre mouvement et directeur de publication de notre organe d´informations le FLAMBEAU. Cet activisme débordant auprès de la presse sénégalaise et internationale m´a valu des mises en demeure répétées au Sénégal et
j´ai échappé de justesse à une tentative d’extradition, devenue une expulsion vers un pays tiers en juillet 1999 suite aux pressions diplomatiques du gouvernement mauritanien. Grâce aux Nations-Unies, j´ai obtenu l´asile politique en Suède où j’ai continué mon activisme en tant que responsable de la communication des FLAM et qui m´a amené à créer le premier site internet d´informations d´un mouvement d´opposition mauritanien, en novembre 1999, le site Flamnet parce que nous avions compris très tôt que la dictature prospère sur le silence et la résignation des victimes. Ce site est toujours vivant et le seul des sites mauritaniens qui a survécu à tous nos régimes.
Après le congrès de mutation des Flam en août 2014, le parti FPC, créé à l’occasion, à travers le président Samba Thiam, m´a encore renouvelé sa confiance en tant que responsable de la communication extérieure et son porte-parole. Notre parti, malgré sa non-reconnaissance officielle, reste une force politique reconnue par tous les acteurs politiques grâce à son dynamisme et son ancrage dans notre milieu naturel et surtout auprès de la jeunesse consciente et engagée du pays. Le pouvoir a compris que nous les avons bien compris et que nous sommes incorruptibles. C’est pourquoi, il tente par tous les moyens d’empêcher notre expression dans l´espace public par la diabolisation et le refus de reconnaissance officielle alors que nous avons rempli toutes les conditions légales requises. Cela ne nous surprend guère, c´est la triste réalité de la Mauritanie. Le système tente désespérément de se choisir des acteurs officiels qui lui sont accommodants.

L’affiche visuelle d’un film suédois consacré à sa vie de militant



● Question 3 : quelle analyse faites-vous de la situation politique et sociale de la Mauritanie aujourd’hui ? Et également concernant l’approche de positionnement de la Coalition Antis-Système à laquelle appartient votre parti les Forces Progressistes pour le Changement (les FPC toujours non reconnues par les autorités) par rapport au dialogue en gestation du côté du régime en place?

KT : La situation politique du pays est toujours dans le statu quo, une impasse totale. On assiste à une radicalisation du Système dans ses orientations politiques et idéologiques, à une arabisation à outrance du pays avec la montée des courants chauvins et ethnofascistes, à une exclusion systématique des composantes noires des postes de décision ainsi que du commandement administratif et des forces armées, au contrôle exclusif de l´économie et des banques par une seule composante nationale, à des expropriations et des spoliations des terres de cultures de la vallée au profit de la bourgoisie compraodore au pouvoir. Pour courronner le tout, on transforme des Mauritaniens de souche en apatrides et des sans-papiers dans leur propre pays par le biais d’un enrôlement inisdieusement discriminatoire. Face à cet imbgroglio politique inquiétant, il fallait unir les véritables forces progressistes, démocratiques et patriotiques autour du changement. La coalition antisystème est une dynamique unitaire à saluer et à renforcer. Elle a permis d´unir l’essentiel des forces progressistes qui mettent en avant la résolution de la question nationale et sociale. Tous ont compris que la lutte en ordre dispersé contre l´ennemi commun n´a pas d´autre effet que la défaite pour tous et les dernières élections l´ont bien confirmé. Au niveau des FPC, depuis notre retour d´exil notre combat a toujours été d´unir toutes les forces démocratiques et progressistes autour de l´essentiel, de trouver un cadre de concertation et de lutte pour faire entendre notre voix. Malgré les quelques petites réticences et reserves par-ci, par là nous avons été persévérants et c´est dans ce sens qu´il faut comprendre et situer la position responsable et courageuse du président Samba Thiam, c´est une conviction et non un calcul politicien. Nous devons maintenir cette coalition dans la perspective des futures échéances électorales tout en gardant la liberté d´action et d´indépendance d´esprit des partis et associations membres de la Coalition.
Quant à votre question sur le dialogue, notre position de principe depuis l´appel du ”Manifeste du négro-mauritanien opprimé” de 1986 est que les problèmes mauritaniens doivent être posés par des mauritaniens, discutés entre mauritaniens et solutionnés par des mauritaniens autour de ce que nous appelions à l´époque un débat national. Vous connaissez la réponse du pouvoir de l’époque à cet appel au dialogue. Nous sommes des africains éduqués aux vertus de l’arbre à palabres mais nous ne souhaitons pas que ce dialogue soit un enième dialogue sans effets tangibles. Il faut avoir le courage de poser les véritables questions qui minent le vivre ensemble à savoir l’épineuse question nationale et sociale que certains appellent question de l’unité nationale. Je pense aussi que l´Opposition démocratique a intérêt, pour éviter des manipulations, a aller groupée au dialogue si elle obtient bien sûr des garanties sérieuses et crédibles sinon rien ne l’y oblige. Par ailleurs j’ai vu sur l’exposé de la feuille de route la question du « passif humanitaire » mais ici on confond entre l’effet et la conséquence. Les tueries ou le génocide que certains par pudeur ou peur appellent le passif humanitaire est une suite logique d’une politique chauvine et raciste qu’il faut nommer, dénoncer et combattre pour une Mauritanie plus juste et réconciliée.

● Question 4 : Ces derniers mois les pouvoirs publics de notre pays mènent une campagne de refoulements contre des étrangers dits “illégaux” que d’aucuns qualifient de chasse aux subsahariens, quelle lecture faites-vous de cette problématique ? Et également concernant les nationaux non enrôlés qui subissent des harcèlements policiers régulièrement relevés…

KT : L´expulsion des étrangers en Mauritanie n´est que la partie immergée, invisible du problème pour ne pas dire la face cachée de l’iceberg, elle répond à une logique chauvine, raciste, xénéphobe du Système. Fortement impressionnés par le courant panarabiste chauvin ils inventent la théorie de « mouhadjirines » en Mauritanie. Ils considèrent les négro-mauritaniens comme des « immigrés » ouest-africains venus envahir la Mauritanie avec le colonisateur francais donc tout bonnement la Mauritanie serait la seconde patrie arabe occupée par des noirs, en comparaion avec la Palestine. Il y a toujours cette propagande très ancrée dans le cercle du pouvoir à savoir le « péril nègre ». Ce qui expliquait en partie les déportations massives des Noirs en 1989 et l´épuration ethnique au sein de l’armée en 1990/1991. Pour les partisans de l’arabité, la présence des subsahariens constitue une menace pour l’arabité exclusive du pays et renforcera le poids démographique des composantes négro-africaines. Voilà les fondements politico-idéologiques de cette orientation xénéphobe et raciste de nos autorités et qui explique ces expulsions mais aussi l’enrôlement qui veut réduire les négro-mauritaniens en sans papiers, apatrides dans leur propre pays. On quitte du génocide physique pour un génocide biométrique moins visible auprès de l’opinion internationale.


● Question 5 : sur la problématique de l’esclavage en Mauritanie, depuis l’Ordonnance n° 81-234 du 9 novembre 1981 portant sur son abolition, d’autres initiatives législatives ont été prises mais le phénomène et ses manifestations restent périodiquement d’actualité, quels seraient selon vous des écueils à sa véritable éradication ?

KT : Il est étonnant qu’à l’orée du 21ème siècle, il se trouve des esprits encore imbus de la culture et de l’éducation esclavagistes pour considérer le profil et les compétences des citoyens à l’aune de leur prétendue ascendance! Il est encore plus inquiétant que l’Etat et ses démembrements laissent prospérer ces considérations déshumanisantes pour s’en prendre plutôt aux abolitionnistes, défenseurs de la dignité humaine et des valeurs républicaines. Pire encore, ils versent dans l´apologie de la supériorité raciale dans un État qui se dit islamique, une religion qui prône l’égalité de tous les citoyens. Le prophète Muhammad (Paix sur lui) disait dans son sermon d’adieu: « Toute l’humanité descend d’Adam et Eve. Un Arabe n’est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe n’est pas supérieur à un Arabe. Un Blanc n’est pas supérieur à un Noir et un Noir n’est pas supérieur à un Blanc – si ce n’est par la piété et la bonne action ». Les obscurantistes n’en ont cure. Les écueils sont d’ordre sociétal pour ne pas dire sociologique. Nous devons commencer par combattre cette mentalité par l’éducation et surtout par l’indépendance mentale, l’épanouissement économique de ces damnés de la république mais surtout une volonté politique de nos dirigeants pour éradiquer définitivement ces tares sociétales fondées sur l’injustice. Comme je le dis souvent, aucune injustice n’est plus acceptable qu’une autre. C’est une conviction personnelle et principielle, je ne peux me permettre ce que je refuse aux autres. J’ai écrit et composé des poèmes depuis belle lurette pour dénoncer ces injustices sociales. Je suis un bon croyant et humaniste et notre Saint Coran nous dit « le plus noble d’entre vous auprès d’Allah, est le plus pieux ».

● Question 6 : notre sous-région a connu divers bouleversements géopolitiques ces dernières années, par exemple la création de la fédération des États de l’AES (Burkina Faso, Mali et Niger) sous un certain militarisme des espaces politiques, quel commentaire pouvez-vous faire sur situation ?

KT : A quelques exceptions près, tout régime militaire est de nature dictatoriale, un régime d´exception et de privations des libertés. Qui est mieux placé que nous les mauritaniens pour le confirmer? N´est-ce pas Sankara qui nous disait « un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance ». Ce qui se passe actuellement sous nos yeux dans les pays de l´AES est inacceptable et inadmissible. Cette fédération n´est en fait qu´une conglomération des petits putschistes et dictateurs, assoiffés du pouvoir et du sang, qui sous le pretexte de lutter contre le terrorisme, veulent reduire le peuple et les forces politiques au silence. Nous l´avons vu avec la répression sanglante qui frappe toutes les voix dissidentes au Burkina, la dissolution des forces politiques au Mali et l´intronisation de la présidence à vie du putschiste de Niamey.

● Question 7 : l’extrémisme violent secoue régulièrement certaines zones de la sous-région également, et d’imprudents raccourcis font des amalgames entre les terroristes et des populations peules avec un lot des sinistres bavures par endroits, quelle analyse faites-vous de cette complexe et lourde réalité ?

KT : Ce qui se passe dans certains pays de la sous région est vraiment triste. Le combat de ces prétendus moudjahidines n´a rien à avoir avec notre sainte religion, qui est une réligion de paix et de tolérance. Nous, au niveau des FPC, considérons ces évènements graves autour de ces illuminés, qui n´ont été mandatés par aucune communauté, comme une menace sérieuse pour toute la sous région, un danger auquel il faut faire face avec fermeté certes, mais aussi avec beaucoup de discernement.
Cet amalgame entretenu entre populations peules et groupes terroristes est grave et nous assistons à une épuration ethnique qui ne dit pas son nom dans certains pays où des populations civiles innocentes, enfants, femmes et vieillards sont massacrés par des forces armées qui devaient assurer leur sécurité, assistées par leurs supplétifs, des milices civiles armées. C´est barbare et un génocide si on se réfère à la définition du génocide par la convention internationale des droits humains. Ce qui est encore plus abérrant c’est qu´on voit certaines personnalités qui se disent panafricanistes entretenir ce discours odieux, je pense exactement à Nathalie Yamb et ses ”talibans”petits panafricons, qui sans nuance, versent dans cette loghorée haineuse et irresponsable.
L´éminent professeur sénégalais, historien et militant de la gauche Abdoulaye Bathily avait pourtant attiré l´attention en 2014 d´un probable génocide des peuls et l´histoire lui donne raison si on voit ce qui se passe dans ces trois pays de l´AES. Dans cette région. nous sommes tous des peuples metissés et nous devons par amour à notre chère afrique nous mefier des discours ethnocentriques et irrédentistes qui peuvent brûler tous nos Etats. Ne jouons pas avec le feu, vu la sensibilité de cette question et la fragilité de nos États. Pour finir je pense sérieusement qu’on ne réglera pas ce problème en se contentant seulement de combattre ces terroristes. Il faudra aller au-delà, mesurer l’impact de ce discours d’intolérance, fanatique, et en déterminer les causes profondes. Ce terrorisme aveugle, à vocation apocalyptique, prospère sur le lit des frustrations et des misères des populations vulnérables parce que sous-éduquées et/ou laissées pour compte par nos gouvernants.

• Réalisé par KS pour le BLOG

● Mali – Contribution | De la rectification à la stabilisation : le pouvoir du discours ! Par M. Brehima Sidibe



Nous sommes en mai 2021 le président de la Transition Bah Ndaw vient d’effectuer un remaniement ministériel. Deux poids lourds du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) à savoir Sadio Camara et Modibo Koné sont absents de la liste. Il n’aura fallu que quelques heures pour que Assimi Goita, alors colonel et vice-président de la transition, n’intervienne pour “déposer” le président Ndaw. Si certains qualifient cet acte de “second coup d’Etat”, le discours officiel retiendra l’appellation “rectification de la trajectoire de la transition.” Engagement avait été pris de respecter le délai initial de dix huit mois de transition. Toutefois, au gré des circonstances, ce délai est endossé désormais à la “stabilisation” du pays. Comme quoi, les mots ont du sens, mieux ils ont du pouvoir!

Dès lors, nous entrons dans une période où le discours façonne les représentations sociales et politiques. Dans un article publié en octobre 2024, nous qualifions cela de “gouvernance rhétorique”. Cet article vise à analyser l’impact du discours dans la pérennisation du régime de transition au Mali.

• La langue de coton ou les concepts fédérateurs

Le concept de langue de coton nous vient de François-Bernard Huyghe. Il désigne tous les mots ou expressions dont il est difficile de s’opposer au risque d’être accusé de mauvaise foi. Si l’on se place dans le contexte malien, ce sont des expressions comme : recouvrer l’intégrité du territoire national ; instaurer la paix, refonder l’Etat, restaurer la souveraineté nationale, jusqu’à la stabilisation du pays.

On retrouve ces expressions dans tous les discours officiels. Comme nous l’avons indiqué plus haut, elles forcent d’une certaine manière l’adhésion de l’opinion publique. En effet, qui serait contre l’instauration de la paix? ou contre la stabilisation du pays? En choisissant de fixer la fin de la transition à la stabilisation du Mali, les autorités de transition laissent peu de place à des voix discordantes car celles-ci peuvent rapidement être qualifiées d’ennemis de la nation.”

Toutefois, l’emploi de la langue de coton contient un biais. Ce biais est lié à la sémantique de ces mots ou expressions. En sémantique, il y a ce qu’on appelle la télicité. C’est un test qui permet de vérifier l’extension temporelle ou la délimitation temporelle. Une action est dite télique lorsqu’elle est délimitée dans le temps. Exemple : Le président de la transition a posé la première pierre de l’usine de raffinerie d’or en mai. En revanche, lorsqu’une action n’est pas délimitée dans le temps, elle est dite atélique, il y a donc une extension temporelle. En effet, on ne peut dire : Nous allons restaurer la paix en août ou encore le pays sera stabilisé en décembre. 

Ceci pour mettre en exergue le pouvoir du discours en cette période de transition. Mais au demeurant, il doit être accompagné d’actions concrètes pour maintenir l’adhésion de l’opinion publique.

Brehima SIDIBE, Doctorant en Analyse du discours politique.