● Dr. Issa Coulibaly, président du Conseil Régional du Guidimakha : «Je m’investis contre la manipulation et pour la défense de la vérité républicaine» [Le Calame]



Le Calame — Le budget régional vient d’être rejeté. À qui incombe la responsabilité ?

Dr. Issa Coulibaly: Aucune faute budgétaire n’est en cause. Le rejet n’a strictement rien à voir avec le contenu du budget. Il résulte d’une manœuvre de pression menée par quelques élus déterminés à obtenir le rétablissement d’indemnités suspendues conformément à la loi.

Le budget 2026 a été construit dans la transparence la plus totale : cinq commissions ont été saisies dès octobre 2025 ; trois ont travaillé, deux n’ont produit aucun rapport — pas une note, pas une recommandation — notamment les commissions dirigées par Mme Gangué et M. Abderrahmane. Ces mêmes élus prétendent pourtant “défendre la Région”.

En séance, aucun élément technique n’a été soulevé. Aucun amendement n’a été proposé. Le débat n’a porté que sur leurs indemnités. Les faits sont têtus.

– Une crise institutionnelle serait en cours au Guidimakha. Que se passe-t-il réellement ?

Il n’existe aucune crise institutionnelle. Ce qui circule sur les réseaux sociaux relève d’une construction délibérée, organisée par un groupuscule d’élus pour travestir la réalité. La Région fonctionne, les services travaillent, les projets avancent.

Ce que certains présentent comme une crise n’est en réalité qu’une tentative de manipulation initiée par deux vice-présidents — M. Cheikh Mohamedou Abderrahmane et Mme Diouma Amadou Gangué — qui, depuis leur installation, n’ont jamais exercé de manière effective les fonctions que la loi leur confie.

M. Cheikh n’a jamais travaillé un seul jour dans la Région, tout en percevant 18 mois d’indemnités.

Mme Gangué, après quelques mois de présence, s’est installée entre Nouakchott et la France, rendant toute participation régulière impossible.

Lorsque j’ai rappelé l’application stricte de l’arrêté 156/2019 — qui conditionne les indemnités à l’exercice effectif — leur agitation a commencé. Non par désaccord politique, mais par défense d’intérêts personnels.

La suite est connue : fabrication de récits mensongers, diffusion de vidéos approximatives, instrumentalisation de la diaspora et mobilisation d’influenceurs extérieurs. Tout cela pour masquer un simple fait : ils refusent l’application de la loi.

-Vous parlez de responsabilités individuelles. Lesquelles ?

-Depuis juin 2023, les deux vice-présidents cités — M. Abderrahmane (AND) et Mme Gangué (UDP) — n’ont jamais assuré une présence conforme à leurs obligations. Pendant plus d’un an, j’ai privilégié le dialogue : réunions, médiations avec le Secrétaire général, compromis sur une présence minimale de dix jours par mois. Engagements verbaux jamais respectés.

Face à cette persistance, j’ai pris une décision républicaine : appliquer la loi et suspendre les indemnités. Leur fronde a commencé immédiatement.

– N’auraient-ils pas bénéficié de l’appui de certains acteurs politiques locaux ?

-Non. Ils ont rallié quelques alliés en quête d’indemnités, souvent absents du territoire — certains résidant même en France — et revendiquant des indemnités de session alors qu’ils votent par procuration.

Des alliés complaisants : Néfé Gandega (INSAF), Sidaty Ba (UDP) – installé en France – et Moussa Soumaré (SAWAB). Leur point commun ? Défendre l’idée qu’un conseiller absent, qui vote par procuration depuis la France, devrait toucher les indemnités de session de 6 000 MRU. Une théorie absurde, contraire à la loi. Aujourd’hui encore, les trois cités sont en France. Ils ont voté par procuration et exigent leur indemnité.

Le droit est clair : une indemnité de session compense la présence physique, pas l’absence. Aucune disposition ne permet de payer quelqu’un qui n’est pas sur place. Aucune.

-Quels étaient les axes majeurs du budget ?

-Un budget clair, équilibré, rigoureux. Les priorités étaient les suivantes :

-Sécurisation du parc d’équipements (17 tracteurs, camions, chargeur, accessoires) par la construction d’un hangar et d’un bloc administratif. Un patrimoine à forte valeur, indispensable à l’économie locale.

-Réhabilitation urgente du siège du Conseil, aujourd’hui dégradé, pour garantir sécurité, dignité administrative et accueil du public.

-Création d’un site institutionnel afin de renforcer la transparence, la communication publique et l’attractivité du territoire.

-Hydraulique villageoise : forages, réseaux, châteaux d’eau, énergie solaire — répondant à des demandes directes des populations.

-Périmètres agricoles pour les jeunes, équipés et modernes, pour réduire l’exode et renforcer l’autonomie alimentaire.

-Appui économique aux femmes productrices, essentiel pour la stabilité sociale et la résilience économique.

-Acquisition d’une pelleteuse-chargeur, pour renforcer nos capacités d’intervention sur les ouvrages hydrauliques et les terres dégradées.

Le trésorier régional a validé toutes les procédures. Aucune irrégularité.

Ce budget a été rejeté uniquement pour des raisons politiques et personnelles, jamais pour des raisons techniques.

-Que s’est-il passé concrètement le jour du vote ?

Ce fut un moment révélateur. Les frondeurs ne sont pas venus débattre : ils n’avaient qu’un objectif : faire pression pour recouvrer leurs indemnités.

Pas une critique technique, pas une demande d’amendement, pas une ligne discutée. Ils ont simplement constitué une coalition conjoncturelle, sans cohérence politique, dont le seul dénominateur commun était le chantage institutionnel.

Et après le vote, aucun n’a pu citer une ligne du budget qui poserait problème. Preuve supplémentaire que le budget n’était qu’un prétexte.

-Certains conseillers affirment pouvoir contrôler directement votre gestion. Que dit la loi à ce sujet?

La loi organique 2018-010 est explicite :

Le Conseil délibère ;

Le Président exécute.

La gestion n’est pas collégiale. Elle est légale, ordonnancée, encadrée.

Le contrôle de la gestion publique relève exclusivement :

_de la Trésorerie régionale,

_de l’Inspection Générale de l’État,

_de la Cour des Comptes,

_de l’Administration de tutelle.

Aucun conseiller n’a mandat pour intervenir dans l’exécution : recrutements, marchés, engagements financiers. Certains veulent transformer cette architecture en leur faveur. Je le dis clairement : c’est contraire au droit et contraire à l’esprit républicain.

-Que représente le programme d’urgence gouvernemental pour votre région?

-Une avancée historique : 20,3 milliards d’anciennes ouguiyas investis en 30 mois pour écoles, santé, hydraulique, routes, électricité, jeunesse, agriculture et pastoralisme.

Jamais le Guidimakha n’avait bénéficié d’un tel niveau d’investissement. Pendant que l’État travaille, certains cherchent à bloquer. Le contraste est clair.

-Et la coopération avec le Mali et le Sénégal dont votre région est limitrophe?

Elle est dynamique, structurante et essentielle. Le Guidimakha est un carrefour vital. Mais cette coopération ne peut fonctionner que si la Région est forte, stable, respectée. Chaque tentative interne de déstabilisation affaiblit non seulement la Région, mais aussi la position de la Mauritanie.

Qui aurait intérêt à contrarier?

-Des acteurs identifiés, installés dans les hautes sphères, utilisent leur influence pour saboter l’action régionale. Ce n’est pas de l’opposition : c’est une entreprise de déstabilisation.…pourquoi ? Parce que la Région avance. Parce que les projets sortent de terre. Parce que la population voit la différence. Leur stratégie est simple : générer du vacarme pour masquer le progrès.

Mais la population n’est pas dupée. L’histoire retiendra ceux qui construisent, non ceux qui entravent.

-Un mot de la fin?

-Le Guidimakha n’est pas en crise : il est victime d’une agitation fabriquée par ceux qui refusent l’application de la loi.

Je demeurerai fidèle à ma mission, fidèle à la République, fidèle au mandat confié par nos populations. Je ne céderai ni aux pressions, ni aux manipulations. Tant que j’exercerai cette responsabilité, aucune manœuvre ne détournera notre Région de sa trajectoire : la vérité, la loi, le développement et l’ordre républicain.

Propos recueillis par Dalay Lam

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● Le Grand Entretien du BLOG | Avec l’ingénieur et l’entrepreneur mauritanien M. Cheikhou GANDEGA

Le Grand Entretien du BLOG (le GEB) vous propose l’interview ci-après accordée par l’entrepreneur et spécialiste en Mentorat M. Cheikhou GANDEGA. Natif de la localité de Baydiam dans le Guidimagha mauritanien, l’ingénieur expert en QHSE et CEO de la société GMS PARTNERS a répondu à nos questions avec bienveillance dans ce numéro du 30 octobre 2025 de la rubrique le GEB. Le week-end dernier (25 octobre 2025), il a été décoré Médaille du Mérite lors de la Semaine de l’Afrique des Solutions tenue à la Mairie du 16e arrondissement de Paris. Une énième consécration de haut rang pour notre compatriote saluant son parcours et ses accomplissements. Félicitations et bonne continuation à lui.

Ici l’expression de notre fraternelle et citoyenne reconnaissance à son égard pour la disponibilité. Bonne lecture à tous.

Question 1 : Bonjour monsieur Gandéga Cheikhou, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel)

Cheikhou GANDEGA : Je m’appelle Cheikhou GANDEGA, expert en QHSE, RSE et Lean management avec plus de 12 ans d’expérience en France et à l’international.

Arrivé en France, j’ai orienté mon parcours vers le management et la performance des organisations. J’y ai obtenu une Licence en Gestion de Projets, puis un Master 1 en Management des Projets et des Organisations au Pôle Européen d’Économie et de Gestion de Strasbourg, avant de compléter mon cursus par un Master Spécialisé labellisé Grandes Écoles en management QHSE et performance industrielle à l’école d’ingénieurs CESI Campus d’Angoulême.
Fort de 12 années d’expérience au sein de grands groupes européens dans les secteurs de l’industrie, de l’énergie et des services, j’ai décidé de revenir aux sources pour mettre mon expertise au service du continent africain.

C’est ainsi qu’en 2023, j’ai fondé en Mauritanie GMS PARTNERS, un cabinet de conseil et d’ingénierie de formation présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Pour découvrir nos expertises, consultez notre site internet :
https://gms-partners.fr
Notre mission : accompagner les entreprises et les institutions vers une performance durable, en alliant qualité, innovation et impact social.
Parallèlement, je m’engage activement dans des programmes d’employabilité et d’entrepreneuriat destinés aux jeunes et aux femmes africains, afin de favoriser leur autonomie, leur insertion professionnelle et leur contribution au développement du continent.

Question 2 : De votre riche et inspirante expérience, quelles recettes clés en termes de détermination et de résilience pouvez-vous recommander aux jeunes apprenant.e.s (écoliers, étudiants…) et aux aspirant.e.s à l’entrepreneuriat ?

CG : Aux jeunes, je dirais ceci : Osez rêver grand, mais surtout osez croire en votre différence.
Car c’est souvent ce qui vous rend unique qui deviendra votre plus grande force.
Moi aussi, je suis parti de loin. Né sous un baobab, j’ai appris très tôt que la vie ne te donne rien gratuitement. Mais j’ai compris une chose essentielle : la chance n’existe pas.
Ce qu’on appelle la chance, c’est l’opportunité qui rencontre la préparation. Alors préparez-vous. Formez-vous. Étudiez. Apprenez un métier. Car l’éducation est la clé qui ouvre toutes les portes, même celles qu’on croyait verrouillées à double tour.
Fixez-vous des objectifs clairs. Ne laissez personne vous dire que vous rêvez trop grand. Les grands rêves ne sont pas faits pour les autres — ils sont faits pour ceux qui ont le courage d’y croire.
Entourez-vous de personnes meilleures que vous, de mentors, de modèles, de gens qui vous élèvent. Parce qu’on ne construit rien de solide seul.
La détermination, ce n’est pas la force d’un instant. C’est la constance dans l’effort, jour après jour, même quand personne ne vous regarde.
N’ayez pas peur d’échouer : l’échec, c’est l’école de la réussite. Chaque chute vous rapproche de la victoire.
Et surtout, gardez cette flamme en vous : celle de vouloir laisser une trace, d’apporter quelque chose d’utile au monde.
Rêver grand, ce n’est pas un luxe, c’est un devoir envers vous-même et envers ceux qui viendront après vous.
Croyez, travaillez, persévérez, et le monde finira par s’incliner devant vos efforts.
Parce que tout est possible, à celui ou celle qui s’en donne les moyens.

● Question 3 : Après vos études et une solide expérience professionnelle en France, vous êtes revenu investir en Mauritanie et en Afrique, que donneriez-vous comme conseils cruciaux pour une meilleure réinstallation socio-professionnelle ?


CG : Je dirais qu’une réinstallation réussie en Afrique ne s’improvise pas : elle se prépare, s’adapte et s’ancre dans la réalité locale.


1️-D’abord, comprendre avant d’agir.

Trop souvent, ceux qui reviennent veulent appliquer directement les modèles européens.
Or, chaque pays, chaque territoire a ses spécificités. Il faut écouter, observer, comprendre les besoins réels et les codes locaux avant de proposer des solutions. C’est cette phase d’humilité et d’apprentissage qui fait toute la différence.


2️-Ensuite, construire des partenariats solides.

La réussite ne se fait jamais seul. En Afrique, le réseau est un levier essentiel : il faut s’entourer d’acteurs de confiance, qu’ils soient institutionnels, entrepreneurs ou associatifs. La collaboration ouvre des portes et sécurise les projets.


3️– Enfin, cultiver la patience et la résilience.

Les réalités du terrain peuvent être déroutantes : lenteurs administratives, infrastructures limitées, résistances au changement… Mais c’est précisément dans ces défis que se trouvent les plus belles opportunités. Il faut garder le cap, s’adapter et persévérer.
Mon conseil ultime : revenez avec vos compétences, mais surtout avec un état d’esprit de bâtisseur.

● Question 4 : le phénomène migratoire est une problématique (notamment les départs massifs et périlleux via des embarcations vers l’Europe) qui touche particulièrement la communauté soninké, avez-vous quelques pistes de réflexion à l’endroit de la population concernée et des décideurs étatiques ?

CG : Trop de familles ont pleuré des fils, des filles, des frères, partis avec l’espoir dans les yeux, et que la Méditerranée a engloutis dans le silence.
Je veux dire à la jeunesse, en particulier à celle de la vallée et du Guidimakha : l’avenir ne se trouve pas forcément ailleurs, il peut se construit ici, pas à pas, avec courage et engagement.
Nous avons trop longtemps cru que la réussite passait uniquement par l’exil. Mais aujourd’hui, le vrai courage, c’est de rester, d’apprendre, d’innover et de bâtir chez soi. Chaque village, chaque région regorge de ressources inexploitées, de talents endormis et d’opportunités à révéler. Il suffit d’y croire, de se former et de s’impliquer.
Formez-vous, cultivez la connaissance comme une arme contre la pauvreté et la résignation.
L’éducation est le passeport le plus sûr vers la liberté et l’autonomie, et au-delà des études, intéressez-vous aux initiatives locales : coopératives agricoles, startups sociales, projets environnementaux, associations communautaires… C’est souvent dans ces actions de proximité que naissent les plus grandes transformations.

C’est en croyant en notre terre, en nos idées et en nos compétences que nous ferons de l’Afrique non pas un continent à quitter, mais un continent à construire.

L’État ne peut pas simplement “sensibiliser” ou “réprimer” : il doit redonner confiance.
Cela passe par des politiques structurantes et non symboliques.
Créer des zones d’opportunités locales
Investir dans l’agriculture moderne, la transformation agroalimentaire, les énergies renouvelables, les métiers verts.
Favoriser des zones d’emploi rural avec un accompagnement entrepreneurial et des formations adaptées.
Décentraliser les investissements pour éviter la concentration urbaine du développement.
Repenser la formation professionnelle
Aligner la formation sur les besoins réels du marché local (BTP, maintenance, TIC, agriculture intelligente, artisanat moderne).
Créer des centres de compétences régionales, accessibles, connectés, et valorisant les métiers manuels.
Impliquer la diaspora
Instaurer des fonds d’investissement de la diaspora avec garanties publiques, pour soutenir des projets créateurs d’emplois.
Faciliter le retour des compétences (programmes d’échange, mentorat, partenariats).
Lutter contre la résignation sociale
Mettre en place des campagnes nationales de valorisation du “rêve africain”, à travers les médias, les écoles, les leaders religieux et communautaires.
Encourager les projets culturels et éducatifs qui redonnent confiance à la jeunesse en son identité et son territoire.


● Question 5 : La communauté soninké connaît une crise latente liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance » et ses manifestations, quelles seraient vos recommandations susceptibles d’apporter une certaine cohésion dans l’organisation sociale sans ces tares ?


CG : Parler de « l’esclavage par ascendance » exige d’abord humilité et lucidité, car il s’agit d’une blessure ancienne, profonde, qui continue malheureusement de diviser.
Je crois sincèrement que la première étape vers la cohésion, c’est la vérité. Il faut oser regarder ce passé en face, sans haine ni déni, pour en comprendre les racines et en tirer les leçons.
Tant que ce sujet restera tabou, il nourrira la méfiance et freinera l’unité au sein de nos communautés.
Ensuite, il est essentiel de reconstruire les liens sur la base du respect, de la dignité et de l’égalité. Personne ne doit être défini par son origine, son nom ou son ascendance. La valeur d’un être humain se mesure à sa conduite, à son savoir et à sa contribution à la société, pas à l’histoire de ses ancêtres.
Aux leaders communautaires, religieux et politiques, je recommande de jouer un rôle d’apaisement et d’exemplarité. Nous devons ensemble promouvoir un discours de justice sociale, de fraternité et de vivre-ensemble, et encourager le dialogue intergénérationnel pour guérir ces blessures.
En somme, il ne s’agit pas d’effacer le passé, mais de le transcender, pour bâtir une société plus juste, plus apaisée et profondément humaine. C’est ensemble, dans le respect mutuel et la reconnaissance de notre humanité commune, que nous écrirons la plus belle page de l’histoire soninké.


Le 29 Octobre 2025

● Réalisé par KS pour le BLOG https://ecrit-ose.blog/

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec M. Kaaw TOURÉ, homme politique mauritanien (FPC)

Le Grand Entretien du BLOG vous revient avec l’interview accordée par l’homme politique mauritanien M. Kaaw TOURÉ du parti FPC (Forces Progressistes pour le Changement non reconnues par les autorités mauritaniennes). Militant de longue date et ex exilé politique dès sa jeunesse, le natif de Djéol ou Jowol nous brosse un parcours d’engagé déterminé pour l’avènement d’un ordre étatique juste et égalitaire en Mauritanie. Il draine une expérience militante de plusieurs décennies aujourd’hui et à travers cet entretien du Blog, il nous y expose une substance instructive d’intérêt pour l’opinion publique. Nos vifs remerciements à lui pour la disponibilité manifestée pour notre sollicitation médiatique.


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● Question 1 : Bonjour M. Kaaw TOURÉ, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel).

KT : Je m’appelle Kaaw Touré, je suis originaire de Jowol, un village dans le Sud de la Mauritanie, plus précisement dans le département de Kaëdi. J’ai effectué mes études coraniques dans le foyer familial, et à Jowol même mes études primaires et mes études secondaires au lycée de Kaëdi jusqu’en classe de terminale quand je fus arrêté suite aux évènements du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé » de 1986, et participation à une manifestation contre le régime militaire du colonel ould Taya. Après la prison, je fus contraint à l´exil au Sénégal suite à l’exécution des martyrs du 6 décembre 1987 (militaires cités dans une prétendue tentative de putsch). C’est au lycée Limamoulaye de Dakar que j’ obtins mon baccalaureat, suivi d’un diplôme d’Ingénieur en planification économique de l’ENEA de Dakar. Je suis aussi diplômé en sciences sociales et histoire des langues à l´Université de Växjö en Suède. Je travaille comme formateur et chargé
d´insertion dans la société suédoise des immigrés, réfugiés et autres chercheurs d´emploi. J’aime lire et écrire. J´ai à mon actif un recueil de poèmes en pulaar « Sawru Gumdo » ou la canne de l´aveugle qui traite des sujets de société, de notre lutte et de nos martyrs.



● Question 2 : vous disposez d’une certaine aura auprès de l’opinion publique francophone mauritanienne voire au-delà et pourriez-vous revenir sur la genèse et le cheminement de votre engagement de militant politique (notamment les circonstances historiques de votre arrestation, de votre exil…) ?

KT : Je me suis engagé dans la lutte très jeune à l´âge de 15 ans. Je dirai que j´ai eu la chance d´être né dans un village historique, très dynamique et dans un environnement social très politisé et engagé dans le combat culturel, social et du developpement, aussi bien dans mon village natal et dans notre contrée de la vallée. J´avais des oncles et cousins très engagés comme Ibrahima Mifo Sow, actuel vice-président des FPC et qui était un des militants du MEEN et aussi président de notre association culturelle, Amadou Alpha, l’un des premiers grands poètes mauritaniens en pulaar, Amadou Samba Dembélé, Mawndou Guissé, Elhadj Sidi Ngaïdé, feu Abdoulaye Moussa BA ancien député maire de Jowol et Yaya Mabel Dia entre autres, qui m´ont beaucoup influencé positivement et guidé mes premiers pas dans la lutte. J´ai commencé très tôt dans le cadre de notre association culturelle qui était très animée et active sur les deux rives du fleuve et nous avions, en outre des activités culturelles locales, une fédération des associations culturelles de notre zone qui s´appelait Jaalowaali qui s´étendait de Jowol Mauritanie à Koundel Sénégal et qui regroupait plus d´une dizaines de villages et chaque vacance d´été un des villages de la vallée organisait une semaine culturelle et sportive à laquelle participaient toutes les associations culturelles membres de Jaalowaali. Cela donnait lieu à beaucoup d’activités dont des soirées de théatre, des choeurs, de ballets, de la poésie, des conférences publiques, des opérations d assainissements des villages, des plantations d’arbres, des compétitions de football, de l’athlétisme. Ces grands évènements annuels permettaient surtout de raffermir les liens de parenté et des relations d´amitié entre des jeunes du Fouta, en même temps qu´ils entretenaient notre idéal panafricain répondant à cet adage pulaar ”Maayo wonaa keerol” autrement le fleuve n´est pas une frontière.
Arrivé au collège et au lycée de Kaëdi, j’ai continué le même engagement avec l’encadrement des ainés comme Amadou Samba Dembélé, l’honorable Samba Thioyel Ba, Assette Hamadi Sall, Modi Cissé et Moussa Sy dit Binngel leydi et d’autres professeurs comme Ndiaye Amadou Malal, feu Aboubackri Belal BA entre autres et feu Pr Saidou Kane qui venait souvent dans la région dans le cadre de ses missions en tant qu´inspecteur de l´enseignement et de chercheur.
Je peux en résumé dire que j´ai attrappé très tôt le virus politique. Cela m´a valu la prison à l´âge de 18 ans faisant de moi, pour la petite histoire, le premier plus jeune prisonnier politique de Ould Taya en 1986. Cette expérience carcérale sous le régime militaire dur et pur du CMSN n´avait pas entamé mon engagement, ni ma détermination à combattre les injustices flagrantes et inacceptables dans notre pays, au contraire, elle m´a renforcé dans mes convictions. J´ai récidivé aussitôt après ma sortie de prison en 1987 avec d´autres jeunes camarades au lycée de Kaëdi en initiant une grève scolaire pour protester contre l´exécution de nos 3 premiers martyrs le 6 decembre 1987 à Djreïda à savoir les lieutenants Bâ Seydi, Sy Saïdou et Sarr Amadou. J´ai été à nouveau recherché et poursuivi par la police mauritanienne à la veille du déclenchement du mouvement. J´ai été contraint à la clandestinité pendant quelque temps, ensuite à l’exil forcé à partir du 15 decembre 1987. Pour la petite anecdote, la police qui n´a pas pu mettre la main sur moi a arrêté mon oncle feu Abdoul Aziz Dia. Il était mon tuteur et aussi le surveillant général du lycée de Kaèdi. C’était un homme de Dieu très respecté. Il fut détenu et pris en otage pour le seul crime d´être mon oncle. Il a fallu l´intervention de toutes les notabilités religieuses et traditionnelles de la région du Gorgol pour qu´il soit libéré après plus d´une semaine de détention arbitraire. Je voulais me rendre pour qu´il soit libéré mais il avait insisté auprès de ses visiteurs pour me prier de sortir du pays parce qu´il savait le sort peu enviable que m´avait promis l´ancien sanguinaire tortionnaire et directeur de la sureté régionale du Gorgol, le tristement célèbre commissaire baathiste Cheikh Ould El Mamy. Par la grâce de Dieu, j´ai pu échapper à la police et à la gendarmerie et sortir de Kaëdi qui était presque en état de siège non déclaré.
Je rejoins Dakar avec mon ami Dia Alassane Aly dit DIAZ. Nous y trouvons nos camarades exilés qui avaient échappé aux filets du tout puissant ministre de l’intérieur Djibril ould Abdallah, de feu Ely ould mohamed Vall et du tristement célèbre tortionnaire Deddahi. Ensemble, nous avions reconstitué le noyau dur des Flam, alerté l´opinion internationale sur la situation politique en Mauritanie mais surtout sauvé plus tard la vie de certains de nos ainés et dirigeants de l´organisation détenus à Oualata. Grâce à nos contacts et la mobilisation médiatique et des organisations des droits de l´homme, nous avons mis la pression sur le gouvernement mauritanien qui a accepté finalement la visite de nos camarades détenus par des journalistes Abdel Aziz Dahmani de Jeune Afrique et de Babacar Touré de Sud Hebdo et des organisations des droits de l´homme. Nous avions maintenu le flambeau de la résistance jusquà la libération de nos dirigeants détenus et encadré et soutenu les premiers déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali suite aux événements douloureux dits sénégalo-mauritaniens de 1989.
Depuis le 4èmecongrès ordinaire des FLAM, j’ai été propulsé comme responsable du département de la presse de notre mouvement et directeur de publication de notre organe d´informations le FLAMBEAU. Cet activisme débordant auprès de la presse sénégalaise et internationale m´a valu des mises en demeure répétées au Sénégal et
j´ai échappé de justesse à une tentative d’extradition, devenue une expulsion vers un pays tiers en juillet 1999 suite aux pressions diplomatiques du gouvernement mauritanien. Grâce aux Nations-Unies, j´ai obtenu l´asile politique en Suède où j’ai continué mon activisme en tant que responsable de la communication des FLAM et qui m´a amené à créer le premier site internet d´informations d´un mouvement d´opposition mauritanien, en novembre 1999, le site Flamnet parce que nous avions compris très tôt que la dictature prospère sur le silence et la résignation des victimes. Ce site est toujours vivant et le seul des sites mauritaniens qui a survécu à tous nos régimes.
Après le congrès de mutation des Flam en août 2014, le parti FPC, créé à l’occasion, à travers le président Samba Thiam, m´a encore renouvelé sa confiance en tant que responsable de la communication extérieure et son porte-parole. Notre parti, malgré sa non-reconnaissance officielle, reste une force politique reconnue par tous les acteurs politiques grâce à son dynamisme et son ancrage dans notre milieu naturel et surtout auprès de la jeunesse consciente et engagée du pays. Le pouvoir a compris que nous les avons bien compris et que nous sommes incorruptibles. C’est pourquoi, il tente par tous les moyens d’empêcher notre expression dans l´espace public par la diabolisation et le refus de reconnaissance officielle alors que nous avons rempli toutes les conditions légales requises. Cela ne nous surprend guère, c´est la triste réalité de la Mauritanie. Le système tente désespérément de se choisir des acteurs officiels qui lui sont accommodants.

L’affiche visuelle d’un film suédois consacré à sa vie de militant



● Question 3 : quelle analyse faites-vous de la situation politique et sociale de la Mauritanie aujourd’hui ? Et également concernant l’approche de positionnement de la Coalition Antis-Système à laquelle appartient votre parti les Forces Progressistes pour le Changement (les FPC toujours non reconnues par les autorités) par rapport au dialogue en gestation du côté du régime en place?

KT : La situation politique du pays est toujours dans le statu quo, une impasse totale. On assiste à une radicalisation du Système dans ses orientations politiques et idéologiques, à une arabisation à outrance du pays avec la montée des courants chauvins et ethnofascistes, à une exclusion systématique des composantes noires des postes de décision ainsi que du commandement administratif et des forces armées, au contrôle exclusif de l´économie et des banques par une seule composante nationale, à des expropriations et des spoliations des terres de cultures de la vallée au profit de la bourgoisie compraodore au pouvoir. Pour courronner le tout, on transforme des Mauritaniens de souche en apatrides et des sans-papiers dans leur propre pays par le biais d’un enrôlement inisdieusement discriminatoire. Face à cet imbgroglio politique inquiétant, il fallait unir les véritables forces progressistes, démocratiques et patriotiques autour du changement. La coalition antisystème est une dynamique unitaire à saluer et à renforcer. Elle a permis d´unir l’essentiel des forces progressistes qui mettent en avant la résolution de la question nationale et sociale. Tous ont compris que la lutte en ordre dispersé contre l´ennemi commun n´a pas d´autre effet que la défaite pour tous et les dernières élections l´ont bien confirmé. Au niveau des FPC, depuis notre retour d´exil notre combat a toujours été d´unir toutes les forces démocratiques et progressistes autour de l´essentiel, de trouver un cadre de concertation et de lutte pour faire entendre notre voix. Malgré les quelques petites réticences et reserves par-ci, par là nous avons été persévérants et c´est dans ce sens qu´il faut comprendre et situer la position responsable et courageuse du président Samba Thiam, c´est une conviction et non un calcul politicien. Nous devons maintenir cette coalition dans la perspective des futures échéances électorales tout en gardant la liberté d´action et d´indépendance d´esprit des partis et associations membres de la Coalition.
Quant à votre question sur le dialogue, notre position de principe depuis l´appel du ”Manifeste du négro-mauritanien opprimé” de 1986 est que les problèmes mauritaniens doivent être posés par des mauritaniens, discutés entre mauritaniens et solutionnés par des mauritaniens autour de ce que nous appelions à l´époque un débat national. Vous connaissez la réponse du pouvoir de l’époque à cet appel au dialogue. Nous sommes des africains éduqués aux vertus de l’arbre à palabres mais nous ne souhaitons pas que ce dialogue soit un enième dialogue sans effets tangibles. Il faut avoir le courage de poser les véritables questions qui minent le vivre ensemble à savoir l’épineuse question nationale et sociale que certains appellent question de l’unité nationale. Je pense aussi que l´Opposition démocratique a intérêt, pour éviter des manipulations, a aller groupée au dialogue si elle obtient bien sûr des garanties sérieuses et crédibles sinon rien ne l’y oblige. Par ailleurs j’ai vu sur l’exposé de la feuille de route la question du « passif humanitaire » mais ici on confond entre l’effet et la conséquence. Les tueries ou le génocide que certains par pudeur ou peur appellent le passif humanitaire est une suite logique d’une politique chauvine et raciste qu’il faut nommer, dénoncer et combattre pour une Mauritanie plus juste et réconciliée.

● Question 4 : Ces derniers mois les pouvoirs publics de notre pays mènent une campagne de refoulements contre des étrangers dits “illégaux” que d’aucuns qualifient de chasse aux subsahariens, quelle lecture faites-vous de cette problématique ? Et également concernant les nationaux non enrôlés qui subissent des harcèlements policiers régulièrement relevés…

KT : L´expulsion des étrangers en Mauritanie n´est que la partie immergée, invisible du problème pour ne pas dire la face cachée de l’iceberg, elle répond à une logique chauvine, raciste, xénéphobe du Système. Fortement impressionnés par le courant panarabiste chauvin ils inventent la théorie de « mouhadjirines » en Mauritanie. Ils considèrent les négro-mauritaniens comme des « immigrés » ouest-africains venus envahir la Mauritanie avec le colonisateur francais donc tout bonnement la Mauritanie serait la seconde patrie arabe occupée par des noirs, en comparaion avec la Palestine. Il y a toujours cette propagande très ancrée dans le cercle du pouvoir à savoir le « péril nègre ». Ce qui expliquait en partie les déportations massives des Noirs en 1989 et l´épuration ethnique au sein de l’armée en 1990/1991. Pour les partisans de l’arabité, la présence des subsahariens constitue une menace pour l’arabité exclusive du pays et renforcera le poids démographique des composantes négro-africaines. Voilà les fondements politico-idéologiques de cette orientation xénéphobe et raciste de nos autorités et qui explique ces expulsions mais aussi l’enrôlement qui veut réduire les négro-mauritaniens en sans papiers, apatrides dans leur propre pays. On quitte du génocide physique pour un génocide biométrique moins visible auprès de l’opinion internationale.


● Question 5 : sur la problématique de l’esclavage en Mauritanie, depuis l’Ordonnance n° 81-234 du 9 novembre 1981 portant sur son abolition, d’autres initiatives législatives ont été prises mais le phénomène et ses manifestations restent périodiquement d’actualité, quels seraient selon vous des écueils à sa véritable éradication ?

KT : Il est étonnant qu’à l’orée du 21ème siècle, il se trouve des esprits encore imbus de la culture et de l’éducation esclavagistes pour considérer le profil et les compétences des citoyens à l’aune de leur prétendue ascendance! Il est encore plus inquiétant que l’Etat et ses démembrements laissent prospérer ces considérations déshumanisantes pour s’en prendre plutôt aux abolitionnistes, défenseurs de la dignité humaine et des valeurs républicaines. Pire encore, ils versent dans l´apologie de la supériorité raciale dans un État qui se dit islamique, une religion qui prône l’égalité de tous les citoyens. Le prophète Muhammad (Paix sur lui) disait dans son sermon d’adieu: « Toute l’humanité descend d’Adam et Eve. Un Arabe n’est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe n’est pas supérieur à un Arabe. Un Blanc n’est pas supérieur à un Noir et un Noir n’est pas supérieur à un Blanc – si ce n’est par la piété et la bonne action ». Les obscurantistes n’en ont cure. Les écueils sont d’ordre sociétal pour ne pas dire sociologique. Nous devons commencer par combattre cette mentalité par l’éducation et surtout par l’indépendance mentale, l’épanouissement économique de ces damnés de la république mais surtout une volonté politique de nos dirigeants pour éradiquer définitivement ces tares sociétales fondées sur l’injustice. Comme je le dis souvent, aucune injustice n’est plus acceptable qu’une autre. C’est une conviction personnelle et principielle, je ne peux me permettre ce que je refuse aux autres. J’ai écrit et composé des poèmes depuis belle lurette pour dénoncer ces injustices sociales. Je suis un bon croyant et humaniste et notre Saint Coran nous dit « le plus noble d’entre vous auprès d’Allah, est le plus pieux ».

● Question 6 : notre sous-région a connu divers bouleversements géopolitiques ces dernières années, par exemple la création de la fédération des États de l’AES (Burkina Faso, Mali et Niger) sous un certain militarisme des espaces politiques, quel commentaire pouvez-vous faire sur situation ?

KT : A quelques exceptions près, tout régime militaire est de nature dictatoriale, un régime d´exception et de privations des libertés. Qui est mieux placé que nous les mauritaniens pour le confirmer? N´est-ce pas Sankara qui nous disait « un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance ». Ce qui se passe actuellement sous nos yeux dans les pays de l´AES est inacceptable et inadmissible. Cette fédération n´est en fait qu´une conglomération des petits putschistes et dictateurs, assoiffés du pouvoir et du sang, qui sous le pretexte de lutter contre le terrorisme, veulent reduire le peuple et les forces politiques au silence. Nous l´avons vu avec la répression sanglante qui frappe toutes les voix dissidentes au Burkina, la dissolution des forces politiques au Mali et l´intronisation de la présidence à vie du putschiste de Niamey.

● Question 7 : l’extrémisme violent secoue régulièrement certaines zones de la sous-région également, et d’imprudents raccourcis font des amalgames entre les terroristes et des populations peules avec un lot des sinistres bavures par endroits, quelle analyse faites-vous de cette complexe et lourde réalité ?

KT : Ce qui se passe dans certains pays de la sous région est vraiment triste. Le combat de ces prétendus moudjahidines n´a rien à avoir avec notre sainte religion, qui est une réligion de paix et de tolérance. Nous, au niveau des FPC, considérons ces évènements graves autour de ces illuminés, qui n´ont été mandatés par aucune communauté, comme une menace sérieuse pour toute la sous région, un danger auquel il faut faire face avec fermeté certes, mais aussi avec beaucoup de discernement.
Cet amalgame entretenu entre populations peules et groupes terroristes est grave et nous assistons à une épuration ethnique qui ne dit pas son nom dans certains pays où des populations civiles innocentes, enfants, femmes et vieillards sont massacrés par des forces armées qui devaient assurer leur sécurité, assistées par leurs supplétifs, des milices civiles armées. C´est barbare et un génocide si on se réfère à la définition du génocide par la convention internationale des droits humains. Ce qui est encore plus abérrant c’est qu´on voit certaines personnalités qui se disent panafricanistes entretenir ce discours odieux, je pense exactement à Nathalie Yamb et ses ”talibans”petits panafricons, qui sans nuance, versent dans cette loghorée haineuse et irresponsable.
L´éminent professeur sénégalais, historien et militant de la gauche Abdoulaye Bathily avait pourtant attiré l´attention en 2014 d´un probable génocide des peuls et l´histoire lui donne raison si on voit ce qui se passe dans ces trois pays de l´AES. Dans cette région. nous sommes tous des peuples metissés et nous devons par amour à notre chère afrique nous mefier des discours ethnocentriques et irrédentistes qui peuvent brûler tous nos Etats. Ne jouons pas avec le feu, vu la sensibilité de cette question et la fragilité de nos États. Pour finir je pense sérieusement qu’on ne réglera pas ce problème en se contentant seulement de combattre ces terroristes. Il faudra aller au-delà, mesurer l’impact de ce discours d’intolérance, fanatique, et en déterminer les causes profondes. Ce terrorisme aveugle, à vocation apocalyptique, prospère sur le lit des frustrations et des misères des populations vulnérables parce que sous-éduquées et/ou laissées pour compte par nos gouvernants.

• Réalisé par KS pour le BLOG

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec le député M. Tombé Amara Camara

Notre Blog vous propose l’interview ci-dessus accordée par l’honorable député du département de Ould Yengé (Guidimagha). Il s’agit de M. Tombé Amara CAMARA élu lors des dernières législatives (mai 2023) sous les couleurs du parti Udp (encarté dans la majorité présidentielle). Il a répondu aux questions de notre questionnaire d’interview soumis le 10 mai 2025 et nous lui adressons nos chaleureux remerciements pour la disponibilité manifestée. Bonne lecture !

● Question 1 : Bonjour l’honorable député M. CAMARA Tombé, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel)

Tombé Amara CAMARA : Je m’appelle Tombé Amara Camara. Mon parcours éducatif est le reflet d’un double enracinement : celui de l’enseignement traditionnel reçu dans les Mahadras, et celui de l’enseignement moderne, que j’ai suivi tout au long de mon cheminement universitaire. J’ai entamé mes études supérieures en Mauritanie, avant de les poursuivre au Sénégal, puis dans d’autres pays africains. Soucieux de rester toujours à jour dans un monde en constante évolution, je continue aujourd’hui à me former à travers des programmes universitaires en ligne proposés par de grandes institutions internationales.

Ce parcours traduit mon profond attachement à nos valeurs culturelles et religieuses, tout en affirmant une ouverture assumée sur le monde, le savoir universel et la modernité.

Sur le plan professionnel, j’ai débuté ma carrière au Sénégal en tant que comptable dans une entreprise de BTP. De retour en Mauritanie, j’ai travaillé pendant cinq ans dans un cabinet d’expertise comptable et fiscale. Parallèlement à ces fonctions, j’ai également assuré des cours dans plusieurs universités mauritaniennes, avec la volonté de transmettre et de contribuer à la formation des jeunes générations.

Suite à mon élection en tant que député, j’ai choisi de me consacrer pleinement à l’exercice de mon mandat parlementaire, fidèle à mes engagements, à l’écoute de mes concitoyens, et animé par le sens du devoir et du service public.

● Question 2 : vous êtes député du département de Ould Yengé, pouvez-vous nous présenter globalement cette circonscription électorale ?

TAC : Le département de Ould Yengé, situé dans la région du Guidimakha, est une circonscription essentielle de notre nation. Il regroupe sept communes : Ould Yengé, Bouly, Bouanze, Lahraj, Tektake, Dafort et Aweiynatt, et compte une population estimée à près de 100 000 habitants. Par sa taille, il se positionne comme le deuxième département de la région, après celui de Khabou.

Ce territoire est riche de sa diversité culturelle et ethnique. Il abrite une population majoritairement soninké, aux côtés de communautés maures — blanches et noires — ainsi que peules. Cette mosaïque humaine témoigne de l’unité dans la diversité qui caractérise notre pays.

Cependant, force est de constater que le département de Ould Yengé, au même titre que celui de Mbout, figure malheureusement parmi les zones désignées par les autorités nationales comme faisant partie du « triangle de la pauvreté ». Cette classification, loin d’être une fatalité, doit nous interpeller et nous engager collectivement à mettre en œuvre des politiques de développement ciblées, solidaires et durables, afin de sortir cette région de la précarité et de garantir à ses habitants les conditions d’une vie digne, équitable et prospère.

● Question 3 : après 2 ans de mandat au sein du parlement, quelle expérience d’étape tirez-vous de cet exercice citoyen et politique ?

TAC : Exercer un mandat de député dans notre pays est un acte de foi républicaine. C’est accepter de représenter le peuple dans toute sa diversité, tout en assumant la complexité d’un rôle souvent méconnu. Dans notre système institutionnel, le député n’est ni un exécutant local, ni un maître d’ouvrage, mais un acteur central de la vie démocratique chargé de voter les lois, de contrôler l’action du gouvernement, et de porter la voix des citoyens au cœur de l’État.

Pourtant, sur le terrain, la réalité est toute autre. Les populations, dans leur soif légitime de progrès, attendent de nous des réalisations concrètes : routes, écoles, infrastructures, emplois. Elles confondent souvent notre mission avec celle des exécutifs locaux. Et cela est compréhensible, car l’État central, parfois défaillant, pousse les citoyens à se tourner vers leurs représentants les plus proches, en quête de solutions immédiates.

Dans ce contexte, ma responsabilité est double : répondre aux attentes de mes électeurs à travers un plaidoyer constant auprès des institutions, tout en assumant pleinement ma mission législative. Il ne suffit pas de voter des lois : il faut s’assurer qu’elles répondent aux réalités du terrain, qu’elles traduisent les besoins des populations oubliées, comme celles de mon département.

Je suis conscient que je serai jugé non seulement sur ma capacité à faire entendre la voix de mon peuple, mais aussi sur mon engagement à servir et non à me servir. C’est un choix éthique, un cap moral, et une ligne de conduite politique.

Mon combat, aujourd’hui, est aussi celui de la pédagogie républicaine : faire comprendre que le député n’est pas un gestionnaire de budgets communaux ou régionaux, mais un garant du lien entre le peuple et la loi. Il est urgent de renforcer la conscience citoyenne autour de nos institutions. Car une démocratie solide repose sur une compréhension claire des rôles de chacun.

Je resterai, jusqu’au dernier jour de mon mandat, fidèle à cette vision : un député utile, présent, engagé, au service du peuple, et fidèle à l’esprit de la République.


● Question 4 : Ces derniers mois les pouvoirs publics de notre pays mènent une campagne de refoulements contre des étrangers dits “illégaux” que d’aucuns qualifient de chasse aux subsahariens, quelle lecture faites-vous de cette problématique ? Et également concernant les nationaux non enrôlés qui subissent des harcèlements policiers dit-on…

TAC : En tant que député et membre actif du groupe parlementaire chargé de la question migratoire, j’ai participé récemment à une mission de terrain dans les centres de rétention accueillant les migrants en situation irrégulière, avant leur retour vers leurs pays d’origine. Cette visite, conduite dans un esprit de responsabilité et de respect de la dignité humaine, nous a permis d’échanger directement avec les autorités compétentes ainsi qu’avec les migrants eux-mêmes.

Je tiens à le dire avec clarté et fermeté : aucune anomalie, ni traitement injuste ou arbitraire n’a été constaté. Les procédures sont encadrées par la loi, appliquées avec discernement, et respectueuses des engagements internationaux de notre pays.

La Mauritanie est un État souverain, hospitalier, mais organisé. Elle a le droit – comme toute nation – de réguler l’entrée et le séjour sur son territoire. Les mesures de reconduite concernent exclusivement les personnes en situation irrégulière, sans distinction d’origine, de couleur ou de nationalité. Il n’y a pas – et il n’y aura jamais – de chasse ciblée contre une communauté en particulier. Parler de chasse aux Subsahariens est une contre-vérité dangereuse qui ne sert ni la vérité ni la stabilité sociale.

Sur la question de l’enrôlement, je salue les efforts de l’État qui, en 2023, a déployé plusieurs commissions d’enrôlement dans différentes régions, permettant à un grand nombre de citoyens d’obtenir leurs pièces d’identité. Néanmoins, nous avons conscience que des insuffisances ont été relevées, et que certains de nos concitoyens n’ont pas encore pu accéder à ce droit fondamental.

C’est pourquoi, au sein de notre groupe parlementaire, nous avons engagé un plaidoyer ferme et constant pour la réouverture des opérations d’enrôlement. L’accès à l’identité légale est un droit constitutionnel ; il ne saurait être compromis. Chaque citoyen doit pouvoir se faire identifier dignement et sans entrave.

Notre engagement est clair : défendre la souveraineté de l’État, préserver la cohésion sociale, garantir le respect des droits, et promouvoir un dialogue constructif autour des questions sensibles. La sécurité, la dignité et la justice ne sont pas opposées. Elles sont les fondements mêmes de la République.

● Question 5 : le phénomène migratoire est une problématique (notamment les départs massifs et périlleux via des embarcations vers l’Europe) qui touche particulièrement la communauté soninké, avez-vous quelques pistes de réflexion à l’endroit de la population concernée et des décideurs étatiques ?

TAC : La question de l’émigration clandestine, notamment celle de nos jeunes qui prennent la mer au péril de leur vie, interpelle notre conscience collective. Ce phénomène ne peut être réduit à un simple manque d’opportunités : il est devenu le reflet d’un malaise plus profond, d’une crise de repères et d’une influence culturelle déformée, véhiculée massivement par les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, nous assistons à une transformation des motivations migratoires. Là où nos aînés quittaient leur terre pour nourrir leurs familles et répondre à des besoins vitaux, nombre de nos jeunes partent désormais, non par nécessité, mais séduits par l’illusion d’une vie de luxe et d’ostentation. Cette nouvelle forme d’exil ne repose plus sur la survie, mais sur le rêve d’un confort matérialiste, souvent inaccessible et artificiel.

Cette réalité nous oblige, en tant que responsables politiques, à agir avec lucidité et détermination. Il est de notre devoir de restaurer la confiance des jeunes dans leur propre pays, de leur montrer qu’il est possible de réussir ici, chez soi, avec dignité, travail et engagement. La réussite ne se mesure pas uniquement en termes de richesse, mais dans la contribution à sa communauté, dans le savoir-vivre et dans l’utilité sociale.

L’État doit assumer pleinement son rôle en créant un environnement propice à l’emploi, à l’éducation et à l’entrepreneuriat. La société civile, les familles, les leaders communautaires et religieux doivent aussi se mobiliser pour accompagner cette prise de conscience.

Nous ne pouvons rester indifférents face à la tragédie silencieuse qui se déroule sous nos yeux. Plus de 500 jeunes ont disparu en mer ces dernières années. Ces jeunes avaient des rêves, des talents, un avenir. Ils représentaient l’espoir de toute une génération. Leur perte est une blessure profonde pour notre pays.

Il est temps de bâtir une alternative crédible à l’exil. Une alternative fondée sur la justice sociale, l’équité territoriale et la promotion de nos valeurs. Car le véritable développement ne viendra pas d’ailleurs. Il viendra de nous.

● Question 6 : La communauté soninké est traversée par une crise sociale latente liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance », quelles seraient selon vous, des pistes de réflexion nécessaires pour gérer et dépasser les frictions qui en découlent régulièrement dans nos localités ?

TAC : Sortir de la crise liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance » n’est pas seulement un impératif moral : c’est un devoir politique majeur pour toute nation qui se veut juste, unie et résolument tournée vers l’avenir. Face à une pratique d’un autre âge, profondément attentatoire à la dignité humaine et incompatible avec les valeurs républicaines, notre engagement doit être total, sans ambiguïté ni compromis. Il est temps que l’État assume pleinement ses responsabilités, en affirmant son autorité, en protégeant les citoyens victimes de discriminations sociales héritées, et en sanctionnant fermement toute forme de régression coutumière ou communautaire contraire aux droits fondamentaux.

Nous appelons à une mobilisation nationale, structurée autour d’un cap clair : consolider l’unité nationale par l’égalité réelle entre les citoyens, quel que soit leur statut ou leur origine. Cela passe par le renforcement de l’État de droit, l’éducation des consciences, le soutien aux acteurs de la paix sociale, et la mise en œuvre de politiques de développement inclusives et équitables.

Il ne s’agit plus de tolérer le statu quo. Il s’agit d’agir, avec détermination, pour mettre fin à une injustice qui mine le tissu social et freine notre marche collective vers une société moderne, démocratique et souveraine. L’histoire nous regarde. Et la République doit répondre.

Le 12 juin 2025


● Réalisé par KS pour le BLOG

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec l’entrepreneure et fondatrice de l’ONG Sah’Elles, Mme COULIBALY Mariam.

La rubrique Le Grand Entretien du BLOG publie l’interview de Madame Coulibaly Mariam. L’entrepreneure et fondatrice de l’ONG Sah’Elles répond à nos questions ci-après. Nos vifs remerciements à elle pour la disponibilité.

● Question 1 : Bonjour madame Coulibaly Mariam, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Mariam Coulibaly : Bonjour, je vous remercie pour cette invitation.
Je suis Coulibaly Mariam. J’ai eu la chance de faire mes études en France, où j’ai poursuivi un parcours académique atypique mais enrichissant. Après plusieurs expériences professionnelles, j’ai décidé de me réorienter vers l’entrepreneuriat, un domaine qui me passionne profondément.
Dans cette perspective, j’ai repris une formation professionnalisante et obtenu un Diplôme Universitaire en Entreprises, un cursus équivalent à un niveau cadre, qui m’a permis de consolider mes compétences en gestion, en leadership et en stratégie entrepreneuriale.

Aujourd’hui, je mets cette double expertise académique et entrepreneuriale au service de projets porteurs de sens, notamment en faveur du leadership féminin en Afrique. Mon engagement est d’accompagner les femmes à prendre leur place, à révéler leur potentiel et à devenir des actrices du changement dans leurs communautés.

● Question 2 : il y a quelques semaines, notre Blog a repris et diffusé un document de presse concernant l’ONG Sah’Elles que vous avez fondée, voir https://ecrit-ose.blog/2025/05/03/%e2%97%8f-note-de-presentation-de-long-sahelles-une-vision-puissante-pour-le-sahel/, pouvez-vous nous la présenter sommairement (sa genèse, ses objectifs, son actualité, ses partenariats et ses perspectives) ?

MC :  Merci beaucoup pour cette mise en lumière et pour l’intérêt que vous portez à Sah’Elles. Sah’Elles est une ONG que j’ai fondée avec la volonté de contribuer activement à la transformation sociale du Sahel en plaçant les femmes au cœur du changement. L’idée est née d’un constat personnel et partagé : malgré leur potentiel immense, les femmes de la région sahélienne restent encore trop souvent en marge des dynamiques de développement. C’est ce qui m’a poussée à créer une structure capable de les accompagner, de les former et de valoriser leurs initiatives.

L’ONG Sah’Elles œuvre principalement pour le leadership féminin, l’autonomisation économique des femmes et la valorisation des savoir-faire locaux. Nos actions se déclinent à travers des formations, des accompagnements personnalisés, des événements communautaires (communautés des femmes leaders), mais aussi des plaidoyers en faveur des droits des femmes et de l’équité sociale.

Nous intervenons actuellement dans plusieurs pays du Sahel, notamment le Mali, le Sénégal, la Mauritanie et la Guinée. Sah’Elles collabore avec différents partenaires institutionnels privés et  associatifs  qui partagent notre vision d’un Sahel plus inclusif, plus résilient et porté par ses femmes.
Parmi nos actualités récentes, j’ai effectué un déplacement au mois d’avril 2025 à Bamako et à Nouakchott pour la rencontre des femmes leadership, la société civile et les associations.
Cette visite de terrain m’a permise d’écrire un guide sur le leadership féminin en Afrique sahélienne, à destination des jeunes femmes engagées dans leur projet entrepreneurial qui sortira sous peu inchallah.
Nous développons également des partenariats avec des acteurs locaux et internationaux pour étendre notre impact sur le terrain. Quant à nos perspectives, elles sont claires : renforcer notre présence dans la sous-région, multiplier les synergies et accompagner toujours plus de femmes dans leur parcours d’émancipation et de leadership.

● Question 3 : ne craignez-vous pas que votre initiative Sah’Elles puisse être perçue comme un activisme féministe à tendance clivante auprès des populations cibles?

MC : C’est une question légitime, et je vous remercie de la poser. Non, je ne crains pas que l’initiative Sah’Elles soit perçue comme un activisme féministe clivant, car dès sa création, nous avons fait le choix d’un féminisme enraciné dans le contexte sahélien, respectueux des réalités culturelles, sociales et religieuses des femmes avec lesquelles nous travaillons.

Sah’Elles ne cherche pas à opposer les femmes aux hommes, ni à importer des modèles extérieurs qui pourraient être mal compris. Notre démarche repose au contraire sur le dialogue, l’inclusion et la co-construction. Nous travaillons avec les ONG locales, en impliquant aussi bien les femmes que les hommes, les leaders traditionnels, les jeunes, les associations et les décideurs.

Notre objectif n’est pas de créer une rupture, mais d’ouvrir des espaces d’opportunité pour les femmes, de renforcer leurs capacités, et de valoriser leur rôle essentiel dans le développement du Sahel. Il s’agit de permettre à chacune d’entre elles de trouver sa place, de faire entendre sa voix et de contribuer pleinement au progrès collectif.

En résumé, Sah’Elles porte un féminisme de terrain, humaniste de cœur et pragmatique d’actions, qui rassemble au lieu de diviser.

● Question 4 : La communauté soninké est diversement traversée par une crise sociale latente liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance », quelles recommandations pourriez-vous émettre à l’endroit de la communauté pour régler les frictions sociales liées à certaines mentalités ?

MC : Effectivement, la question de « l’esclavage par ascendance » dans certaines communautés, y compris chez les Soninké, est une réalité complexe, douloureuse, et souvent tue, mais qui mérite d’être abordée avec lucidité et courage. En tant qu’actrice engagée pour la justice sociale et l’égalité des chances, je crois profondément que toute communauté a la capacité de se remettre en question, d’évoluer, de guérir et de soigner collectivement le passé. Cette crise sociale et sociétale n’est pas simplement une affaire d’individus, mais une question de valeurs, de dignité humaine et de vivre-ensemble.

Pour ma part, voici quelques recommandations pour en ce qui concerne cette sociale et sociétale:

1. Encourager une justice étatique équitable.
Il faut aussi privilégier les mécanismes traditionnels de règlement de conflits, pour qu’ils soient en cohérence avec les lois nationales et les conventions universelles des droits humains.
LA DIGNITÉ HUMAINE NE SE NÉGOCIE PAS…

2. Travailler avec les femmes comme vectrices de transformation sociale et éducative :
Elles ont un rôle central dans la transmission des valeurs et dans la pacification des tensions. En leur donnant la parole, on accélère les prises de conscience.

En somme, il ne s’agit pas d’accuser ou de pointer du doigt, mais plutôt de privilégier la justice, l’égalité et la cohésion sociale. Le changement est fort possible, mais il viendra des hommes et des femmes qui composent la société. Si il est  accompagné avec bienveillance, respect et conviction.

Je vous remercie…

Mariam COULIBALY
Entrepreneur à Paris
Présidente de l’ONG Sah’Elles en France.

Le 3 mai 2025

● Réalisé par KS pour le BLOG

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec le président de l’association NGC, M. Boubacar DIAKITE

Le GEB ( Grand Entretien du BLOG) vous revient cette semaine avec une interview accordée par une figure consciencieuse du milieu associatif mauritanien en France. En la personne de M. Boubacar DIAKITE, ancien cadre de l’association l’EED et président fondateur de l’association Nouvelle Génération de Coumbandao (NGC). Il nous a brossé ses vues sur différentes thématiques ouvertes par nos questions. Nos vifs remerciements à son endroit pour la disponibilité et lui souhaitons une fructueuse continuation dans ses projets. Ci-après l’entretien :

● Question 1 : Bonjour monsieur DIAKITE Boubacar, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel)

Boubacar DIAKITE : J’ai intégré l’école de Coumba Ndao quand j’avais 7 ans.
Je suis en scolarité primaire jusqu’à la sixième année. J’ai passé l’examen d’entrée au collège en 1998. J’ai obtenu la deuxième position au niveau de toute la Mauritanie avec une moyenne de 145 sur 150 points.

J’ai commencé mes études au collège à Sélibaby également en 1998. Jusqu’à ma quatrième année, j’ai séjourné à Nouakchott en 2002. Commencer mes études dans le lycée national, puis poursuivre à Diokhmadiya. J’ai passé le baccalauréat en 2007, mais je ne l’ai pas réussi.

Peu après l’échec de mon baccalauréat, je me suis lancé dans une aventure en Espagne en 2007. Arrivé en Espagne, je me suis inscrit à l’Université d’Almería, dans le département de français, pour suivre des cours en diplomatie internationale. Présent en France depuis 2009, je poursuis un CAP au sein de l’établissement sanitaire et social. J’ai axé ma spécialisation sur le développement durable. Je suis présentement gestionnaire de résidence au sein d’un organisme HLM. Président fondateur de l’ONG NGC.

● Question 2 : vous avez été remarqué avec l’équipe de l’association l’EED (Ensemble pour l’Espoir et le Développement) par le passé, aujourd’hui vous dirigez l’association NGC (Nouvelle Génération de Coumba Ndao), que pouvez-vous nous dire sur son expérience d’acteur associatif ?

BD : Effectivement, c’est en 2016, aux premières heures de L’eed, que j’ai rencontré Waly Diawara, le président fondateur dont vous avez sûrement entendu parler. J’ai déjà occupé le poste de président de l’association NGC, que je préside actuellement. Il m’a persuadé de participer au projet communautaire pour tout le Guidimagha, donc je suis très impliqué dans le développement de cette région. Le projet m’a captivé, je me suis investi pleinement. J’ai occupé le rôle de porte-parole et de président du pôle international jusqu’en 2020, année où j’ai remis ma démission.
Le concept était bon, mais hélas, c’est la gestion finale qui posait des difficultés. Je dirais néanmoins que c’était une expérience enrichissante. Malgré la brièveté de mon séjour au sein de l’eed, nous avons réussi à être bénéfiques pour la communauté en général.

● Question 3 : pouvez-vous nous présenter l’association Nouvelle Génération de Coumba Ndao (NGC) et ses activités phares ?

BD : Notre association NGC (nouvelle génération de Coumba Ndao) créée le 06/09/20210 a pour ambition d’œuvrer activement dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’environnement etc. il a pour but de rapprocher les jeunes de Coumba Ndao, afin de travailler ensemble pour récolter des fonds et participer au développement du village. C’est-à-dire, contribuer à fournir des matériels agricoles, scolaires, sanitaires et favoriser l’aide au développement sur le plan culturel, sportif, économique et éducatif de Coumba Ndao.
Durant ces derniers mois, nos différentes actions ont permis de mesurer l’importance de notre présence au sein de la commune Diogountouro (Mauritanie) comme l’aide médiale YONKI (LA VIE) à Coumba Ndao.
Depuis le 3 octobre 2022 nous avons donné une carte santé à 100 personnes les plus vulnérables dans le village de Coumba N’dao (Mauritanie), leurs frais de santé sont désormais pris en charges à 100% par L’ANGC, 38 personnes en situations de handicap 62 personnes, hommes et femmes seul (es) sans aucune ressource. La prise en charges des frais d’accouchements de toutes les femmes dudit village qui a rencontré un vif succès.
Dans la suite de notre projet « YONKI » (la vie) nous avons souhaité mettre en avant la prévention et la sensibilisation de la population afin d’adopter les bons comportements pour minimiser certains problèmes de santé courants.
Du 26 au 29 décembre 2024, nous avons tenu une caravane médicale qui nous a permis de consulter 1457 personnes.
En 2025, une machine d’échographie a été mise en place, accompagnée de l’électrification du poste de santé.
Un réservoir d’eau a été consolidé afin de garantir un approvisionnement constant en eau pour le village. Des poteaux solaires ont été mis en place à des endroits clés du village.
Ces réalisations font partie du projet Yonki mené par l’ONG NGC.

● Question 4 : le phénomène migratoire est une problématique (notamment les départs massifs et périlleux via des embarcations vers l’Europe) qui touche particulièrement la communauté soninké, avez-vous quelques pistes de réflexion à l’endroit de la population concernée et des décideurs étatiques ?

BD : Nous devons porter une attention spéciale à la question de l’immigration, notamment celle qui est illégale, qui constitue un véritable fléau. Surtout nous, les immigrants, avons notre part de responsabilité : non seulement nous sponsorisons leur départ, mais en même temps nous ne révélons pas la vraie nature de ce que nous vivons ici.
Récemment, le Guidimakha traverse une période de deuil à la suite du décès d’un grand nombre de ses membres. En ma qualité d’acteur de la société civile, j’avais suggéré au député de la diaspora de s’occuper d’une salle pour organiser une conférence dédiée à la sensibilisation, hélas.

Par exemple, en France : Selon la loi, un immigrant sans papiers (clandestin) n’a pas le droit de demeurer sur le sol français.
Cependant, il peut être trouvé en format cachette en France. Si jamais il a la possibilité de rester ici quelques années, il lui faudra entre 5 et 10 ans pour obtenir une carte de résident.

Nous parlons d’adultes, donc de ceux qui arrivent en France, et qui sont souvent âgés de plus de 30 ans. Que fais-tu dans les dix ans précédant ton arrivée ? Dix années gaspillées.
Et c’est à l’âge de 40 ans que tu vas entamer ta carrière professionnelle.
Il est indéniable que beaucoup n’ont jamais vécu de circonstances similaires, c’est pourquoi il serait erroné de blâmer l’immigration. Cependant, je reste convaincu que l’immigration ne représente pas une solution viable ! Il s’agit plutôt de l’immigration illégale, tentant de traverser la mer pour rejoindre l’Europe à tout prix en espérant trouver une existence plus favorable que celle que tu as déjà connue. Cela est souvent loin d’être le cas.
En Afrique, certains continuent d’ignorer que l’Europe n’est plus le paradis qu’elle était. Ils voient leurs proches, frères, sœurs, cousins, etc., arriver avec de l’argent, bien habillés et propres, menant une vie qui semble enviable. Cependant, ils ne partagent pas les défis et les souffrances qu’ils ont traversés pour parvenir à cette existence « belle ».
Combattre l’immigration illégale, il ne suffit pas de parvenir à des accords entre pays ou entre institution et entité, etc. On doit d’abord s’attaquer à la source. Il faut d’abord comprendre pourquoi ces personnes mettent leur vie en péril. En dépit de nombreux décès, cela n’a pas découragé les potentiels candidats. Il y a un souci.

L’éducation devrait être la priorité dans les pays d’origine. Il est indispensable que les écoles soient systématiquement accompagnées de centres de formation pour offrir aux jeunes une perspective et leur faire prendre conscience qu’ils peuvent réussir sur place. Tant qu’il n’y a pas d’espoir ni d’aventure pour la jeunesse. Ils n’ont d’autre choix que de recourir à l’immigration pour aspirer à une vie meilleure qui n’est cependant pas de tout repos.

En ce qui concerne l’aspect économique, un investissement conjoint de la diaspora dans les zones où l’immigration clandestine est la plus probable serait bénéfique. La contribution de la diaspora est considérable si celle-ci se rassemble pour des initiatives communes en vue de créer des postes de travail dans les villages eux-mêmes En matière de placement dans l’agriculture, il est nécessaire d’utiliser des équipements appropriés. L’automatisation de l’agriculture pour créer des emplois respectables et améliorer les conditions de vie. Nous avons une obligation de transparence et de vérité envers nous-mêmes et envers autrui en révélant la réalité. Je me demande, est-ce que ça vaut vraiment le coup de mettre sa vie en péril dans la mer pour se retrouver à galérer encore plus en Europe ? La réponse est non.

Voyagez lorsque c’est nécessaire, explorez le monde, mais pas en cachette.
NON À L’IMMIGRATION ILLÉGALE PAR VOIE MARITIME. J’ai écrit un récit donc le titre «Trajectoire d’un immigrant en situation irrégulière».

● Question 5 : La communauté soninké est traversée par une crise sociale latente liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance », quelles seraient selon vous, des pistes de réflexion nécessaires pour gérer et dépasser les frictions qui peuvent en découler ?

BD : Selon eux, l’esclavage héréditaire au sein de la communauté Soninké était une mesure instituée pour assurer une gouvernance efficace de leur communauté à cette époque.
Qui n’était pas lié à l’esclavage, conformément aux préceptes de l’Islam. Le temps a changé, les consciences se sont éveillées. Ce système de gouvernance s’est transformé en un moyen de classification sociale, communément appelé classes sociales, qui peuvent être assimilées à des castes, supérieures et inférieures.
Il est impératif que chaque individu ne se considère ni inférieur, ni supérieur à autrui. Il faut surtout préciser que nous connaissons les textes sacrés, nous croyons en eux et nous les mettons en pratique, puisque nous faisons références à ces textes. Jusqu’à l’émergence du mouvement ganbanaxu, qui favorise la prise de conscience et la réconciliation entre les êtres vivants, sans se considérer supérieur ou inférieur à autrui. Il nous faut rester unis afin de mettre en œuvre ce qui nous unit et laisser de côté ce qui crée des divisions ou des obstacles entre nous.
Un autre courant émerge pour s’opposer au mouvement ganbanaxu, nommée démocratie, avec l’apparition de WhatsApp qui est arrivé à point nommé et a été utilisé par les gens pour engendrer une animosité sans précédent entre des individus cohabitant malgré leurs différences dans le respect.
Un conflit a surgi. Une fois qu’un conflit éclate, on peut dire que les esprits sont échauffés. À ce stade, on ne pourrait pas envisager une réconciliation. Cependant, à mon avis, garder le silence serait la meilleure option.
Actuellement, on peut envisager une réconciliation à travers un dialogue empreint de respect. Le mouvement ganbanaxu, dont le nom signifie que nous sommes tous semblables, doit être à l’origine de ce débat. Il démontre non seulement que leur mouvement n’est pas destiné à créer des divisions, mais plutôt à promouvoir la communication et l’absence de vengeance.
Pour une concordance Il faut faire un compromis. D’après le mouvement ganbanaxu, leurs trois principales revendications sont les suivantes. Il faut savoir que : La chefferie, L’imamat Et l’union entre différentes castes.
Comme nous le savons tous, ces pratiques ont existé dans notre vie en société à l’époque. Tout le monde a peut-être été d’accord, soit par ignorance, soit par tolérance, ou même par nécessité. Cependant, dans le contexte actuel, il n’est plus envisageable de persister dans ces pratiques. Le changement est indispensable, mais doit se faire avec douceur, sans violence, rancœur ou haine. Engageons une discussion respectueuse avec des concessions mutuelles pour trouver une solution et sortir notre communauté de cette situation qui nuit à tous.

Dans mon livre « l’aventure inimaginable » j’ai détaillé l’origine de cet esclavage dans le milieu soninké.

6 mai 2025

● Réalisé par KS pour le BLOG

● Mauritanie | Un après-midi très spécial pour moi : Une rencontre inspirante avec le doyen Mohamed Yahya Ould Ciré

Un savoir sûr est surtout une affaire d’information vraie et sourcée. J’ai eu l’honneur d’une rencontre auprès d’un éminent intellectuel tenant lieu d’une fructueuse source-ressource, en la personne de l’ancien diplomate mauritanien, Docteur Mohamed Yahya Ould Ciré. Notre première rencontre a eu lieu furtivement en 2013 lors d’une conférence qu’il avait co-animée avec le journaliste M. Seydi Moussa Camara à Massy. Et, nos échanges sporadiques ces derniers temps pour les préparatifs de son article https://ecrit-ose.blog/2025/01/01/%E2%97%8F-lesclavage-au-sein-de-la-communaute-soninke-en-mauritanie-analyse-des-resistances-et-des-discriminations-internes-par-dr-mohamed-yahya-ould-cire-a-h-m-e/, ont abouti à cette visite de courtoisie qui a été un grand moment studieux et inspirant pour moi. Très au fait de la substance historique et sociale des problématiques liées à l’esclavage en Mauritanie, l’homme est d’une grande générosité et d’ouverture pour converser et renseigner avec finesse et promptitude sur les données et les nuances qui s’y adjoignent. L’un des membres inspirateurs du mouvement El-Hor dès 1974 et membre fondateur de l’association AHME (Association des Haratines de Mauritanie en Europe).

● Ma brève conclusion : En Mauritanie, nous devons migrer de « chaque communauté, ses abolitionnistes et progressistes en militants reclus vers une forte synergie trans-communautaire à l’échelle nationale pour un engagement global contre toutes les formes d’injustices ».

Longue vie et santé à lui. Ameen.

• Lien vers sa thèse https://theses.fr/112388582

• Lien Amazon de son ouvrage https://www.amazon.fr/Mauritanie-Mohamed-Yahya-Ould-Cir%C3%A9/dp/2343029415

Région parisienne, 15 avril 2025

KS pour le BLOG
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🔴  🇲🇷 #موريتانيا | أمسية خاصة جداً بالنسبة لي!

إن المعرفة السليمة هي قبل كل شيء مسألة معلومات صحيحة ومصدرها المصدر. وقد تشرفت بلقاء مثقف مرموق يمثل مصدراً مثمراً ومورداً مثمراً، في شخص الدبلوماسي الموريتاني السابق، الدكتور #محمد_يحيى ولد #سيري. التقينا لأول مرة لفترة وجيزة في عام 2013 في مؤتمر شارك في استضافته مع الصحفي سيدي موسى كامارا في ماسي. وتوجت تبادلاتنا المتقطعة في الآونة الأخيرة، في إطار التحضير لمقاله https://ecrit-ose.blog/2025/01/01/%E2%97%8F-lesclavage-au-sein-de-la-communaute-soninke-en-mauritanie-analyse-des-resistances-et-des-discriminations-internes-par-dr-mohamed-yahya-ould-cire-a-h-m-e/، بهذه الزيارة المجاملة التي كانت لحظة دراسية وملهمة بالنسبة لي. فالرجل على دراية كبيرة بالجوهر التاريخي والاجتماعي للقضايا المرتبطة بالعبودية في موريتانيا، وهو رجل كريم جدا ومنفتح على الحوار والإحاطة ببراعة وسرعة بالمعطيات والفروق الدقيقة التي تنطوي عليها. وهو أحد الأعضاء الملهمين في حركة الحور منذ عام 1974 وعضو مؤسس لجمعية الحراطين الموريتانيين في أوروبا (AHME).

● استنتاجي الموجز: في موريتانيا، نحن بحاجة إلى الانتقال من « كل مجتمع ومناضليه والتقدميين في موريتانيا من النشطاء المنزوين إلى تآزر قوي عابر للمجتمعات على المستوى الوطني من أجل التزام عالمي ضد جميع أشكال الظلم ».

● Le Grand Entretien du BLOG | Avec le président de l’association Armepes-France, M. Aboulaye Traoré.

LE GEB | La rubrique Grand Entretien du BLOG vous revient avec l’interview accordée par le nouveau président de l’association Armepes-France, M. Aboulaye Traoré. Il dirige l’Ong qui a été l’association «mère» du mouvement abolitionniste transnational Ganbanaaxun Fedde. Une dynamique populaire qui milite pour l’égalité sociale et citoyenne au sein des communautés soninké à travers plusieurs pays en Afrique de l’Ouest et dans la diaspora. Nos vifs remerciements à lui pour la disponibilité.

Ci-après l’intégration de l’entretien :

✅️-Question 1 : Bonjour M. Traoré Abdoulaye, pouvez-vous en quelques lignes vous présenter à nos lecteurs ?

M. Aboulaye Traoré : Bonjour M. Koundou SOUMARE. Mes salutations à vos lectrices et lecteurs.
Je m’appelle Traore Boulaye dit Abdoulaye né en 1979 à Ajar, Mauritanie. Mon parcours académique et professionnel est sommairement comme suit : Études littéraires à l’université de Nouakchott. Professeur de français après l’E N S à Nouakchott. Master1 en sciences de l’éducation à l’université de Paris 12 Créteil en France. Actuellement je suis travailleur social en France. Du côté de mon engagement militant, je suis l’actuel président de l’association Armepes-France après y avoir été secrétaire général.

✅️-Question 2 : Le 8 décembre 2024, vous a été élu président de l’Association des Ressortissants Mauritaniens pour l’Éradication de la Pratique de l’Esclavage et ses Séquelles (ARMEPES-France), pouvez-vous nous exposer un bref historique de cette association (son champ militantisme et ses objectifs) ?

AT : L’association ARMEPES-France a été créée une année avant mon arrivée en France. Mais j’avais déjà entendu parler de son existence.
Et d’ailleurs mon oncle, qui m’avait hébergé à l’époque était déjà adhérent.
Malheureusement mon ami et moi avions raté notre train et du coup n’avions pas pu assister à la conférence organisée par l’association et animée par Oustaz Abdoulaye Traore dit cheikh Abdoulaye Ibnou Kayman. Il a fallu alors attendre jusqu’à en 2016 pour que je puisse enfin faire mon adhésion avec la dynamique inédite enclenchée par le forum whatsapp de sensibilisation créé (le 5 octobre 2016) par l’ancien président, mon frère M. Gaye Traoré. Je fus un des premiers animateurs sur les groupes WhatsApp pour le mouvement de Ganbanaaxun Fedde.
En effet, j’ai toujours été un militant, inscrit dans plusieurs organisations mauritaniennes pour la défense des droits humains avant de rentrer dans l’association ARMEPES-France notamment AMEES, UVDS, IRA-Mauritanie et bien d’autres associations de mon village. Pour parler un peu de son historique, c’est une association qui à été créée par des Ressortissants mauritaniens victimes de l’esclavage par ascendance vivant en France.
Elle était surtout un moyen et un outil pour sensibiliser et alerter sur les discriminations sociales liées aux coutumes féodalo-esclavagistes. Cela nous permet d’attirer l’attention de la communauté nationale et internationale sur les problématiques de l’esclavage pratiqué entre membres venant de mêmes pays et originaires de la même communauté « Soninké » et ayant la même couleur de peau, Noire. Et de la même religion partagée dans un le groupe sociolinguistique.

Ainsi, nécessairement, il va falloir lutter, dénoncer, cet esclavagisme pratiqué, ce système des castes, qui enfreint la construction des liens sociaux entre les Soninkés avec toutes ces conséquences graves, qui menacent la cohésion sociale et la promotion du développement.
À constater que ce phénomène sévit et poursuit les gens même dans l’immigration notamment dans les diasporas soninké à travers le monde.

✅️-Question 3 : À l’entame de cette nouvelle année 2025, quels vœux souhaiteriez-vous adresser à l’ensemble de la communauté militante du mouvement abolitionniste transnational Ganbanaaxun-Fedde ?

AT : D’abord, je souhaite une bonne et heureuse année 2025 à toutes et à tous. Mes meilleurs vœux de santé, de bonheur et un succès pour les abolitionnistes dans la lutte contre toutes les formes d’injustices en particulier aux militantes et aux militants du réseau-Ganbanaaxun. La lutte contre l’esclavage est un combat rude du coup, elle demande de la patience, de la solidarité entre tous. De la discipline dans le combat, une stratégie réfléchie et une certaine constance. Il faut de plus des personnes ressources ainsi que des moyens techniques et financiers, l’implication de personnes éveillées, surtout le soutien d’anciens maîtres d’esclaves pour réussir dans ce combat.
Multiplier les actions, continuer la sensibilisation dans la non-violence d’une part mais aussi d’autre part soutenir avec le minimum des moyens de secours aux victimes dans l’impasse de la misère sociale parfois. Car la précarité est une autre forme de contrainte pour accéder à son autonomie, souffler la liberté.
Enfin l’éducation est un moyen parmi tant d’autres leviers clés à encourager pour libérer un peuple dominé. À cet effet, qu’importe la situation, il faut rester constant et aller jusqu’au bout dans la lutte car la liberté n’a pas de prix.
Par ailleurs, il faut pousser rigoureusement nos États en Afrique à voter et appliquer des lois contre l’esclavage par ascendance très souvent méconnu ou peu pris en compte dans les violations des droits humains.

✅️-Question 4 : Quel discours de plaidoyer comptez-vous réitérer à l’endroit de la communauté soninké sur les frictions sociales liées à l’esclavage par ascendance et ses diverses manifestations ?

AT : L’esclavagisme est un phénomène historique dont beaucoup des sociétés à travers le monde ont connu et lutté. Pour autant, il est cependant inadmissible. Il est à combattre quelle qu’en soit la force de la résistance à la confrontation.
Ainsi, prenons exemple sur « la traite Negrière », afin qu’elle nous serve de leçon historique par laquelle chacun de nous doit réfléchir, se rappeler et de faire attention pour ne pas heurter injustement la sensibilité des autres. Combattre l’injustice de l’esclavage, doit être le combat de tous, victimes comme les personnes ayant hérité malgré elles de l’ordre social oppresseur. Cet esclavage par ascendance fait partie malgré tout de notre histoire, de l’histoire de la communauté soninké, que ça nous plaise ou pas.
C’est une réalité, qu’on ne doit pas mépriser au contraire, on doit faire face et assumer notre part de responsabilité dans le temps et dans l’espace pour trouver des solutions communes pour son éradication définitive et les problèmes qui lui sont liés afin de vivre ensemble dans l’égalité en droits et en dignité dans sérénité communautaire.

✅️-Question 5 : Après plusieurs années d’activisme intense enclenché par la mouvance antiesclavagiste Ganbanaaxu (la création du forum WhatsApp de sensibilisation en octobre 2016), quelles analyses faites-vous de positions de nos autorités étatiques par rapport au phénomène de l’esclavage par ascendance dans nos communautés, notamment soninké ?

AT : Oui, Lutter contre l’esclavage par ascendance en milieu Soninké n’est pas une chose aisée à mener, voir même très complexe, parce que d’une part, le déni existe et d’autre part, elle était incomprise au début par certaines autorités étatiques de nos pays.
Ils confondent cet esclavagisme avec des discriminations tout court où résumer à des Séquelles pour certains.
Il va falloir continuer à plaider pour démêler les concepts : l’esclavage traditionnel, l’esclavage moderne à l’esclavage héréditaire ou par ascendance.
Mais quelle que soit la situation ce sont des autorités de nos pays qui doivent prendre en charge ce problème afin de trouver des solutions pour son abolition très rapidement.
Engager des moyens, mener des recherches pour savoir le fond du problème et puis prendre des mesures idoines pour régler ce phénomène social très ignoble persistant à notre ère à travers le monde Soninké.
Malgré la non-assistance de nos autorités étatiques aux victimes, les militants abolitionnistes continuent quand même à sensibiliser en masse sur le réseau de Ganbanaaxun dans les quatre pays (Mauritanie, Sénégal, Mali, Gambie), et dans d’autres contrées où habitent les Soninkés notamment les diasporas. Pour finir, nous demandons et exigeons l’application des lois en vigueur contre les criminels esclavagistes, leurs discours extrémistes et ceux qui les protègent.

La lutte continue.

Je vous remercie. Merci pour la disponibilité.

Réalisé par KS pour le BLOG https://ecrit-ose.blog/

16 janvier 2025

● Mauritanie – Le Grand Entretien du BLOG | En exclusivité avec M. Abdel Kerim CISSÉ, un cadre au Commissariat à la Sécurité Alimentaire (Mauritanie).


La rubrique Le Grand Entretien du BLOG (Le GEB) vous propose l’interview d’un jeune cadre mauritanien originaire de la région du Guidimagha. En la personne de M. Abdel Kerim CISSÉ, cadre professionnel dans le secteur du développement rural, il nous livre ses expériences et réflexions en répondant à nos questions. Nous lui adressons nos fraternels remerciements pour la disponibilité et lui souhaitons une bonne continuation dans ses fonctions.


Ci-après l’intégralité de l’entretien :

● Question 1 : Bonjour Monsieur Cissé, merci d’avoir accepté notre interview, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Abdel Kerim CISSÉ : Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier de m’avoir invité sur votre blog, et c’est avec un réel plaisir que je m’adresse à vous et aux visiteurs du site pour répondre vos questionnaires à la limite de ma modeste connaissance. J’ai une profonde conviction que votre blog sera un trait d’union entre les intellectuels et le grand public. Car j’ai constaté que votre blog est une plateforme libre où chaque intellectuel peut s’y exprimer librement ces points de vue sur tous les domaines sans tabou. Je vous remercie une fois encore pour votre courage et votre engagement. Je m’appelle Abdel Kerim Cissé, du village de Hassi Bagra, qui est attaché administrativement la commune de Arr, la Moughataa de Wompou et la région du Guidimakha. La région du Guidimakha se situe à l’extrême sud de la Mauritanie, sa capitale est Sélibaby.
En effet, concernant mon parcours scolaire, j’ai fait mes études primaires et secondaires au Guidimakha, et le lycée à Nouakchott où j’ai obtenu mon baccalauréat en 2009, série D (scientifique).
Après l’obtention du baccalauréat, j’ai poursuivi mes études supérieures à l’Institut Supérieur d’Enseignement Technologie de Rosso (ISET), promotion de 2013 étant sorti avec licence professionnel en Génie Rural.

● Question 2 : Dans quel domaine particulier évoluez – vous comme professionnel ?

AKC : Suite à l’obtention de mon diplôme professionnel en Génie Rural, j’ai décidé de rester dans mon pays pour mettre en lumière ce que j’ai appris à l’université et participer au développement du secteur agricole de mon pays tout en connaissant davantage la géographie et les différentes cultures en milieu rural de notre pays avant de faire une aventure à l’extérieur pour poursuivre mes études, c’était ça mon objectif principal.
Pour ce faire, depuis 2013 jusqu’à 2016 j’ai travaillé en tant que personnel non permanent au compte du ministère de développement Rural à l’époque, qui est devenu aujourd’hui, Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, pendant ces temps j’ai participé aux travaux des aménagements agricoles réalisés au bord du fleuve Sénégal sur la rive droite.
Et ensuite, j’ai travaillé pour un bureau d’étude et contrôle des travaux pendant deux ans entre 2017 et 2018. Suite au lancement d’un concours de recrutement en décembre 2018, j’ai réussi à m’intégrer au Commissariat à la Sécurité Alimentaire, à la direction de programme de développement en tant que cadre flottant, affecté au Hodh El Gharbi, j’y fait deux ans successifs. En revanche, j’ai rejoint Nouakchott en 2021 pour occuper le poste de chef division de programmation et étude des projets de développement. En tant que cadre du CSA j’ai eu l’occasion de sillonner à travers mes activités presque tout le territoire mauritanien excepté deux région qui sont Zoueiratt et Nouadhibou.

● Question 3 : actuellement, plusieurs villages riverains du fleuve Sénégal sont fortement inondés à cause d’une grande remontée des eaux, savez-vous quelques défaillances techniques l’ont provoquée ? Le barrage de Manantali est régulièrement cité, que sait-on à ce niveau ?

AKC : Je profite de cette occasion pour exprimer ma profonde solidarité envers tous ceux qui ont été touchés par cette inondation suite aux lâchés du barrage hydroélectrique de Manantali qui a causé le débordement du fleuve Sénégal où les inondations sans précédent ont eu lieu à partir du 11 octobre 2024. J’aurais souhaité que le soutien des gouvernements soit à la hauteur de l’attente des populations sinistrées et j’en appelle à la responsabilité de tout un chacun surtout à nos parents de la Diaspora et à toutes les personnes de bonnes volontés pour venir en aide aux sinistrés tout au long de l’année car d’après les experts les impacts d’inondations vont se sentir aux populations vulnérables.
Il faut savoir que les inondations récentes n’ont pas été déclenchées en aucun cas suite aux défaillances techniques liées à la gestion des ouvrages de Manantali. D’après ma modeste connaissance en hydrologie et d’après plusieurs analyses des experts, la raison de cette montée du niveau de l’eau s’explique par ce mois de septembre pluvieux. « Principalement ces crues sont dues à la forte pluviométrie tombée sur les différents affluents qui alimentent en amont et en aval du barrage Manantali dès le mois de juillet jusqu’au début octobre. En résumé l’inondation est provoquée par la combinaison des précipitations enregistrées le long du fleuve Sénégal et en Guinée qui ont engendré le lâcher de réserve du barrage par OMSV suite aux alertes précoces répétitives, depuis le début de mois de Septembres les cotes d’alertes des consignes de sécurité d’ouvrage ont presque été atteints. 
Suite aux communiqués successifs de l’OMVS rendus publiques ; je rejoins ma voix à celle du Professeur Cheikh Mbow, Directeur général du Centre de Suivi Écologique au Sénégal lorsqu’il a dit que : Les autorités auraient pu mieux anticiper ces crues. « L’alerte précoce aurait dû être suivie d’actions immédiates. Nous avions vu venir cette situation. En août et début septembre, les alertes montraient que le fleuve allait déborder, et des plans de contingence et d’intervention auraient dû être mis en place.
Malheureusement les actions préventives n’ont pas eu lieu par nos états malgré les nombreuses alertes communiquées par l’organe gestionnaire dudit barrage. Si les autorités avaient pris au sérieux les alertes de l’OMVS et mis en œuvre de plans préventifs les impacts de cette inondation n’auraient pas atteint à cette ampleur.   
Il est important de dire qu’en matière de gestion de risques de catastrophes et désastres naturels, il n’y a guère place à la fatalité et à l’improvisation. Lorsque survient la catastrophe, il sera trop tard pour préparer les réponses, les réactions et la gestion de crise. Le marathon comme la course de vitesse se préparent en avance, pas le jour de la compétition comme les autorités de nos pays fonts.
Tous les pays, petits et grands, peuvent et doivent anticiper et préparer des plans de réponse aux risques naturels, en particulier du fait des changements climatiques.

● Question 4 : De par votre expérience, quels sont les différents écueils à une véritable émergence d’un développement rural dans nos terroirs ? Notamment dans le cas de la région du Guidimagha…

AKC : Le développement d’une matière générale repose sur plusieurs aspects : historiques, écologique, géographique, géopolitique et socio-culturels . Il faut que tous ces aspects soient réunis pour qu’on puisse étudier le développement d’un territoire local, national et sous-régional.
En aperçu de contexte national : La Mauritanie avant son indépendance en 1960, était un pays dont sur le plan économique, les populations dépendaient majoritairement des activités rurales. Les systèmes de production traditionnelle qui sont principalement, les activités agricoles (agriculture, élevage, sylviculture et pêche) reposaient sur des modes de mise en valeur très primaires et dépendaient entièrement des conditions climatiques (pluviométrie, crue des cours d’eau). Compte tenu du caractère quasi-désertique du pays, les ressources en eau et en terre, en faune, flore et en pâturages sont limitées, ce qui constitue une contrainte majeure au développement de l’agriculture, de la sylviculture et de l’élevage. Les ressources halieutiques dont dispose le pays, malgré leur important potentiel, étaient insuffisamment connues et peu exploitées.
Après l’indépendance la Mauritanie à l’instar des pays colonisés par la France souffre de quatre goulets d’étranglement qui sont :
Les changements climatiques (sécheresse récurrente, inondations, dégradation des terres arables…etc.,)
Les problèmes fonciers (les autorités sont incapables de mettre en place des plans des aménagements territoriaux cohérents et des lois équitables foncières)
L’insuffisance d’investissements dans les secteurs vitaux (agriculture, élevage, infrastructures hydrauliques, routières, santé, et l’éducation)
Le faible accès des petits producteurs au crédit agricole en milieu rural (la lourdeur de procédure d’accès, la cherté de prix et l’inexistence des établissements financiers en milieu rural)
Instabilité politique (coup d’état répétitif, conflits entre les communautés éleveurs et agriculteurs, conflit entre les ethnies ou fractions voire transfrontalier)
Manque de décentralisation et mauvaise gestion de ressources de l’Etat.
Ces obstacles et d’autres qui ne peuvent pas être cités ici créent une situation paradoxale : 60 à 70% de la population active sur le continent travaille dans le secteur agricole mais c’est sur le même continent qu’on parle de la sous-nutrition, de la malnutrition et de l’insécurité alimentaire. 
En ce qui concerne la Région du Guidimakha
Le Guidimakha est l’une des willayas les plus pauvres en Mauritanie avec plus de 62,7% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté et plus de 13,56% vivant sous le seuil d’extrême pauvreté selon (L’Enquête Permanente sur les Conditions de Vie des ménages en Mauritanie EPCV). Ce seuil est fixé à 94 637 Ouguiya/mois/an (UM) pour la pauvreté et 70 401 UM pour l’extrême pauvreté. Pourtant, les conditions climatiques permettent au Guidimakha d’être la région agricole par excellence mais paradoxalement il est identifié par différents enquêteurs nationaux et experts internationaux qu’il est la région la plus pauvre en Mauritanie.
L’une des activités essentielles de la région est l’agriculture et cette dernière combine des systèmes pluviaux à des systèmes de décrue, dans les dépressions et les terrains inondables (vallée du fleuve Sénégal essentiellement). Cependant, les cultures pluviales (Diéri) ont connu une diminution progressive en raison des effets conjugués de la dégradation des sols, le déficit hydrique, des conflits intra agriculteurs, extra agriculteurs éleveurs et des faibles rendements. Et il important de signaler que les aménagements hydro-agricoles réalisés par l’Etat surtout sur la vallée du fleuve Sénégal, la région du Guidimakha est toujours en derrière position, de milliers d’hectares de terre sont aménagés chaque année dans les autres régions alors que Guidimakha compte moins de mille hectares aménagés par l’état malgré le potentiel de terres arables existant. Il faut rappeler que l’état réalise et réhabilite également chaque année des micros barrages et digues de retenue a vocation agro-pastorale dans les régions de deux hodhs, Adrar et l’assaba tandis que toute la région du Gudimakha compte moins de cinq micro barrages, alors que cette région est la plus pluvieuse du pays j’en passe.
Les résultats de cette situation décevante ont poussé la population du Guidimakha (adultes, jeunes, moins jeunes et récemment jeunes filles et dames) vers l’émigration pour subvenir aux besoins familiaux en terme de nourriture, vêtements, construction des maisons, infrastructures sanitaires, scolaires et hydrauliques car la région du Guidimakha est victime des inégalités politiques de l’état. Et ceux qui n’ont pas des moins pour s’émigrer en Europe, ils vivent avec les achats à crédit, la réduction des rations alimentaires, la substitution de denrées en fonction des prix (céréales locales par le riz ou le blé) voire même la suppression dans les repas des denrées jugés non prioritaires (viande) constituent les principales stratégies de résilience face à l’acuité des problèmes alimentaires.

● Question 5 : concernant l’exode migratoire qui vide nos terroirs de la jeunesse, quel est votre diagnostic sur le phénomène et quelles pistes de sa résolution selon vous ?

AKC : L’exode migratoire a fait l’objet des nombreuses études depuis précolonial ; il y a eu en effet des débats, colloques internationaux souvent controversés entre les dirigeants des pays développés et des pays moins développés chacun rejettent la responsabilité sur l’autre, les débats se clauses en général sans résultats.
Ce qui nous concerne ici est la communauté soninké. Historiquement parlant, la région du Guidimakha est l’une des principales wilayas à forte densité de ressortissants migrants. D’après l’étude sur le terrain, faite par GRDR, les premiers mouvements migratoires de cette wilaya datent de la période d’après-guerre (1ère Guerre Mondiale) et plus exactement dans les années 20 et 30. Ce phénomène migratoire est donc très ancien dans cette région et caractérisé majoritairement par une migration de l’ethnie Soninké. Être migrant reste « un mythe et un phénomène de mode » et très souvent le manque d’éducation et de qualification professionnelle entraîne ces jeunes vers la voie illégale : la clandestinité.
La migration au Guidimakha a pris tellement d’ampleur que la pression sociale provoque des actions suicidaires en embarquant dans des pirogues pour atteindre « l’Eldorado » selon eux. Les motivations de ce départ restent économiques.
Il faut reconnaitre, que l’exode migratoire est l’une des caractéristiques essentielles de l’économie locale en particulier en milieu Soninké. Les revenus de la migration se traduisent par une capacité d’investissement relativement importante : bétail, mosquée, maisons, barrages, prêts pour les coopératives, réhabilitation de certains équipements ou infrastructures. Cette situation est gravée dans la mémoire collective c’est pourquoi il est rare de voir un parent soninké qui est contre l’émigration car pour eux l’immigration est la seule solution efficace qui assure leur sécurité alimentaire après étaient délaissé par leurs pays respectifs (Sénégal, Mali et Mauritanie). Il faut dire que dans ces trois pays ; les soninkés sont parmi de minorités donc il est rare qu’une minorité trouve ses droits dans les pays où les tribalismes, clientélismes et ethnismes dominent.
En effet, la mentalité dominante de communauté soninké est de partir car pour eux est une seule solution même si on sait tous que partir de cette manière est non seulement inquiétant mais aussi a des répercussions négatives sur le plan éducatif, culturel, religieux et politique à long terme.
En ce qui concerne des suggestions pour trouver de résolution de ce phénome qui a mis en retard notre développement et émergence de nos pays.
L’exode migratoire est un défi majeur de pays de tiers monde si vous me permettez d’utiliser ce therme autrement dit les pays du sud, les pays moins avancés plus particulièrement les pays africains. Bien sûr que les pays moins développés cherchent continuellement des solutions face à cette crise en collaborant avec les pays de nord, ils ont mis en place beaucoup des stratégies en long terme, moyen terme et court terme et des plans d’actions mais sans résultats escomptés et la situation devient pire ; les jeunes meurent au quotidien en traversant méditerranéen pour se rejoindre les pays de nord.
Après l’échec des toutes ces stratégies nationales et internationales. Je suis persuadé que seul l’émergence des pays pauvres qui peuvent stopper l’émigration massive des jeunes vers les pays riches. La question, est comment ces pays peuvent émerger rapidement que possible ?
L’émergence accélérée sur le plan économique de la Chine est une leçon importante dont l’Afrique peut l’imiter tout en créant son propre model pour déclencher son économie et développer le continent. A partir de là, une nouvelle dynamique et une puissance économique verra le jour et l’Afrique prendra son destin à main et sera considérer au même titre que les autres continents et pays. Le continent africain a tous les atouts pour se développer : les ressources naturelles abondantes ; l’énergie renouvelable, la terre fertile et une population jeune. 

● Question 6 : Ces dernières années, la communauté soninké traverse différentes frictions sociales à cause de l’esclavage par ascendance et l’ancien système organisationnel, que pensez-vous de la problématique et vos propositions d’une entente possible ?

AKC : Merci encore une fois pour votre engagement dans cette lutte humaine et civique ; je savais que tu vas me poser cette question. Je salue votre courage d’écrire un livre uniquement sur ce sujet intitulé les restes féodalo-esclavagistes intra-africains : ce qu’il faut comprendre pour s’en débarrasser. J’ai eu l’honneur de lire ce livre et je le trouve intéressant.
Il faut noter que les mouvements anti-esclavagistes et pour la liberté, la justice et l’égalité datent très longtemps dans la communauté soninké, cela ne commence pas aujourd’hui. Pourtant depuis des années vers 1900 le temps de colons il y a eu des villages entiers qui ont été fondés par les anti-esclavagistes mais malheureusement personne n’en parle, notre grand malheur nous les africains la majorité n’écrit pas et ne lit pas nos histoires pour en tirer les leçons.
Quant à la situation actuelle de notre communauté est très désolant, au milieu de 21eme siècle l’esclavage par ascendance perdure dans notre société. Et si un groupe des gens engagent de lutter contre cela, ils seront menacés, diabolisés et souvent torturés je trouve que cela inadmissible, inacceptable et inhumain.
Pour trouver une entente, je ne vois pas d’autre solution qu’un dialogue intégral en discutant ensemble sans tabou. Les intellectuels, les penseurs et les savants (ouléma) à leur tour doivent rédiger un document constituant des nouvelles règles sociales en basant sur la charia islamique et des conventions universelles relatives à l’esclavage. Et ce document doit être inclusif et signé par les notables, les notaires et les autorités concernées et il sera une base de restructuration de notre société dans laquelle chacun trouve sa dignité et ses droits de vivre en tant qu’être humain. 

🗓Octobre 2024

• Réalisé par KS pour le BLOG L’Écrit Osé

● Interview avec Moussa Khairy : « nous avons une équipe compétitive et l’ambition de remporter le titre » | le Quotidien de Nouakchott (Mauritanie)

Président-Fondateur du FC Khaïry (2005), ancien vice- président de la FFRIM, ancien président de la Ligue Régionale de Nouakchott-Ouest, président du FC Tevragh Zeïna, Moussa Khaïry que l’on ne présente plus est avant tout un opérateur économique spécialisé dans la lunetterie.

A côté de son parcours atypique dans la profession, c’est aussi un responsable sportif et mécène.

Il a bien voulu se prêter à nos questions, en nous livrant ses impressions sur les questions de l’heure du football national.

Entretien :

Question : À la faveur d’une pause après la 7ème journée de la SUPER D1, le FC Tevragh Zeïna occupe la troisième place au classement provisoire avec 13 points, derrière Nouakchott King’s (14 points) et à trois longueurs du leader Al Hilal. Quel est votre regard sur cette situation ?

Réponse : Merci pour l’intérêt que vous portez au sport en général et au football en particulier. Concernant votre question, il est encore tôt pour tirer des conclusions sur le classement ou le niveau réel des équipes. Nous n’en sommes qu’à la 7ème journée. Cela dit, le FC Tevragh Zeïna reste fidèle à son statut. Depuis une dizaine d’années, nous sommes régulièrement dans le Top 4, terminant souvent en 2ème ou 3ème place lors des trois dernières saisons. Être dans cette position est déjà un objectif en soi, pour nous. Le championnat est encore long, et beaucoup de choses peuvent se passer. Reposez-moi la question lors de la phase retour, si nous sommes en tête ou non. En attendant, nous restons concentrés et espérons atteindre nos objectifs, Inch’Allah.

Question: Depuis votre dernier titre de champion en 2015-2016, vous courez derrière une nouvelle consécration. Pensez-vous pouvoir reconquérir le titre cette saison ?

Réponse : Il est vrai que, comme beaucoup d’autres clubs, nous avons connu une période sans titre. Cependant, nous avons remporté la Coupe nationale en 2020 et avons aussi représenté la Mauritanie avec honneur sur la scène continentale. Quant à cette saison, nous avons une équipe compétitive et l’ambition de viser le titre. Mais, comme je l’ai mentionné plus tôt, il est encore trop tôt pour prédire le sprint final. Nous espérons confirmer notre potentiel sur le terrain, tout en restant conscients des aléas du football.

Question : Les Mourabitounes ont été éliminés de la CAN 2025 malgré leur victoire contre le Cap-Vert. Quel est votre sentiment sur leur parcours et quelles leçons en tirez-vous ?

Réponse : Comme tout Mauritanien, j’ai été déçu par cette élimination. Cependant, il est important de rappeler que la Mauritanie a participé à trois CAN consécutives avant cette édition. Je pense qu’il est temps de renforcer nos clubs locaux et d’en faire une base solide pour l’équipe nationale. Les exemples du Soudan ou du Sénégal montrent que des équipes nationales compétitives s’appuient sur des championnats locaux solides. Cela nécessitera des investissements en infrastructures, en formation, et un engagement accru de l’État envers les clubs de l’élite.

Question : Malgré cette élimination, les Mourabitounes restent engagés dans les qualifications pour la Coupe du Monde 2026 et le CHAN 2024, quelles sont vos attentes ?

Réponse : Les éliminatoires pour la Coupe du Monde 2026 seront extrêmement difficiles, car la Mauritanie est en bas du classement. En revanche, pour le CHAN 2024, face au Mali, nous avons une chance réelle si nous préparons l’équipe sérieusement. Cela nécessite une rigueur tactique, un soutien accru au championnat local, et une discipline mentale sans faille. L’expérience passée nous a montré que nous pouvons surprendre, comme lors du CHAN 2014. Avec une bonne organisation et une préparation adéquate, un exploit est tout à fait envisageable.

Question : Que pensez-vous de la participation des deux clubs Soudanais Al Hilal et Al Merrikh au championnat national ?

Réponse : C’est une opportunité pour les clubs Mauritaniens de se mesurer à des équipes structurées et expérimentées. Cela permettra d’acquérir de l’expérience, même si le fossé entre nos clubs reste important sur les plans financier et logistique. Cependant, l’ajout de ces équipes allonge le calendrier du championnat, ce qui impacte les budgets des clubs. J’espère que la Fédération et l’État tiendront compte de ces défis financiers.

Question: Comment voyez-vous le départ d’Amir Abdou et l’arrivée d’Aritz Lopez Garai à la tête des Mourabitounes ?

Réponse : Le départ d’Amir Abdou est naturel après des contreperformances. À mon avis, son contrat n’aurait pas dû être renouvelé après la CAN Ivoirienne. Quant à Lopez Garai, il a montré des résultats prometteurs, notamment avec le FC Nouadhibou et lors du tournoi COTIF U-20, en Espagne C’est une opportunité de renouvellement et de changement positif pour l’équipe nationale.

Question: Vous jouez la finale de la Coupe du Président dans quelques jours, comment se déroule la préparation ?

Réponse : La préparation suit son cours, en parallèle avec celle du championnat. Une finale est toujours spéciale : elle ne se joue pas, elle se gagne. Nous espérons offrir une belle performance et ramener le trophée au FC Tevragh Zeïna.

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