● Réflexion ~ Société | La parole comme soin, la culture comme lien. Par M. Souleymane SIDIBÉ

La parole est la « chose puissante en soi ».
La culture est l’œuvre humaine qui s’adapte aux realités du temps sans s’effriter ; pourvu qu’elle humanise et ne déshumanise pas.

En ce sens, la culture (Culture avec une majuscule si l’on veut) ne doit pas être la présentation d’artefacts, d’objets anciens et qui n’ont plus de sens. Elle crée un espace de polarisation. Or, elle devrait être ce mélange de traditions humanisantes et inclusives liées à des valeurs globales.

À chaque fois que l’on parle de langue et de culture, on nous sort des objets qui ne reflètent en rien notre quotidien. Nos habitus, notre quotidien. C’est la « vénération de l’obsolescence ».

Ce réflexe de s’accrocher à des formes mortes de la culture, à des représentations vidées de leur vitalité, traduit une incapacité à reconnaître que la véritable culture devrait conjuguer tradition et valeurs universelles, mémoire et création, identité et ouverture. La culture doit être nourrie par le quotidien.

Je suis contre les représentations culturelles qui muséifient au lieu de vivifier. Je suis pour  une invitation à réinventer une culture qui fait soin, fait lien, fait sens.

Par ailleurs, on observe certain·e·s porter des habits dits traditionnels lors des cérémonies, en guise (-peut-être que je me trompe-) de solidarité avec la culture mise en avant. Mais cela reste de la poudre aux yeux, quand on sait que ces mêmes personnes sont adeptes de la langue de bois, voire du déni des injustices et des inégalités.

Souleymane Sidibé

● Paris – 25 septembre 2025 | Place Ganda Fadiga inaugurée dans le 18ème arrondissement.

Mali 🇲🇱 – Soninké – Évènement | Le nom du célèbre parolier malien issu de la communauté soninké M. Ganda Fadiga (décédé le 19-09-2009 – Paix à son âme) est attribué solennellement à une place du 18 ème arrondissement de Paris #France 🇲🇫. Une icône du gambere (instrument de musique griotte), le natif de maréna (Mali) a vécu durant une période de sa vie dans ce quartier à forte concentration d’immigration d’origine africaine dont des soninkés.

Lors de la constitution des matériaux de notre dernier livre  Brève initiation à la géopolitique pour un jeune Soninké: Repères et évènements historiques : SOUMARE, Koundou: Amazon.fr: Livres https://share.google/Hnik0EvRMnrSH5mj , j’avais illustré un constat en le citant concernant un descriptif qu’il donnait aux espaces géographiques : « …faisant référence à la zone de l’océan Pacifique… il disait que l’aéroport de Tokyo (Japon) serait le dernier avant les eaux maritimes et qu’au delà on se ferait dévorer par les poissons. »

Pour dire qu’il abordait dans ses dires au profit de ses mélomanes traditionnels, des bribes de connaissances sur les pays et environnements lointains qu’il a parcourus de nombreuses années durant auprès des diasporas soninké.

~~~~~~
Il disait :

«Un fuyard qui a eu l’esprit de se courber pour prendre ses chaussures avant s’y attendait sûrement »

«si tu as la nostalgie de ton créancier ce que tu as l’argent de son remboursement»

25 septembre 2025

–KS

● Mauritanie Politique | Nos diasporas politisées et nos duplicités… en Europe !



Ce jour, le clash de Bruxelles entre militants pro régime et éléments opposants est une illustration bruyante de ce qu’on connaît de fractures et bizarreries en termes d’incohérences militantes parmi nous en interne en Europe. Le dernier cas qui m’avait particulièrement troublé fut l’émergence subite d’une structure politique qui s’est lancée au sein d’une certaine diaspora au profit de l’ancien président Ould Abdel Aziz. Ce dernier, qui, durant plus d’une décennie, bafouait nos droits avec un grand zèle. Et aussitôt coincé dans les embrouilles avec ses amis du système, il a tenté une mue politique avec cette diaspora qu’il avait tant méprisée. N’avait-il pas laissé entendre que les manifestants contre les conditions discriminatoires du très controversé enrôlement biométrique, ne sont pas de mauritaniens.
Nous sommes traversés par de nombreuses et insaisissables contradictions dans les positionnements politiques et militants, et les élections législatives de 2023 ont été d’un grand moment de clarification pour qui sait observer et décortiquer nos circulations positionnelles par rapport aux enjeux, aux acteurs et aux affinités (communautaires, familiales, amicales…).

Pour nous cerner et fixer véritablement nos convictions, il faut plus que jamais nous organiser dans des structures formalisées (partis, sections, entités…) avec adhésions obligatoires.

D’ailleurs lors de la dernière réunion de notre instance RAG France en présence du président Biram Dah Abeid, mon propos abordait cette nécessité d’un cadre organisationnel lisible et incarné avec une légitimité acquise par une assemblée générale ou tout autre procédé consensuel. Assez d’un système de soutien frans-clubiste d’un public épars. Au sein duquel… seule la personnalité de Biram Dah Abeid semble réunir et autour aucune culture politique ni de discipline militante ni d’obligations de conscience collective. Une telle carence en termes d’organisation lisible et de structuration fonctionnelle pourrait affecter négativement le leadership courageux et l’aura de la personnalité porteuse du lead politique. Le leader politique d’une opposition véritable sous nos cieux s’habitue déjà inévitablement à d’énormes sacrifices martyrisants et sans un cadre organisationnel valide, légitime et rationnel à l’appui, sa santé physique et mentale prendrait des coups bloquants à terme. Ainsi, une responsabilisation militante des espaces civiques et politiques (zones à zones) devient un impératif de premier ordre pour espérer un déploiement efficient d’un projet politique auprès des citoyens et des opinions publiques à l’intérieur et également à l’international.

Donc..vivement une respectable, cohérente et visionnaire composition organisationnelle à travers l’Europe et un mouvement d’ensemble encarté Opposition politique et droit-de-l’hommiste. Autrement les stratégies cavalier-seul et autres petits jokerismes isolés ne nous rendent pas service et vont faciliter à certains de militer Opposant à Paris et d’aller manifester anti Opposant à Bruxelles…, c’est un peu du « mauritanien » petit calculateur et dissimulé selon les cartes d’intérêt à gratter.

20 septembre 2025

KS pour le BLOG

● Mauritanie ~ Débats | Ce que les embrouilles discursives sur l’identité Haratinité ou « Hardanité » reflètent dans nos miroirs silencieux en milieux autres négro-mauritaniens !

▪︎▪︎▪︎▪︎ Je partirais du postulat d’une contribution publiée en janvier 2016 qui fut reprise par le site Cridem https://cridem.org/C_Info.php?article=679378. Titré En « mauritanien » chaque communauté a ses haratines finalement : Haratine, une fierté!, dans cet élément, j’y expose ce que je crois fermement de la substance « identité Haratine » à travers un prisme bien circonscrit comme suit : Si on raisonnait sur l’ordre purement politique et statutaire, un haratine n’est pas Arabo-berbère, ni Soninké, ni Peulh, ni Bambara et ni Wolof . Mais le statut de Haratine peut être trans-communautaire car chacune des différentes communautés dans leur fonctionnement traditionnel en vigueur, a ses haratines statutaires intra-communautaires qui subissent les mêmes régimes déterministes sur le matériel et l’immatériel.

Ces derniers temps, les intelligences et les poussées argumentatives de différentes palettes ont été convoquées par les uns pour délégitimer les aspirations d’une dynamique militante pour une composante haratine autonome (comme communauté) dans l’ensemble hassanophone et par les autres pour booster d’une manière décomplexée cette même dynamique. J’ose croire qu’une communauté vit son dynamisme par une certaine structuration politique en interne et avec son environnement exta-muros. Ce dynamisme souvent entre clans et segments dirigeants, tient les éléments « cadets sociaux » comme forces d’appoint exploitables assignées ou auto- assignées au service de différentes factions d’un ensemble communautaro-tribal. Ainsi, l’ensemble haratine au sens d’une composante anciennement esclavagisée n’a aucune marge de manœuvre comme libre acteur dans la compétition clanico-politique dans cet ensemble communautaro-tribal avec ses soubassements transversaux généralement esclavagistes. En revenant à la donnée « esclavage », l’horrible efficacité qu’il a pu avoir, est liée à la perturbation systémique de la société parallèle esclavagisée (familles et filiations éclatées ou désordonnées). Les idéologues esclavagistes ont été intraitables en la matière…: il faut en tout temps et en tout lieu, éviter le plus longtemps possible une personnalité réfléchie et consciencieuse de l’ensemble asservi en bas de l’échelle.
La rencontre entre l’entité collective esclavagiste et les personnes esclavagisées ne s’est pas tissée paisiblement sous une tente ou au bord d’un marigot avec des accords tribalo-ethniques par lesquels les secondes acquiescent librement leur servitude au service de la première toute chanceusement innocente. Non… elle fut brutalité couplée à une affreuse déshumanisation et ses conséquences qui forgent une singularité existentielle dans le temps et dans l’espace. Ici 2 anecdotes me surgissent à l’esprit :

a – En 2017 lors d’une conférence à Paris, le leader abolitionniste d’IRA-Mauritanie, M. Biram Dah Abeid avait raconté en substance ce qui suit : Lors d’une rencontre avec une communauté en Afrique de l’ouest, un homme qu’il avait interpellé par rapport l’esclavage lui dit « nous, nos esclaves, on les aime bien » et Biram dit lui avoir répliqué « c’est faux, vous ne les aimez pas, si c’était le cas ils ne vont pas être vos esclaves ».
L’entreprise esclavagiste conduit également une sorte d’évolutionnisme à tendance moralisatrice pour maintenir toujours un suprémacisme sociétal dans la relation post-esclavage entre les 2 univers. Seul un militantisme alerte comme l’a montré le président Biram, permet une réaction lucide afin de confondre subitement les velléités paternalistes.

b – Place Trocadéro à Paris (2015 ou 2016), lors d’une manifestation de la diaspora mauritanienne, j’avais eu un échange avec une jeune militante saharouie (marocaine) accompagnée d’une dame caucasienne d’un certain âge sur place pour leur militantisme pro indépendantiste. J’ai abordé la problématique de l’esclavage ou ses restes sur les noirs qui concernerait le Maghreb également comme chez nous. Elle me disait en toute confiance que c’était fini depuis longtemps et en précisant qu’ils (leurs anciens esclaves sans les nommer ainsi) sont comme une partie de sa famille. Moi… lui demandant : vous vous mariez ensemble vos familles…? Aussitôt j’ai senti la gêne poindre en elle, et elle dit timidement « Non, c’est compliqué sur ce point » . La tacite conclusion qui s’impose sans que cela ne soit verbalisé : « on ne fait pas une famille réellement avec nos anciens esclaves »

Par ces 2 cas, le construit social issu de la condition esclavagiste marque et relègue à vie les victimes dans un certain paternalisme normalisé et décomplexé. Ce passé originel va habiter leur réalité existentielle et le suprémacisme sociétal et politique du bloc anciennement esclavagiste y tient sa base.

Ce nœud originel déséquilibré va marquer toutes les phases du duo existentiel et la réparation relationnelle n’aura pas la même substance pour les 2 bords. Parce que naturellement l’entité collective esclavagiste va développer une suffisance débordante à l’endroit de ses subordonnés statutaires désormais après les fers de la condition esclavagiste desserrés.

On ne comprendra pas les motivations profondes des aspirations à l’autogestion sociale, identitaire et communautaire de l’ensemble anciennement asservi si on se laisse embourbé dans les traits brutes et copier-colleurs de la sociologie, de l’anthropologie et autres X-logie. Il faut savoir secouer son âme profondément et s’appliquer intimement une sereine dose d’empathie envers l’ensemble anciennement esclavagisé. S’imaginer leur passé du temps 0 de cette rencontre de la bascule, la dé-structuration familiale et sociale historique vécue, les humiliations encaissées et assignées en héritage depuis quelques générations…

Et de cette relation, l’univers social anciennement esclavagiste dans sa configuration collectiviste ne disposant pas de leviers efficients avec toute sa bonne volonté, une séparation réparatrice est une voie d’utilité publique. C’est une affaire de mentalités, chacune des parties doit se retrouver pour une mise à jour existentielle après la rupture d’une interdépendance qui ne pouvait pas se réformer. Lire : https://ecrit-ose.blog/2025/04/13/%e2%97%8f-reflexion-et-societe-la-relation-esclave-maitre-ne-se-reforme-pas-elle-doit-etre-separee-pour-une-commune-utilite-publique-par-ks/

Il faut y admettre que l’ensemble anciennement esclavagisé par son statut de subordonné donc pas craint, a une mémoire très lourde (par ce qui est entendu, dit et pratiqué ouvertement) de ce que le subconscient collectif de l’entité esclavagiste ou anciennement esclavagiste retient et exprime à son sujet. Inversement, l’assurance de la supériorité fonctionnelle fait que l’ensemble esclavagiste voit les subordonnés statutairement comme d’éternels incapables qui ne lisent et ne vivent le monde qu’à travers les possibles qu’il lui permet. Tout est dans la subordination…ici et là-bas… tout est par moi et sans moi… c’est le néant existentiel…pour l’ensemble anciennement asservi.

Cet ensemble anciennement esclavagisé est transversal à nos communautés bien sûr avec des variations certaines selon la charpente de chacune d’elles. Mais il existe un tronc commun de Haratinité ou Hardanité parmi les « cadets sociaux » de nos acteurs sociaux dans le schéma tradi-politico-clanique au sein de nos univers communautaires. La différence majeure entre les Haratines du côté hassanophone et ceux du côté de l’ensemble Négro-mauritanien (Soninké, Peulh…) se situe sur 6 points à notre avis :
1 – le nombre pèse énormément du côté hassanophone
2 – la différence de couleur de peau qui est une frontière visuelle dans l’ensemble hassanophone
3 – l’instruction et la dynamique d’éveil de longue date du côté hassanophone
4 – la politisation assumée avec une démarcation lobbyiste en optant pour l’aspiration à une communauté sociale, identitaire et politique. Un mécanisme de dé-tribalisation consciencieuse revendiquée de plus en plus en dehors de l’ancien univers « maître dominateur ».
5 – une terreur grise habite beaucoup de « cadets sociaux » et descendants d’esclavagisés dans l’univers négro-mauritanien.
6 – les complexes et les petites hontes devant l’opinion publique à découvert font raser les murs par beaucoup d’assignés sociaux dans les milieux négro-mauritaniens. On y subit en fatalistes.

Ainsi… à nous, négro-mauritaniens hors Haratines, ce que le débat actuel remue à propos de l’autonomisation sociale et politique de haratines anciennement esclavagisés dans l’ensemble hassanophone, sommes-nous prêts à en accepter les termes disruptifs similaires pour nos « cadets sociaux » intra-muros ?
Ou bien allons-nous continuer à végéter dans une gymnastique troublante avec nos frontières sociales tenues par un intellectualisme tourmenté d’affects à la carte et hors-sol ?
Un dicton célèbre dit : « le balayage doit commencer devant chez soi d’abord »

La communauté citoyenne qui est une aspiration tant espérée de tous ne peut advenir qu’avec des acteurs sociaux et politiques ayant mûrement intégré les valeurs d’égalité sociale et communautaire. Quant on entretient des systèmes porteurs d’un inégalitarisme comme fonctionnement intra-communautaire et inter-communautaire, des incohérences vont surgir et heurter les projets de l’application d’une égalité citoyenne à l’échelle nationale. Une évidence !

10 septembre 2025

–Koundou SOUMARE pour le BLOG

● La communication d’alerte du député et leader droit-de-l’hommiste mauritanien M. Biram Dah Abeid | Sur l’engrenage jihadiste dans la sous-région.

Tragédie du Sahel: Lettre ouverte aux Chefs d’Etat et de gouvernement

– du Mali

– ⁠de la Mauritanie 

– ⁠de l’Algérie

– ⁠de la Fédération de Russie

Aux dirigeants des instances internationales et sous-régionales :

Organisation des Nations unies (Onu)

Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao)

Organisation de la Conférence Islamique (Oci);

De la part de Biram Dah Abeid, député mauritanien, président de l’Ong Initiative de Résurgence Abolitionniste (Ira), lauréat des distinctions :

Prix des Nations Unies pour la Cause des Droits de l’Homme, Bassayire Alqourane, FrontLine Defenders pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, de la ville de Weimar pour les Droits de l’Homme, TIP des Héros contre l’Esclavage et la traite des personnes du département américain, Tulipe des Droits de l’Homme du gouvernement hollandais, du Courage dans La Défense des Droits humains du Sommet de Genève pour la Démocratie et les Droits de l’Homme, Doctorat Honoris Causa de l’Université Belge de Louvain, retenu parmi les 100 personnes les plus influentes au monde, du Magazine Times. 

Distinguées personnalités physiques et morales

Je m’adresse à vous, en ce moment de péril collectif, au sud du Sahara.  L’insurrection jihadiste met en danger de faim et de mort, des villages, des villes et des populations non combattantes et dépourvues d’armes. 

En Mauritanie, et depuis quelques jours, une grande inquiétude et un état de consternation se sont emparés du peuple, dont je suis l’un des représentants. La ville pieuse de Nioro du Sahel, proche du flanc sud de la frontière, devient l’objet d’une stratégie de siège hautement préjudiciable à la survie de ses habitants. Des milliers de civils, à l’instar de leurs compatriotes au centre et à l’ouest du Mali, y courent désormais un risque grandissant de pénurie, de tuerie et d’assassinats ciblés. Le chef spirituel soufi, Cheikh Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah, sommité religieuse de la sous-région, se trouve sous la menace d’une prise d’otage ou, pire, d’une élimination physique.

En conséquence, nous vous demandons de faire diligence aux fins de déclencher les étapes de la riposte que requiert la gravité du présent appel :

– Une action rapide et concertée visant à desserrer l’étau sur les populations de Nioro ; 

– ⁠Une opération spécifique en vue d’assurer la garde rapprochée du Cheikh et des siens ;

– ⁠Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’Onu, prélude à la convocation, dans les meilleurs délais, d’une conférence internationale, qui décidera, a minima, de l’aide humanitaire aux pays exposés à l’imminence d’un débordement par les déplacements massifs de réfugiés. 

Paris, le 5 septembre 2025

● De l’Empire du Ghana à la Diaspora : L’Odyssée Fracturée du Peuple Soninké. Par M. Mody Wassa



L’histoire du peuple Soninké est une fresque complexe, oscillant entre la grandeur passée d’un empire florissant et les défis contemporains d’une diaspora confrontée à la perte d’identité. Cet article explore les grandes étapes de cette épopée, depuis l’âge d’or du Ghana jusqu’aux réalités actuelles de l’exil.

• L’Apogée de l’Empire du Ghana : Un Phare en Afrique de l’Ouest

L’histoire des Soninkés débute au cœur de l’Afrique de l’Ouest, dès le IVe siècle, avec la fondation de l’Empire du Ghana, également connu sous le nom de Ouagadou. Les Soninkés, dotés d’une vision stratégique, ont su exploiter sa position centrale pour contrôler les routes vitales du commerce transsaharien. L’or, le sel et les ressources diverses affluaient vers Kumbi Sallé, sa capitale, qui est rapidement devenue un carrefour économique et culturel d’une ampleur sans précédent.
Au zénith de cette puissance, la famille royale des Cissé régnait. Le titre même de « Ghana » désignait le souverain, soulignant l’importance capitale de cette lignée qui incarnait la prospérité et l’organisation de l’empire. Sous leur règne, l’État atteignit son apogée, devenant un modèle de richesse et de stabilité en Afrique de l’Ouest.

• La Chute et la Fragmentation : Les Racines d’un Peuple Dispersé

Malheureusement, cet âge d’or n’était pas éternel. Le déclin commença par un affaiblissement interne du pouvoir des Cissé. Les conflits de succession et les tensions internes érodèrent l’autorité centrale, rendant l’empire vulnérable. Le coup de grâce fut porté par l’invasion des Almoravides, qui conquirent et détruisirent Kumbi Sallé en 1076. Cette chute marqua non seulement la fin d’un empire, mais aussi le début d’une longue période de chaos.
Le territoire autrefois unifié fut morcelé et les terres furent partagées entre de multiples clans guerriers rivaux. Des guerres généralisées éclatèrent, forçant de nombreux Soninkés à entreprendre un exode massif vers l’Est. Cet événement est considéré comme le point de départ de la longue tradition migratoire du peuple Soninké.
La désunion ne fut pas seulement politique ; elle fut également sociale. L’unité d’antan fut remplacée par un système clanique qui, de manière intentionnelle, créa des divisions. Pire encore, les savoirs ancestraux et les métiers traditionnels (comme le travail du cuir ou de la forge), autrefois valorisés, furent stigmatisés et dépréciés. Ces connaissances orales et techniques, qui constituaient une part essentielle de l’identité soninké, commencèrent alors à se perdre. La solidarité céda la place à une profonde défiance entre les clans, où les rivalités et les préjugés prirent le pas sur la cohésion.

• La Perversion de la Noblesse et la Fracture Identitaire

Avant la chute, la société soninké reposait sur des clans fondateurs (Wagué, Koussa, Kagoro, Karé), mais la noblesse n’était pas un statut hérité. Elle était une qualité personnelle, une noblesse de caractère acquise par les actions, la sagesse et l’intégrité de chaque individu.
Cependant, l’effondrement de l’empire et le chaos qui s’ensuivit pervertirent ce concept. La noblesse devint un statut social hérité par la naissance, s’éloignant de sa signification originelle de vertu. Cette nouvelle stratification sociale affaiblit davantage les liens entre les Soninkés et jeta les bases des divisions qui persistent encore aujourd’hui. Cette fracture identitaire, amorcée par la chute de l’empire, allait se renforcer au fil des siècles.

• La Diaspora Moderne : Entre Espoir et Dilemmes

L’histoire des migrations soninkés ne s’est pas arrêtée au Moyen Âge. À l’époque contemporaine, des vagues d’immigration massive ont eu lieu, en particulier vers la France. Poussés par la pauvreté et la recherche d’opportunités, des milliers de Soninkés ont émigré, laissant derrière eux leurs villages pour de nouvelles vies.
Aujourd’hui, la diaspora soninké est un pilier de développement pour leurs pays d’origine. Les envois de fonds (remises) sont une source de revenus vitale pour les familles restées au pays. Cependant, cette situation n’est pas sans ambiguïté. Les villages d’origine, autrefois centres agricoles dynamiques, se sont transformés en « villages dortoirs », où l’économie dépend désormais largement des fonds envoyés de l’étranger.
Cette aide, bien qu’essentielle, peut parfois glisser vers une forme d’assistanat, étouffant l’initiative locale et créant une dépendance. Un défi majeur se profile : la perte progressive de la langue soninké. Pour les jeunes générations nées loin de leur terre d’origine, la langue soninké s’efface au profit de celle du pays d’accueil, menaçant ainsi la disparition d’une part essentielle de leur identité culturelle.
Ces jeunes, souvent coupés de leurs racines, peinent à trouver leur place et se sentent tiraillés entre les attentes de leurs aînés (comme la reprise des responsabilités familiales et migratoires) et leur propre réalité. La diaspora soninké se trouve ainsi à un carrefour : comment préserver et transmettre un héritage si précieux lorsque les ponts culturels se fragilisent d’une génération à l’autre ?

• Conclusion

Le parcours du peuple Soninké est une illustration puissante de la manière dont les événements historiques, même lointains, peuvent continuer à façonner le présent. De la gloire passée de l’empire du Ghana à la réalité complexe de la diaspora, leur histoire est un récit de résilience, mais aussi de défis.

Mody WASSA
Écrivain-chercheur
wassamody@yahoo.fr

● Esclavage en Afrique: La participation des féodalités africaines est incontestable ! | Par l’anthropologue sénégalais Yaya SY

« Bonsoir Diko. En Afrique, pour de multiples raisons, les gens ne lisent pas beaucoup ou disposent de peu de documents scientifiques sérieux. Je t’envoie des documents que je vais brièvement commenter. Ceux qui disent que les féodalités africaines n’étaient pas impliquées dans l’esclavage (arabo-musulman) depuis le VIIe siècle jusqu’au XXe, font du négationnisme ou du révisionnisme. De même, à des degrés divers, concernant les déportations européennes, l’écrasante majorité des chefferies ont été corrompues par les cadeaux offerts par les Européens, soit pour s’installer sur les côtes, soit pour prendre les voies fluviales et s’introduire dans le pays profond à travers leurs alliés… Les Portugais arrivés les premiers dès la moitié du XVe siècle, ont commencé à donner des cadeaux aux rois pour les corrompre et des armes pour déstabiliser leurs adversaires et en faire de futurs vassaux et esclaves… Les Français installés à Saint-Louis en 1659, ont aussitôt commencé le commerce des esclaves sur la côte sénégambienne… A partir de 1666 ils commencèrent à remonter le fleuve et à payer des redevances et des cadeaux aux souverains et chefs locaux… Mais dès qu’ils s’installent durablement (comme à Bakel), ils cherchent querelle aux chefs en s’imposant par la force. Mais à partir du Second Empire ils ne veulent même « plus payer les coutumes aux sauvages » (droits de passage et cadeaux). On trouvera des détails dans mon ouvrage  » Mouhamadou Lamine Darame ».

Il y a des passages au début de mon ouvrage où les Français achetaient l’amitié des chefs en payant des droits de passage sur le fleuve… À la fin de l’ouvrage tu verras comment ils intimidaient, enlevaient les enfants des fils de chefs pour les envoyer à leur école (chefs soumis ou vaincus). Il faut comprendre que les Européens sont venus s’installer sur les côtes à partir de 1444. Dès lors, on avait deux espaces de prélèvement d’esclaves : la moitié Nord du Continent (du Sahel jusqu’en Somalie) et sur les côtes (des côtes mauritaniennes jusqu’à la mer Rouge). Le Congo a la spécificité d’être la première à être démantelé et la dernière à continuer à être massivement attaqué au XIXe siècle par les esclavagistes.

Dans l’ouvrage de Claude Meillassoux, beaucoup de sociétés africaines font face aux deux systèmes esclavagistes… Les meilleurs spécialistes sont dans la bibliographie. En particulier Denise Bouche qui a écrit sur les « villages de liberté « . Elle montre comment les Français tout en ayant voté des lois d’abolition en 1848, ne veulent pas les appliquer ou faire voter de nouvelles lois pour l’Afrique noire (lois 1901-1903 et 1905 non appliquées). Ils louvoient avec les esclavagistes qui envoient des caravanes en Afrique du nord ; ils veulent seulement en empêcher ces flux de caravanes d’esclaves ; ils essaient d’attirer les esclaves dans leur « enclaves » (escales) tout en ne voulant pas mécontenter les féodaux (mais ils avaient besoin de main d’œuvre). Ainsi, les rois ou chefs de village qui acceptent de collaborer avec eux sont promus à des postes de chefs de cantons (début du XXe jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale). Les féodaux mécontents ont mobilisé leurs marabouts pour propager l’idée que tout esclave qui se rend dans les refuges du Blanc ira en enfer car il n’est pas libéré selon les lois de l’islam… (Denise Bouche  » 1968 « Les villages de liberté en Afrique noir française, Paris, Mouton). Les Français ont continué eux-mêmes à pratiquer les travaux forcés jusqu’en 1946 (Loi Houphouet  Boigny) malgré les nombreuses injonctions de la Société des Nations (SDN).

L’ouvrage de Renault et Daget est l’un des meilleurs qui montre les parts de responsabilité des féodalités africaines et des marchands esclavagistes européens sur les côtes (et la pénétration de leur « commerce » par les cours d’eau du Golfe de Guinée). On achète les places des comptoirs, on couvre le roi de cadeaux (toujours ces marchandises européennes comme leurres). On lui vend des armes et il se lance à la recherche de ses congénères d’autres sociétés, voisines ou lointaines…

Dans cet ouvrage les Portugais débarquent en 1444 sur les côtes de l’actuel Mauritanie. Mais à la fin du XVe siècle, ils ont déjà démoli le Grand Congo d’ Alfonse 1er malgré sa conversion et son attitude, conciliante. Ils remontent vers la Sénégambie pour démolir le Grand Jolof en détachant ses royaumes vassaux à qui ils offrent des cadeaux et vendent des armes… C’est l’explosion du Grand Jolof sous la pression des esclavagistes portugais. Diviser pour mieux régner, car la résistance des grands ensembles pourrait coûter cher à l’envahisseur. Mieux vaut diviser d’abord avant de s’attaquer à ceux qui résistent, mais qui sont déjà isolés…

La participation des féodalités africaines est incontestable ! Par exemple, que ceux qui disent que les rois du Fouta n’ont pas collaboré avec les colons m’expliquent pourquoi et comment le lieutenant colonel Henri Frey a pu avoir 2000 cavaliers d’Abdoul Boubacar roi du Fouta pour aller l’aider à brûler les villages du Gidimaxa qui ont aidé Mouhamadou Lamine lors du siège de Bakel en avril 1886 ? Partout il y a eu des résistances farouches certes, mais aussi des alliances coupables, des vassalisations et des soumissions honteuses. C’est à nous de lire toutes ces pages sombres et claires  de notre histoire en toute objectivité selon les contextes et les périodes.

Dogo Diawara, l’un des plus grands traditionalistes des Soinkés du Gajaaga décrit un exemple de collaboration et de soumission sournoises des féodaux : « Le roi de Tiyabou s’est déplacé en personne pour aller dire au commandant de cercle à Bakel : « Tu es mon camarade, je viens t’informer qu’un marabout du nom de Mamadou Lamine Darame du village de Gounjourou s’apprête à soulever le peuple et à provoquer des troubles dans le pays. Mais le Commandant du fort, le Capitaine Lefranc, était déjà au courant… car son chef hiérarchique le lieutenant Colonel Henri Frey avait reçu des garanties à Gounjourou auprès du marabout qui lui avait déjà promis qu’il ne s’attaquerait pas aux Français). On était en août 1885… Juste au retour de la Mecque du marabout soninké en juillet. Dogo Diawara précise : Le « Tunka » (roi) de Tiyabou disait à qui voulait l’entendre : « Nous avons essuyé un premier problème de Sikhou (maraboput) nous ne voulons plus d’un second Sikhou ». Il avait été échaudé par le soulèvement généré par un premier marabout, en l’occurrence El-Hadj Omar, qui avait ébranlé les pouvoirs locaux des Soninkés et des Bambaras… » On comprend pourqupoi pratiquement, tous les souverains du fleuve avaient déjà en juillet 1885, signé un pacte de protectorat avec les colons français…(…..) »

Docteur Yaya SY Anthropologue et Professeur d’Histoire.

©️ lien média https://guidumakha.com/2025/08/19/esclavage-en-afrique-la-participation-des-feodalites-africaines-est-incontestable/?fbclid=IwdGRleAMSaQVjbGNrAxJn0mV4dG4DYWVtAjExAAEe13HkiM51vTi0LpGCi6gOke1MQSjW2Bk6SKcwewNo0Yz8oBtwwuszEl5Nao0_aem_YdIuKOMq7S-ICj3S5nEVsA

● En Soninkara, les répétiteurs stériles reprennent du service encore. | Par Koundou SOUMARE

©️ 📸 via internet.



📸 Lui, il s’appelle M. Mohammed Diakho Tanjigora. Lire un élément biographique publié dans notre BLOG il y a quelques temps https://ecrit-ose.blog/2023/01/06/%e2%97%8f-elements-biographiques-de-cheikh-madiakho-tandjigora/ .

Lettré soninké en sciences islamiques, originaire du Sénégal, il est auteur de plusieurs ouvrages dont la traduction en soninké du Coran https://ecrit-ose.blog/2021/04/28/la-parution-dun-ouvrage-dune-portee-intellectuelle-monumentale-en-milieux-soninkes-le-saint-coran-traduit-en-langue-soninke-par-le-professeur-muhammad-diakho-tandjigora/.

Dans ses enseignements (cours audios, interviews…), il est d’une pertinence qui ne laisse pas indifférent. Analyste, observateur et intéressé aux données globales (sciences humaines, sciences islamiques, géopolitiques…), il se démarque bonnement par cette aération intellectuelle de beaucoup de lettrés soninkés dits religieux. En Soninkara, il existe quelques répétiteurs stériles et limités intellectuellement qui  sont dans une obsession quasiment maladive à l’encontre de sa personne et de ses enseignements https://ecrit-ose.blog/2022/09/04/%f0%9f%94%b4-ces-hableurs-apprentis-lettres-qui-sattaquent-injustement-a-cheikh-mohamed-diakho-tandjigora/. On peut constater qu’ils lui reprochent ses positions intellectuelles ou plutôt ses facultés d’un certain niveau savant dans ses enseignements.

Ces milieux lettrés soninkés qui ne sont bons qu’à la répétition des textes ou autres idéologies sectaires et confuses, se donnent une étrange prétention d’être de dépositaires de la voi(e)x de la guidance valide.

Pour ceux qui suivent assidûment ou périodiquement les enseignements de cheikh Mohammed Diakho Tanjigora, il est aisé de savoir qu’il ne s’est jamais déclaré l’alpha et l’oméga de savoirs islamiques dispensés auprès de l’audience écosystèmique soninké. Il est d’un courage intellectuel respectable, déploie ses réflexions sur différentes thématiques et appelle souvent aux lettrés soninkés en particulier les jeunes à plus de recherches et d’approfondissement dans leur cheminement étudiant.
Il n’hésite pas à revenir sur ses lectures concernant une donnée ou une position qu’il juge nécessaire après une mise à jour de compréhension dans ses recherches.

Certains répétiteurs stériles qui le tiennent dans leur orbite inquisitrice coincée avec un troublant acharnement, se comptent parmi les lettrés soninkés issus du clergé communautaire qui plaident la validité de l’esclavage coutumier intra-communautaire par leurs lectures apologistes du phénomène relevé comme un crime contre l’humanité aujourd’hui dans différents pays du monde. Également, d’autres lui reprochent tout simplement son intelligence et son érudition à travers ses audacieuses réflexions et d’autres thématiques qu’il aborde dans un esprit de débats ouverts sans dogmatisme. Il n’est pas dans la facilité par la diffusion des audios comme d’autres petits prêcheurs intellectuellement de très basse gamme et d’une arrogance éhontée. Il est connu auteur- écrivain qui réclame naturellement une capacité à produire des enseignements islamiquement solides comme d’autres savants le font dans les milieux arabo musulmans ou dans d’autres univers.

Certains de nos répétiteurs soninkés végètent dans une lourde confusion à mélanger l’arabisme ethnique à tendance sectaire avec la validité ou non d’une production savante d’un penseur. Pour eux, un négre africain qui ose penser et produire sans un patronage validé par un certain type de savant de l’environnement arabo-arabe, est forcément dans l’égarement. Ainsi dire, ils veulent la promotion d’un mimétisme sec et les voix réfléchies qui stimulent la sagesse contributive et l’élévation intellectuelle sont foncièrement gênantes pour eux. Et le cas de M. Tanjigora dans leurs visions étriquées est symptomatique de cette chapelle des répétiteurs coincés et limités intellectuellement.

Longue vie à ce monsieur et bonne continuation dans ses activités intellectuelles qui servent les sciences islamiques et même les sciences humaines.

4 août 2025

-KS pour le BLOG

● Mauritanie | L’Appel Pressant à la Communauté Maure pour Briser les Chaînes de l’Injustice | Par M. Mamoudou Baidy Gaye (Alia Gaye)

–Paris 1er Août 2025

Une question lancinante hante les sables et les rues de Mauritanie pourquoi l’injustice persiste-t-elle, génération après génération, et semble-t-elle s’enraciner davantage ? Ce constat amer, partagé par de nombreux Mauritaniens, ne peut plus être étouffé par le silence ou les dénégations commodes. Il est temps de regarder en face une réalité complexe et douloureuse.
Il est indéniable, comme le soulignent de nombreux observateurs, qu’une part significative de la communauté maure (Bidhân) occupe historiquement une position sociale, économique et politique dominante. Cette position, héritée de structures séculaires, confère des privilèges tangibles. Pourtant, un silence assourdissant, ou trop souvent des paroles timides, émanent des sphères d’influence traditionnelles au sein même de cette communauté les chefs de tribus, les imams écoutés, les notables influents. Où est la solidarité active, tangible, sans ambiguïté, envers les autres communautés – Haratines, Négro-Mauritaniens – qui subissent de plein fouet les injustices sociales les plus criantes : l’esclavage sous ses formes contemporaines, la discrimination foncière, l’exclusion politique, l’accès inéquitable à la justice et à l’éducation ?
L’histoire récente nous enseigne une leçon cruciale les changements positifs, aussi timides soient-ils, n’ont jamais été l’initiative exclusive des opprimés. Ils sont survenus lorsque des consciences se sont éveillées au sein même des cercles privilégiés. Lorsque des hommes et des femmes, bénéficiant de cette position « confortable », ont eu le courage de regarder l’injustice en face, de remettre en question l’ordre établi qui les avantageait, et d’agir. Ils ont choisi la justice au détriment de leurs privilèges immédiats, assumant les conséquences parfois lourdes de ce choix courageux. C’est leur voix, leur refus de la complicité passive, qui a permis les rares avancées vers une société plus équitable.
À la communauté maure, avec qui nous avons tissé le destin commun de cette terre depuis des siècles, cet appel solennel est lancé
Le temps de l’attentisme, des excuses et des demi-mesures est révolu. L’heure est à l’action décisive et courageuse.Nous partageons le même sol, le même avenir, la même destinée éternelle. L’héritage que nous laisserons aux générations futures est en jeu aujourd’hui. Voulons-nous leur léguer une Mauritanie fracturée, gangrénée par l’injustice et la méfiance, ou une nation unie, fondée sur le droit et le respect égal de la dignité de chaque citoyen ?
La responsabilité historique vous incombe, en grande partie, chers frères et sœurs de la communauté maure. Vous détenez souvent les leviers du pouvoir, de l’influence sociale et religieuse, de l’économie. Utilisez-les non pour perpétuer un système inique, mais pour le démanteler. Interpellez vos chefs tribaux pour qu’ils dénoncent les discriminations au lieu de les perpétuer. Exigez de vos imams qu’ils prêchent une véritable justice islamique, une solidarité sans frontières ethniques ou sociales, qui soit le cœur du message divin. Poussez les élites économiques et politiques à mettre en œuvre des politiques concrètes d’équité réforme foncière juste, accès égal à l’éducation et à la santé, lutte implacable contre l’esclavage et ses séquelles, justice indépendante pour tous.
Dieu, comme le rappelle à juste titre la sagesse, n’est pas avec les injustes (wa mā Allāhu biẓ-ẓālimīn). Cette vérité transcendante doit guider nos pas. La passivité face à l’injustice est complicité. Le silence est une arme de l’oppresseur.
La Mauritanie ne connaîtra la paix et la prospérité véritables que lorsque la justice sera le socle commun de toutes ses composantes. Il est temps, chers compatriotes de la communauté maure, de faire le choix courageux. Le choix de la Mauritanie juste. Le choix de l’héritage lumineux. Le choix de Dieu et de l’Histoire. Agissons, maintenant, ensemble, pour briser enfin les chaînes du passé et bâtir l’avenir commun. L’éternité nous regarde

Mamoudou Baidy Gaye dit Alia journaliste militant membre de MDJ

● Mauritanie ~ Sénégal – Contribution : MAAYO WONAA KEEROL ! Par M. Kaaw TOURÉ


Maayo wonaa keerol, n’en déplaise aux petits chauvins et nationalistes étroits. Je suis chez moi à Jowol Rewo et Jowol worgo. Je suis chez moi à Guiraye, Mow, Gawol, Dial, Thilogne, Gawdal, Diamel, Dondou, Keeɗeele, Aali wuuri, Nguidjilone wuro Daara Koliyaaɓe, Sadel, Woudourou,  Koundel, Matam kaggu laaɗe, Bokki Diawe, Ndouloumadji, Doumngaaji, Nganno, Haayre Law, .. où vivent, mes oncles, mes tantes, cousins et cousines.. je suis chez moi partout au Fouta Toro. Demander un visa de séjour pour aller me recueillir sur les sables de Bilbassi ou pour cultiver mes champs à Helata ? Quelle absurdité pour un Fuutanke ! Voulez-vous détruire notre moi, notre histoire, notre culture, couper notre cordon ombilical ? Nous faisons partie du peuple des Deux rives et ce peuple fait partie de l’ensemble de civilisations tekrouriennes et mandingue, aujourd’hui sénégambienne. Cette sénégambie géographique et culturelle qui part de la Mauritanie Centrale (vers Moudjeria, Tidjikja) et qui finit en Casamance et en Guinée Bissau, en passant par une partie du Mali. Cet espace est une aire culturelle dans laquelle ont évolué de nombreuses entités ethniques, toutes parentes et dont le sort a été inextricablement lié depuis des millénaires aux différentes mutations ou changements qui y sont intervenus. Le colonisateur français n’est arrivé à détruire ce pays qu’en 1890 seulement alors que cette « conscience collective identitaire » a été forgée des milliers d’années durant et continue à survivre malgré la séparation arbitraire et artificielle du même peuple par le colon.

En tant que fils de la vallée du fleuve, qui naviguait entre les deux rives depuis ma tendre enfance soit pour aller à nos champs de culture,  soit pour suivre les séances de lutte traditionnelle ou participer à des tournois du football et des journées culturelles qui regroupaient les villages des deux rives, je n’ai jamais senti cette frontière entre nos deux pays séparés administrativement  par le colonisateur.
Adolescent j´ai parcouru par pirogue ou par pieds et au dos d´âne beaucoup de villages du Fuuta natal, du Nord au Sud du fleuve pour participer avec mes amis et classes d’âge ( fedde)  à des séances de luttes traditionnelles sous le feu du bois ou au clair de la lune.
C était au beau vieux temps avant que notre vallée ne soit transformée en vallée de larmes, de résignation et de désolation.
Chez moi nous avons deux Jowol, Jowol rewo ( nord-Mauritanie) et Jowol worgo ( sud Sénégal ), c’est un même village avec les mêmes familles de part et d’autre avec une même histoire, même langue, même culture. Avant les années de braise en Mauritanie nous partagions avec Jowol worgo les mêmes mosquées,  les mêmes cimetières, écoles et champs de culture. On célébrait ensemble nos baptêmes et mariages. On priait ensemble nos morts c’est pour vous dire que le lien du sang était plus fort que tout autre décret ou appel. Le fleuve n’ a jamais été une frontière. Et comme je le rappelais tout récemment dans une interview avec un site mauritanien, nous avions, avant les années de braise en Mauritanie, une fédération des associations culturelles de notre zone au Fouta (Le Ngenaar) qui s´appelait Jaalowaali qui s´étendait de Jowol Mauritanie à Koundel Sénégal et qui regroupait plus
d´une dizaines de villages des deux rives et chaque vacance d´été un des villages de la vallée organisait une semaine culturelle et sportive à laquelle participaient toutes les associations culturelles membres de Jaalowaali. Cela donnait lieu à beaucoup
d´activités dont des soirées de théatre, des choeurs, de ballets, de la poésie, des conférences publiques, des opérations d´assainissements des villages, des plantations d´arbres, des compétitions de football, de
l´athlétisme. Ces grands évènements annuels permettaient surtout de raffermir les liens de parenté et des relations d´amitié entre des jeunes du Fouta, en même temps qu´ils entretenaient notre idéal panafricain répondant à cet adage pulaar ”Maayo wonaa keerol” autrement le fleuve n´est pas une frontière.
Je me sens toujours chez moi au Sénégal et en Mauritanie comme tout bon Foutanké, tout
Waalo- Waalo, tout Guidimaxanke, la Mauritanie a été créée sur l’ancien Tekrour, terre où se sont constituées et individualisées ces trois nationalités ou communautés linguistiques. Cette réalité est aussi valable pour nos compatriotes Beydanes du Nord. Un Ehl barikallah, un Rgeibat, un Ehl Mohamed Fadel, un Ehl bousba peut se sentir chez lui en Mauritanie, au Maroc et au Sahara occidental.
Nous avons vu les deux frères Wane (photo) occuper des fonctions ministérielles dans les deux pays. Nous avons vu notre père et oncle Mamoudou Touré occuper le poste du premier ambassadeur de la Mauritanie à Paris et finir comme ministre des finances au Sénégal.
Pour la petite histoire c’est le 10 avril 1904, par arrêté, que tous les territoires situés sur la rive droite du fleuve Sénégal sont provisoirement rattachés à la Mauritanie occidentale, un état conventionnel crée en 1900 par le colon français à la faveur de l’affaiblissement des pouvoirs traditionnels pré-coloniaux et différenciés des communautés qui cohabitaient dans cet espace.
Le 8 decembre 1933, un décret colonial délimite la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie.
Le 03 juillet 1944, par décret, les deux Hodhs qui faisaient partie du Mali, furent rattachés à la Mauritanie à la faveur d’événements religieux (le courant hamallisste) .
Après la conférence de Brazzaville, comme les États colonisés de l’Aof, la Mauritanie devait élire pour la première fois un député à l’assemblée nationale française, un sénateur et un conseiller de l’union de l’Aof. Ces élections révelaient une double signification pour les Mauritaniens. D’abord, elles symbolisaient le début d’une individualisation politique et territoriale par rapport au Sénégal. Jusqu’au 2 juin 1946, le nom de  la Mauritanie figurait jumelée au Sénégal sous l’appellation « Circonscription Mauritanie-Sénégal), ensuite elles devraient confirmer le loyalisme des chefs traditionnels aux réformes traditionnelles.
En novembre 1946, pour la première fois, les Mauritaniens sont appelés à élire leur député au parlement de la République française. C’est une autre histoire nous y reviendrons un autre jour.
 » Maayo wonaa keerol « . Je signe et persiste.
Demain il fera jour et la lutte continue.

Kaaw Touré mo Jowol